Bien qu’autour de
5% d’intentions de vote de sondages en sondages, François Bayrou n’a pas
renoncé à vouloir se présenter en avril prochain, bien au contraire.
Tous ses propos se
ramènent d’ailleurs à cette volonté farouche d’être candidat pour la quatrième
fois et d’endosser, encore une fois, l’habit du recours en estimant d’ailleurs
qu’il ne s’est jamais trompé.
Tout juste
reconnaît-il avoir été «en avance» sur son temps…
Il faut dire que
sans la présidentielle, Bayrou n’existe pas, il en va donc de sa survie
politique.
Avec la sortie de
son livre, Résolution française, il s’est installé dans un épisode médiatique
en répondant à toutes les invitations des journalistes, multipliant les
interviews comme il aime à le faire pour se poser en sage au-dessus de la mêlée.
Pour donner une
éventuelle crédibilité à sa candidature à la présidentielle, il a décidé en
cette année 2017 de se présenter à la fois comme un anti-Fillon, l’homme au programme
«dangereux» et à l’éthique condamnable, un anti-Macron, l’homme de l’«hyper-capitalisme»
et de l’absence de programme ainsi que comme un crypto-gaulliste qui vante la
nation française, veut réformer le pays en douceur et prône l’union nationale
(rebaptisée «unité nationale») dont il serait évidemment le maître d’œuvre.
Car le président du
Mouvement démocrate se doit, s’il veut avoir une chance de bien figurer – on ne
parle même pas ici de victoire –, récupérer l’espace au centre dont il a été
dépossédé par Emmanuel Macron mais aussi apparaître comme un candidat
acceptable par les sympathisants de droite déboussolés par les révélations sur
François Fillon.
De même, il doit à
nouveau noircir le plus possible la situation du pays et du monde pour se poser
en recours gaullien (il ressort, comme en 2012, le général mais aussi Churchill
et Clémenceau…) et remettre au goût du jour son «union nationale», devenue «unité
nationale» (sic), lui qui préside un parti à zéro député.
Florilège de ses
dernières déclarations:
Sur la situation
chaotique de la France et du monde
- «Dans la
période où nous sommes, où il se passe tellement de choses, je n’ai jamais vu
un chaos aussi grave.»
- «Cette
élection présidentielle a une très grande importance car il s’agit de la
définition de ce que nous pouvons faire avec nos enfants. Pas avec la bataille
des partis. (…) Non! Quelque chose qui puisse nous réunir et nous entraîner.
Réunir et entraîner, pour moi, sont les deux verbes importants dans la séquence
qui s’ouvre.»
- «C’est une période extrêmement bouleversante pour des
millions et des millions de Français, ainsi que pour la démocratie française.»
- «L’intuition
que j’ai de l’état de la société a évolué. Bien sûr, aucun des problèmes de la
France n’est réglé ni en voie de règlement, et on a même l’impression que tout
s’aggrave, en raison des impasses politiques. Mais je ressens dans le pays une
forte envie de vivre. Une volonté de bousculer les obstacles et de relever les
défis qui s’imposent à nous.»
Sur sa personne
- «Il n’y a
que les benêts qui croient que le renouvellement est une affaire d’âge. Ce qui
compte, c’est la force et l’enthousiasme. Regardez les trois plus grands du XX°
siècle: Clémenceau, Churchill, de Gaulle. Quant à ceux qui ont subi les revers
que vous évoquez (ndlr: Sarkozy, Juppé, Hollande et Valls), il y a une chose
qui nous sépare, c’est qu’eux ont exercé le pouvoir. Ils ont été écartés ‘après
usage’, si j’ose dire. Il se trouve que le projet, les idées politiques qui
sont les miennes n’ont pas accédé au pouvoir, pour des raisons qui tiennent
uniquement à des institutions dévoyées.»
Sur le Centre
- «Le centre ne se résume pas à un ni-ni ou à un et-et.
C’est une famille politique qui a une très grande histoire française. C’est une
famille politique qui philosophiquement remonte à Montaigne, à Pascal. C’est
une famille politique qui a fait la résistance – je rappelle que c’était une
part essentielle du conseil de résistance. C’est une famille politique qui a
reconstruit la France à la Libération. C’est une famille politique qui a
construit le projet européen. C’est donc quelque chose qui est enraciné. Je
trouve que dans les temps désordonnés et troublés où nous vivons, la question
de l’enracinement d’une pensée, d’une action, ce n’est pas seulement
médiatique, notre affaire. (…) On ne peut valablement fédérer un pays que si on
a des racines profondes. C’est pour les familles politiques enracinées que je
plaide.»
- «Ma conviction est qu’au point où en est arrivée la
décomposition, c’est du vrai centre, le centre libre et indépendant, que
peuvent venir des pratiques nouvelles et assainies, et de lui seulement.»
Sur son projet
- «La France est un pays qui a besoin d’équité. Peut-être
qu’il y a d’autres pays dans le mode qui acceptent qu’il y ait des différences
de classes très importantes. La France est un pays dans lequel nous avons
besoin d’être assurés que la loi qui s’applique aux uns est la même loi qui
s’applique aux autres. Or, il y a des années et des années que les Français
ressentent à juste titre que ce n’est pas comme cela que ça se passe.»
- «Ce qui est pour les gens troublant (c’est que) les
primaires – on vient de les vivre à gauche et à droite – au lieu de dégager des
candidats ou des présidentiables qui s’adressent à l’ensemble de la France,
sélectionnent au contraire des candidats qui ne s’adressent qu’à une partie de
la France, qu’à un camp, qui vont chercher toujours les noyaux durs et qui
emploient les expressions, qui utilisent les idées les plus exagérées pour que
le camp se regroupe autour d’eux. C’est le contraire de l’élection
présidentielle. Ce que l’élection présidentielle devrait apporter aux Français
– c’est ce pour quoi je plaide dans ce livre – c’est un président garant, qui
apporte la garantie de fiabilité, de loyauté et de l’unité du pays. Un homme ou
une femme qui s’adresse et qui porte la voix de l’ensemble des Français, qui
leur garantit par son intervention que tout est loyal, que le débat qu’ils ont
devant eux est un débat loyal.»
- «Il y a une absence d’idées dans cette élection
présidentielle, une absence de projet. Vous voyez bien que les projets qui
sortent, l’un très à droite, l’autre très à gauche, ne correspondent pas à
l’attente des Français. Entre les deux, il n’y avait pas de projet jusqu’à
maintenant. Je pose un projet sur la table. Ce projet est en particulier une
réflexion sur ce qu’est le président de la République dans nos institutions et
ce qu’il devrait être: l’homme qui garantit aux citoyens que ce qu’on leur dit
est vrai, que les débats sont loyaux, que rien ne se passe derrière le rideau,
que tout ou l’essentiel des débats est devant eux.»
- «Aujourd’hui, la démocratie française, de ce que j’en
ressens, a besoin d’avoir une garantie de loyauté. L’élection présidentielle
devrait servir à cela. J’explique dans mon livre (…) que le président de la
République doit être le garant de la loyauté de notre vie publique et de nos
institutions. Pas seulement de l’honnêteté, cela va sans dire, mais du fait que
par exemple, que les citoyens soient informés des raisons pour lesquelles les
décisions sont prises, qu’il n’y a pas des réseaux d’intérêt qui se glissent
dans tout cela. C’est le président de la République qui empêche la prise de
contrôle par des réseaux d’intérêt de l’organisation de la décision publique
par exemple dans les sujets économiques. Il y a mille et mille recoupements
entre des influences et des décisions.»
- «Je
définis trois priorités : premièrement, l’unité du pays. Qu’on stoppe la
dissolution et le chacun-pour-soi. (…) La deuxième priorité que je définis,
c’est l’énergie du pays. L’Etat est devenu une forêt administrative bloquant
tout esprit d’entreprise et toute innovation. (…) La troisième priorité, c’est
avoir une vision de ce qu’est la souveraineté de la France aujourd’hui. Pour
moi, dans un monde aussi dangereux, l’Europe doit être reconstruite.»
Sur la critique systématique de François Fillon
- «Il y a des semaines que j’ai dit à François Fillon: ‘si
le projet est à prendre ou à laisser, je réponds que je le laisse’. Je ne
partage pas ce projet, pas seulement en raison des péripéties récentes, mais
parce que ce projet depuis le début est déséquilibré en ce qu’il frappe et est
punitif pour ceux qui sont en bas de la pyramide, ceux qui ont des petits
salaires, des petites retraites, à qui l’on va infliger deux points de TVA en
plus. On baisse leur pouvoir d’achat. Dans ce projet, on met fin aux 35 heures
donc on met fin aux heures supplémentaires. C’est ça la vérité. On baisse donc
le revenu du travail. On ajoute de la TVA et dans le même temps, on dit ‘je
supprime l’ISF’. Je ne sais pas si vous voyez le choc. Cette différence de traitement
entre ceux qui sont les plus privilégiés et les autres, c’est choquant! Je sais
bien que probablement des aménagements à l’ISF devraient être faits pour que
l’investissement dans l’appareil productif – ce que je propose dans le livre –
soit protégé ou incité. Mais vous voyez bien que ce n’est pas la même
chose. Par exemple, quand on dit aux fonctionnaires: ‘On va vous faire
travailler 10 % de plus, mais on ne vous paiera pas plus, sauf des tranches que
nous négocierons’, on ne donne pas aux Français le sentiment que les sacrifices
seront partagés par tous et les avantages seront partagés entre tous. Or, c’est
un pays qui a besoin d’avoir ce projet social au cœur de la vision qu’il se
fait de son avenir.»
- «Dans les
deux semaines qui viennent, beaucoup de choses vont bouger. Plus encore, on
évoquait ceux qui ont par millions voté dans cette primaire. Imaginez leur
déception et leur rancœur aujourd’hui. Ils n’ont pas toujours été d’accord avec
moi, on a eu des débats, je me suis confronté… mais ce sont des citoyens de
bonne foi qui croyaient que c’était une démarche de bon aloi et qu’elle allait
leur permettre de s’engager, de croire à quelque chose. Aujourd’hui, ils sont
écœurés. Ils disent: «je ne voterai plus, monsieur». Au contraire, notre
responsabilité est de leur fournir la garantie que cet engagement n’est pas à
jeter et qu’ils avaient raison de vouloir un engagement de bon aloi, que c’est
le système ou les institutions dans lesquelles nous vivons qui depuis longtemps
ont rendu glissantes les pratiques que nous y avons.»
- «Même si je mets cette affaire (ndlr: ‘Pénélope Gate’) à
part, sur le plan politique, François Fillon a manifesté qu’il ne voulait pas
bouger de son projet. C’est un programme très rude sur le plan social, sur la
sécu comme sur la question de la durée du travail, avec la suppression des
heures supplémentaires, très rude pour la fonction publique. Sur ces points,
nous sommes en désaccord. Et j’ai l’impression que je ne suis pas le seul, y
compris parmi ses plus proches.»
Sur la critique systématique d’Emmanuel Macron
- «‘Rejoindre’ est un mot que je n’emploie pas
souvent. J’ai un problème avec Emmanuel Macron et je suis sûr que vous
avez le même. A la date où nous sommes, le 1er février, je ne sais
pas bien qui il est, quel est son projet. Il vient encore d’en reporter l’annonce
de plusieurs semaines. Je ne sais pas avec qui il veut gouverner. Je ne sais
pas quel est son positionnement. Je reconnais bien ces mouvements de foule qui
sont les siens aujourd’hui, j’ai vécu la même aventure, au même moment, dans
les mêmes salles et avec les mêmes chiffres il y a quelques années. Je sais
bien qu’une partie des électeurs qui sont sensibles à ce que je dis sont aussi
attirés par ce mouvement, mais je ne sais pas quel type de président de
la République on propose aux Français. Peut-être que les jours qui viennent
nous permettront d’éclaircir toutes ces choses. Je l’ai dit souvent, dans la
période récente au fond, il y a une grande question: est-ce que la France peut
être forte dans la compétition du monde – on vient encore d’annoncer ce matin
des chiffres très importants – et en même temps porter un projet juste?
L’hypercapitalisme mondial, vous savez bien ce qu’il est: toujours plus aux uns
(…). Il y a quelque chose qui ne va pas. Or, il en va de la vocation, de l’âme
de la France, de ce que nous portons au plus profond, de porter un autre
modèle. Cet autre modèle, c’est une des questions principales de l’élection
présidentielle. On a envie d’avoir une société dans laquelle on reconnaisse des
valeurs.»
- «Emmanuel Macron a annoncé qu’il reportait l’annonce de
son projet à plusieurs semaines. Il y a une grande question que la France se
pose, la France comme société, comme pays, comme nation, se rallie-t-elle au
modèle dominant dans le monde, celui de l’hypercapitalisme, ou est-ce qu’au
contraire, tout en prenant absolument conscience des enjeux, est-elle une forme
de résistance à ce modèle-là? Ce modèle qui a pris le contrôle de tous les
instruments de pouvoir. Regardez comment s’est jouée l’élection présidentielle
américaine. (…) Pour moi, la vocation de la France est d’apparaître face à ce
modèle dominant dans le monde comme une force de résistance ou en tout cas
d’indépendance, et que chez nous, nous imposions le fait que la logique de
notre politique est une logique civique, dans laquelle les valeurs auxquelles
nous croyons, notamment le fait que nous avons une sensibilité sociale plus
grande que les autres, tout cela soit défendu.»
- «J’ai dit que la question c’était le modèle de société
auquel on voulait adhérer. Que ce modèle de société, c’est celui dans lequel de
grands intérêts industriels, financiers, cherchent à imposer leur loi. Est-ce
que monsieur Macron a la même vision que ces forces-là? Vous savez bien qu’il y
a autour de lui beaucoup de ceux qui défendent ce modèle-là. Ou bien est-ce
qu’il partage avec moi le sentiment que la France doit être une force de
résistance? Pour l’instant, ce que j’ai entendu d’Emmanuel Macron, c’est qu’il
faut adapter la France à ce monde-là. (…) Deuxième question: est-ce qu’on
accepte le pluralisme de la vie politique ou est-ce qu’on considère que c’est un
parti qui a tous les pouvoirs? En l’occurrence, ici, un parti qui n’existe pas
encore. Moi, je pense qu’il ne faut pas qu’un parti ait tous les pouvoirs, mais
qu’on reconnaisse la légitimité des quatre, cinq, six forces politiques
françaises et qu’on soit capable de les réunir et les fédérer pour faire
avancer les choses. C’est extrêmement différent de ce qu’Emmanuel Macron
propose aujourd’hui. (…)»
- «Le mot ‘révolution’ est aujourd’hui employé à toutes les
sauces. En réalité, on utilise le mot pour ne pas faire la chose, pour que rien
ne change dans la société. ‘Révolution’, normalement cela veut dire ‘renversement
de l’ordre établi’. Mais si ce qu’on nous propose, en réalité, c’est
l’alignement de la France sur le modèle mondial de l’hyper-capitalisme, je le
dis: ce n’est pas la vocation de la France. La vocation de la France, de par
son histoire, de par son identité, c’est de proposer un autre modèle de société
que celui du chacun-pour-soi et des inégalités toujours plus impitoyables.»
- «Je reprends mes trois conditions à une candidature
présidentielle: personnalité, projet, positionnement. Sur ces trois points, je
n’ai pas de réponses (ndlr: sur Emmanuel Macron). Mes questions sont entières:
est-il armé pour la fonction ? Et quels sont réellement son projet et son
positionnement ? (…) La place de l’argent dans ces campagnes est excessive.
C’est un danger. Chez lui comme chez d’autres, d’ailleurs… (…) Bien sûr, il y a
des ressemblances (ndlr: avec Macron). Dans les deux cas, un grand succès
d’audience. Mais ce qui me frappe, en tout cas pour l’instant, c’est que les
gens que je connais qui assistent à ses réunions en sortent sans avoir retenu
beaucoup d’idées marquantes. Et pourtant c’est sur le fond que les questions se
posent. Mon point de vue n’est pas que la France doit s’aligner sur le modèle
économique qui domine le monde, c’est qu’elle doit défendre un autre projet,
plus juste et plus efficace. Un autre projet pour elle, et au nom de bien
d’autres.»
Alexandre
Vatimbella
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