Barack Obama lors de son discours à Chicago |
Lors de son entrée à la Maison blanche, Barack Obama était
un centriste assumé.
Après huit ans de présidence, il en ressort toujours aussi
centriste lorsque l’on écoute son discours d’adieu qu’il a donné mardi 11
janvier à Chicago, sa ville d’adoption et celle de naissance de sa femme et de
ses filles.
Ses propos ont été à l’unisson de ce qu’il avait promis aux
Américains et de sa manière de gouverner et ce malgré les aléas, les
difficultés et, surtout, l’obstruction continuelle de la droite radicale du
Parti républicain qui a toujours refusé de travailler avec lui et a même joué
contre le pays pour le faire battre, permettant, in fine, à un populiste
démagogue de Donald Trump d’arriver au pouvoir.
Son discours a été pro-démocratie, pro- société ouverte et
cosmopolite, pro-humaniste, pro-consensus, pro-compromis, tout le contraire des
diatribes de Trump pendant la campagne électorale où depuis son élection, les
insultes, les mensonges et les menaces continuent d’être le lot commun de ses
déclarations et de ses tweets.
Le prochain président américain ne vient-il pas d’ailleurs,
lors de sa première conférence de presse de comparer la CIA et le FBI à la
Gestapo nazie?!
De même, Obama a rappelé que les Etats-Unis devaient
demeurer les défenseurs de la démocratie dans le monde et ne pas se replier sur
eux-mêmes.
Le président pour encore quelques jours a commencé son
discours en parlant de Chicago pour immédiatement entrer dans le sujet, les
Etats-Unis et ce qu’ils représentent comme nation:
«Le cœur battant de l'idée américaine (est que) nous sommes
tous égaux, (que) notre créateur nous a donné des droits et des devoirs: la
vie, la liberté et la poursuite du bonheur. C'est grâce à cela, grâce à notre
démocratie, que nous pouvons former une union plus parfaite. Quelle belle idée
les pères fondateurs nous ont donnée! La liberté de pouvoir poursuivre nos
rêves grâce à notre travail et à notre créativité. Depuis 240 ans, notre
nation a procuré du travail à chaque génération. C'est ce qui nous a amenés à
choisir la démocratie contre la tyrannie, ce qui a encouragé les pionniers à
parcourir le Grand Ouest de notre continent, c'est ce qui a encouragé les
esclaves à choisir la liberté. C'est ce qui a attiré les immigrants et les
réfugiés chez nous, et les a poussés à traverser les océans et le Rio Grande.
C'est ce qui a poussé les femmes à obtenir les mêmes droits que les hommes. C'est
pour tout ça que les GI ont donné leur vie à Omaha Beach, en Irak et en
Afghanistan. C'est cette idée qui nous permet de dire que l'Amérique est
exceptionnelle. Non que notre nation ait été impeccable dès le début, mais nous
avons fait de notre mieux pour améliorer la vie des générations suivantes.»
Mais, après ce satisfecit, il a mis en garde les Américains,
notamment en regard de ce qui pourrait subvenir à leur pays avec Donald Trump
comme président: «La démocratie n'est pas facile à entretenir. Elle avance de
deux pas pour reculer ensuite. Mais, sur son long chemin, l'Amérique a toujours
été vers l'avant. Et notre pays a toujours eu les bras grands ouverts pour
accueillir tout le monde et ne laisser personne au bord de la route».
Car, selon lui, il va falloir défendre la démocratie
américaine:
«Nous avons besoin de tous pour relever ces défis. Nous
restons la nation la plus riche, la plus puissante et la plus respectée sur la
terre. Notre jeunesse, notre dynamisme, notre diversité et notre ouverture,
notre capacité à prendre des risques nous permettent de croire en l'avenir. Mais
ce potentiel ne peut se réaliser que si notre démocratie fonctionne bien et si
notre politique reste décente. Ce n'est que si nous tous, indépendamment de nos
convictions politiques ou des intérêts particuliers, nous travaillons ensemble
que nous pourrons répondre aux défis du pays. Ce sur quoi je veux mettre
l'accent ce soir, c'est l'état de notre démocratie. Il ne s'agit pas de marcher
au pas dans la même direction. Nos fondateurs se sont querellés, et finalement
ils se sont mis d'accord autour d'un objectif commun. Ils s'attendaient à ce
que nous fassions de même. Ils savaient que la démocratie exige un sentiment de
solidarité. Ils avaient imaginé qu'avec toutes nos différences, nous nous
lèverions comme un seul pour aller dans la même direction. Il y a eu des moments
de notre histoire qui ont menacé cette solidarité. Et le début de ce siècle, le
XXI° siècle, a été un de ces moments. Un monde en déclin, des inégalités
croissantes, des changements démographiques et le spectre du terrorisme… Ces
forces nous ont menacés. Elles ont mis à l'épreuve notre sécurité et notre
prospérité, mais aussi notre démocratie. La façon dont nous relèverons ces
défis déterminera notre capacité à éduquer nos enfants, à créer de bons emplois
et à protéger notre patrie. En d'autres termes, notre avenir.»
Et, un de ces défis concerne «les inégalités flagrantes sont
dangereuses pour la démocratie».
Mais l’un d’eux est aussi la peur irrationnelle: «la
démocratie peut se fragiliser lorsqu'elle a peur. Donc, nous tous, chaque
citoyen, nous devons rester vigilants face aux agressions extérieures, nous
devons nous garder d'affaiblir les valeurs qui font ce que nous sommes».
«C'est pour cette raison, explique-t-il, la défense de nos
valeurs, que nous ne pouvons pas nous retirer des grands combats mondiaux. Il
faut élargir la démocratie, les droits de l'homme et de la femme, et ceux des
LGBT. Peu importe si nos discours et nos actions dans ce domaine sont
imparfaits: nous défendons l'Amérique. La lutte contre l'extrémisme, et
l'intolérance, et le sectarisme, et le chauvinisme fait partie de la lutte
contre l'autoritarisme et le nationalisme obtus. Si la liberté et le respect du
droit diminuent dans le monde, alors, la probabilité de guerres entre les
nations augmentera, et nos propres libertés finiront par être menacées. Alors,
soyons vigilants, mais n'ayons pas peur. Daech tue des innocents. Mais ils ne
peuvent vaincre l'Amérique si nous restons fidèles à nos valeurs et à notre
Constitution. Les pays rivaux comme la Russie ou la Chine ne peuvent égaler
notre influence dans le monde – à moins que nous ne renoncions à nos valeurs et
que nous ne nous transformions en un autre grand pays qui intimide de plus
petits.»
Puis il s’est lancé dans un véritable plaidoyer de la
démocratie en parlant des menaces intérieures qui pourraient la détruire:
«Notre démocratie est menacée chaque fois que nous oublions
nos valeurs morales. Chacun d'entre nous, indépendamment de ses convictions
politiques, devrait prendre sa part à la reconstruction de nos institutions
démocratiques. La participation électorale aux États-Unis est la plus faible
des démocraties avancées. Lorsque la confiance dans nos institutions est
faible, nous devons réduire l'influence de l'argent et insister sur les
principes de transparence et d'éthique. Lorsque le Congrès dysfonctionne, nous
devons encourager les politiciens à pratiquer le bon sens. Souvenez-vous que la
démocratie ne fonctionne pas toute seule. Elle a besoin de chacun. Être citoyen
d'une démocratie implique des responsabilités et des comportements vertueux. Notre
Constitution est un cadeau remarquable. Mais c'est un morceau de parchemin.
C'est nous qui faisons vivre cette démocratie, c'est nous qui en sommes
responsables. C'est nous qui défendons nos libertés. L'Amérique n'est pas un
objet fragile. Mais la démocratie l'est, si on la néglige et que l'on n'en
prend pas soin. Dans son discours d'adieu, George Washington écrivait que la
rigueur des gouvernements était le fondement de notre sécurité, de notre
prospérité et de notre liberté, mais que l'action gouvernementale nécessitait
un consensus. Chère Amérique! Nous affaiblissons notre bien commun lorsque nous
laissons notre dialogue politique devenir si corrosif que les talents se
détournent du service public. Les Américains qui ne sont pas de notre bord
politique ont beaucoup de rancœur. Mais s'ils voient ceux qui les dirigent
comme malveillants pour le pays, c'est un vrai problème. Nous affaiblissons la
démocratie lorsque nous laissons le fonctionnement du système politique se
corrompre. Il incombe à chacun d'entre nous d'être le gardien jaloux de notre
démocratie. Embrassez la joyeuse tâche qui nous a été confiée, essayez
continuellement d'améliorer notre grande nation! Malgré toutes nos différences,
nous avons le même orgueil national! Et il repose sur cet amour de la
démocratie. Votre démocratie a besoin de vous. Pas seulement quand il y a une
élection, pas seulement quand vous souhaitez défendre vos intérêts économiques
directs. Mais tout au long de votre vie et en fonction des valeurs morales que
vous souhaitez pour votre communauté.»
Barack Obama a également fait l’éloge de l’indispensable
communication entre les groupes sociaux et ethnique du pays:
«Notre démocratie doit fonctionner comme elle le devrait
dans une nation de plus en plus diversifiée, chacun d'entre nous doit
s'efforcer de suivre les conseils d'un grand personnage de roman, Atticus
Finch, qui disait: «Vous ne comprenez vraiment une personne que lorsque vous
considérez les choses de son point de vue et que vous mettez dans sa peau.» Nous
devons donc être attentifs aux attentes des Noirs et des autres groupes
minoritaires, aux réfugiés, aux immigrants, aux pauvres, aux transgenres… Mais
aussi à l'ouvrier blanc de la classe populaire dont le monde a été bouleversé
par les forces économiques. Nous devons faire attention et écouter.»
Mais, a-t-il ajouté, ce n’est pas facile avec le repli des
communautés sur elles-mêmes et sur une fausse réalité qui vient de «fake news»,
les fausses informations qui n’ont jamais été aussi nombreuses que lors de
l’élection présidentielle de 2016:
«Ce n'est pas facile. Pour beaucoup d'entre nous, il est
devenu plus sûr de se retirer dans nos propres bulles, que ce soit dans nos
quartiers, dans les collèges, dans les lieux de culte ou surtout dans nos
médias sociaux, entourés de gens qui nous ressemblent et partagent la même
vision politique. Et ne contestent jamais nos hypothèses. Cela nous pousse à ne
plus faire confiance à l'information vérifiée lorsqu'elle challenge nos
convictions. Et cette tendance représente une troisième menace pour notre
démocratie. La politique est une bataille d'idées. C'est ainsi que notre
démocratie a été conçue. Mais sans une base commune de faits, vérifiés et
incontestables, il est impossible de débattre sereinement. Et de trouver un
compromis.»
En outre, Barack Obama a rappelé ce qu’il avait accompli
pendant ses deux mandats: la sortie de la Grande récession, le redémarrage de l’industrie
automobile, la création de millions d'emplois, les nouvelles relations avec le
peuple cubain et l'Iran, l’élimination de Ben Laden, la mise en place du
mariage pour tous, la création d’une assurance santé pour tous (Obamacare).
Enfin, il a conclu son discours par un appel vibrant à croire
dans les Etats-Unis:
«Je n'ai qu'une dernière demande en tant que président, que
votre président, je vous demande de croire. De croire en vous. Croyez dans
notre Constitution, croyez dans l'idée chuchotée par les esclaves et les
abolitionnistes, croyez dans les rêves des immigrants qui arrivent ici, croyez
dans ceux qui aiment la justice, croyez en ceux qui ont planté le drapeau de la
démocratie et chassé la tyrannie, croyez dans ce drapeau planté sur la Lune.
L'histoire de l'Amérique n'est pas écrite. Oui, nous pouvons le faire (Yes we
can), oui, nous pouvons le faire, oui, nous pouvons le faire, oui, nous pouvons
le faire!».
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC