Hillary Clinton & Emmanuel Macron |
Alors qu’Hillary Clinton met en ce moment la touche finale à
un livre consacré à sa défaite lors de la présidentielle américaine de 2016, penchons-nous
sur celle-ci et, à l’opposé, sur la victoire d’Emmanuel Macron afin de tenter d’analyser
ce qui a permis à l’un de se faire élire et pas à l’autre, pourtant tous deux
centristes face à des contextes qui, sur bien des points, avaient de fortes
similitudes.
Bien sûr, la première remarque est d’enfoncer une porte
ouverte: les Etats-Unis ne sont pas la France.
Ayant dit cela, il convient, néanmoins de constater que lors
de l’élection présidentielle française, les mêmes problématiques se sont posées
à Emmanuel Macron que celles qu’avaient à résoudre Hillary Clinton face à
Bernie Sanders lors de la primaire démocrate puis face à Donald Trump lors de
l’élection générale.
Et que, malgré tout, dans un cas, il y a eu victoire, dans
l’autre, défaite.
Faisons immédiatement une précision d’importance qui
auraient du rendre cette comparaison bien moins utile mais, toutefois, pas sans
intérêt: si les règles de l’élection présidentielle américaines avaient été les
mêmes que la française, alors, aujourd’hui, Hillary Clinton serait à la Maison
blanche.
Cette réalité est largement occultée aux Etats-Unis parce
que cela remet en cause le fonctionnement de la démocratie américaine, surtout,
les règles posées par les Pères fondateurs, véritable sacrilège.
De même, cela voudrait dire que les Américains n’ont pas le
meilleur système démocratique, ce qui est impossible à avouer pour eux, même à
conceptualiser…
On le voit tous les jours dans les médias où le comportement
de Trump est largement critiqué mais jamais le système qui l’a installé à la Maison
blanche.
Et puis Hillary Clinton, comme tous les candidats à la
présidentielle américaine, connaissaient les règles et les ont incluses dans
leurs stratégies et tactiques électorales.
De ce point de vue, il y a donc une pertinence à confronter
les éléments de sa défaite avec ceux de la victoire de Macron.
Voyons donc les similitudes des deux candidatures et de
leurs contextes ainsi que la manière dont les deux candidats ont répondu aux
attaques et aux controverses qui les ont touchées mais aussi ce qui a,
indépendamment de leurs réponses, provoquer des conséquences diamétralement
opposées dans leurs destinées.
- Une candidature centriste
Hillary Clinton et Emmanuel Macron étaient sans conteste
deux candidats centristes.
Mais alors que la première a du faire des concessions sur sa
gauche pour ramener vers elle les électeurs «liberals» puis ceux plus à gauche
qui avaient voté Bernie Sanders lors de la primaire en tentant également de ne
pas mécontenter les républicains modérés, Emmanuel Macron n’a pas eu besoin de
se déporter uniquement d’un côté, ni de devoir rassurer l’autre, vu la
faiblesse de la candidature de Benoit Hamon et la catastrophe François Fillon.
Du coup, Macron est demeuré un centriste «droit dans ses
bottes» alors qu’Hillary Clinton a parfois brouillé son positionnement
politique, ce qui n’est jamais bon lors d’une élection.
- Le populisme démagogique des candidats des extrêmes
Face à leurs candidatures, Clinton et Macron avaient celles
de populistes démagogiques de gauche et de droite.
Pour Hillary Clinton, c’était Trump à droite et Sanders à
gauche.
Pour Emmanuel Macron, c’était Le Pen à droite et Mélenchon à
gauche.
Le problème pour Clinton était que Sanders – même s’il
n’était pas démocrate – a concouru contre elle lors de primaires, obligeant
celle-ci à se positionner face à son projet largement socialiste.
Ensuite, elle a du faire face à une problématique bien
originale puisque Trump l’a attaquée en utilisant les arguments populistes de
Sanders auxquels elle a du répondre afin de ne pas se couper de la gauche du
Parti démocrate.
Un comble lorsque l’on voit les accointances de Trump avec
les nazis et les suprémacistes blancs.
Macron, lui, a pu, sans aucun frein, critiquer les projets
démagogiques et dangereux de Mélenchon et Le Pen.
- La large hostilité des médias
Les médias ont largement conduit des campagnes hostiles
contre Hillary Clinton et Emmanuel Macron.
Mais si Hillary Clinton a l’habitude d’avoir la majorité des
journalistes contre elle depuis son entrée en politique dans les années 1990,
où elle est attaquée, critiquée et souvent salie sur tout et n’importe quoi,
Emmanuel Macron a découvert que l’on pouvait être sous le feu des critiques
notamment où l’on vous reproche tout à la fois d’être un centriste et un
populiste démagogue!
Mais la nouveauté qu’il représentait n’a pas permis aux
médias une campagne aussi structurée que celle qui a poursuivie Hillary
Clinton.
Aujourd’hui, l’hostilité des médias vis-à-vis de Macron
montre que s’il se représente en 2022, il n’aura plus l’avantage d’être un
«inconnu» et qu’il devra mettre sur pied une stratégie pour la contrer ce que
n’a jamais réussi à faire la candidate démocrate aux Etats-Unis.
- L’accusation d’être le(a) candidat(e) de la finance
Venue de leurs opposants ou de médias, les deux candidats
ont été accusés d’être les candidats de la finance, de Wall Street pour la
première, de la finance mondiale pour le second (qui avait travaillé dans une
banque d’affaire auparavant).
De nombreux articles ont tenté de démontrer la véracité de ces
accusations sans pouvoir néanmoins parvenir à instaurer un doute certain dans
l’esprit d’une majorité d’électeurs.
Cependant, Clinton en a certainement plus pâti que Macron
alors même que les Etats-Unis sont considérés le pays de la finance et la France
comme une nation rétive à tout ce qui touche à l’argent!
- L’accusation de comportements malhonnêtes
Plus pour Clinton que pour Macron, les accusations de
malhonnêteté ont été déversées sans répit, sans nuance et sans pudeur sur les
deux candidats.
Comme pour d’autres attaques, elles ont mieux marché contre
Clinton comme cette incroyable campagne vis-à-vis de son compte e-mail alors
même que toutes les accusations vraies contre Trump n’ont pas tenu, la plupart
du temps parce que les médias, dans cette volonté incompréhensible de traiter
également les deux candidats quoi qu’il arrive, évoquaient un soi-disant
scandale du côté de Clinton pour rééquilibrer la situation, ce qui faisait du
tort à cette dernière et permettait au milliardaire américain de s’en tirer
sans grands dommages.
- L’accusation de n’avoir que des convictions de façade
L’opportunisme des convictions d’Hillary Clinton et
d’Emmanuel Macron ont été des arguments récurrents.
Il est à noter que cette accusation touche souvent les
centristes comme si le fait de se positionner sur le consensus, le juste
équilibre et la compromis était une marque d’absence de convictions face aux
thèses et propos extrémistes, populistes et démagogiques que l’on trouve chez
les autres candidats.
- La volonté des Russes de torpiller leurs
candidatures
La Russie a voulu la défaite des
deux candidats et a largement employé son appareil de propagande et ses hackers
à cet effet.
Grâce à la complicité de Donald
Trump et de son équipe ainsi que la haine bien plus grande de Poutine pour
Clinton que pour Macron, cette volonté a donné de biens meilleurs résultats aux
Etats-Unis même si les grandes manœuvres russes ont échoué à décrédibiliser le
système politique et électoral américain, nonobstant ce qui a été indiqué plus
haut et qui permet à un candidat ayant moins de voix qu’un autre de remporter
l’élection présidentielle.
Des facteurs différents pour les deux candidats ont bien
évidemment existé, comme le fait qu’Hillary Clinton était une femme.
Mais l’on retiendra surtout, in fine, qu’Emmanuel Macron
était un nouveau venu et qu’Hillary Clinton, elle, représentait l’establishment
politique.
De même, il avait un discours plus populiste que
l’américaine.
Pas de la nature de celui de Trump mais plutôt de celui
d’Obama en 2008.
On peut estimer que le fait qu’il était nouveau et qu’il
avait un discours de celui qui vient du dehors (outsider) et qui critique ceux
du dedans (insiders) ont joué un rôle essentiel dans la victoire de Macron.
A l’inverse, la présence de Clinton depuis le début des
années 1990 dans le monde politico-médiatique ainsi que sa volonté de ne pas
tomber dans la démagogie ont plombé sa candidature et sont pour beaucoup dans
sa défaite.
Cependant, c’est bien aussi dans la capacité de Macron à se
sortir à son avantage des coups tordus évoqués plus haut qui ont fait la
différence avec Clinton.
Celle-ci a semblé souvent pétrifiée et tétanisée pour
répondre aux mensonges et aux insultes de Donald Trump.
Elle espérait sans doute que les Américains feraient
eux-mêmes la part des choses le plus souvent mais elle pensait également que de
se confronter directement au populiste démagogue lui donnerait l’image d’une
personne de l’establishment déconnectée du peuple, ce qui a été de toute façon
le cas…
A l’opposé, Emmanuel Macron a adopté, dès le départ, un ton
et un style dynamiques et offensifs où c’est lui qui a fait du rentre-dedans et
a fragilisé ses opposants plutôt que le contraire.
Et quand ceux-ci ont voulu répondre à cette stratégie, il
était déjà trop tard.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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