samedi 15 juillet 2017

Une Semaine en Centrisme. Les ambiguïtés sémantiques et de l’agir macronesques

Meeting électoral d'Emmanuel Macron
Emmanuel Macron est un centro-compatible et le macronisme est très largement si ce n’est complètement, un centrisme.
Ce sont deux propositions qu’on a eu l’occasion d’expliquer et d’analyser longuement et il n’est pas question de revenir sur ces deux constatations d’autant que rien ne vient les infirmer pour l’instant.
Tout juste faut-il préciser qu’on parle essentiellement des idées et des valeurs développées par le nouveau président de la république ainsi que de la manière dont il a mené sa campagne électorale et les premières semaines de son mandat sans oublier les premières mesures annoncées.
Il est bien évident qu’il est encore impossible de dire si ces deux affirmations seront légitimées par sa pratique concrète du pouvoir, celle-ci n’étant évidemment aujourd’hui qu’embryonnaire.
La confrontation avec le réel de ce qu’est Macron et son projet ne fait que commencer.
Néanmoins, depuis son installation à l’Elysée, Emmanuel Macron a parlé et a agi.
Si, dans cette sémantique et cet agir on retrouve les fondamentaux d’un humaniste défenseur de la démocratie républicaine, d’une société ouverte, libre et solidaire ainsi que d’une volonté progressiste, certaines ambiguïtés qu’on avait relevées dès qu’il a créé son mouvement En marche! sont néanmoins demeurées présentes alors que d’autres sont récemment apparues.
Concernant la sémantique macronienne, on avait eu l’occasion de s’inquiéter, voire de dénoncer, la coloration populiste de certains de ses propos ainsi que sur l’utilisation particulière de certains termes comme celui de «révolution» chez un homme qui prônait le progressisme et l’équilibre et dont le projet avait une philosophie éminemment centriste, alors même que le Centre a toujours opposé la réforme à la révolution et le changement du monde au changement de monde.
Ceux-ci et celles-ci s’étaient pourtant amenuisés au fil du temps pour quasiment disparaître au moment de son élection.
Cependant, dans des entretiens qu’il a accordés aux médias, on voit bien que les ambiguïtés n’ont pas totalement disparu.
C’est le cas, notamment, dans une interview donnée par Macron à plusieurs journaux européens ainsi qu’à une autre diffusée sur la chaîne américaine CNN.
Sur le populisme, il explique qu’il se «méfie du terme ‘populisme’ car il a plusieurs colorations».
«Beaucoup, poursuit-il, à droite et à gauche, m'ont dit que j'étais populiste. Quand les partis sont fatigués, on s'étonne qu'on puisse parler au peuple! Si c'est ça être populiste, ce n'est pas un mal».
Sans doute mais il faut rapprocher ces propos de ceux qu’il a tenu sur Donald Trump où il estime que celui-ci a compris ce que son peuple voulait et qu’il lui a parlé de manière convaincante, un compliment assez étonnant.
Car  il vient en totale contradiction de qu’il affirme par ailleurs en faisant une différence entre populisme et démagogie: «je ne crois pas dans la démagogie qui consiste à flatter un peuple pour lui dire ce qu'il attend, lui parler de ses peurs».
Et de préciser: «ce qui épuise les démocraties, ce sont les responsables politiques qui pensent que leurs concitoyens sont bêtes. En jouant avec démagogie de leurs peurs, de leurs contrariétés et en s'appuyant sur leurs réflexes. La crise de l'imaginaire occidental est un défi immense, et ce n'est pas une personne qui le changera. Mais j'ai la volonté de retrouver le fil de l'Histoire et l'énergie du peuple européen. Pour endiguer la montée des extrêmes et la démagogie. Car c'est ça le combat de civilisation».
Or, selon ce que dit ici Macron, Trump est sans conteste un démagogue de haut vol qui n’a pu emporter l’élection le 8 novembre dernier (pas le vote populaire…) par une flatterie éhontée et irresponsable d’une partie du peuple américain.
En outre, l’appeler tout le temps son «ami» est fort gênant pour tous les défenseurs de la démocratie républicaine.
Oui, les Etats-Unis sont les amis de la France et oui il faut fêter cette amitié comme Macron l’a fait et bien fait lors du 14 juillet en recevant le président américain en fonction.
Mais non Trump n’est pas un ami pour les démocrates.
Et s’il n’est pas un ennemi, il est à tout le moins un danger.
On veut bien croire que le président français en se rapprochant du président de la première puissance du monde, veut rehausser, par la même occasion sa stature.
Mais il fait peut-être une erreur d’appréciation puisque son image internationale est au plus haut et sa proximité – réelle ou feinte – avec Trump ne peut que le desservir à terme.
De même, certains, ici même, lui ont reproché de faire des contresens avec les termes révolution, changement et réforme, voire progrès.
Dans un entretien à plusieurs journaux européens, il revient sur cet aspect de son discours:
«La France n'est pas un pays qu'on réforme, c'est un pays qui se transforme, un pays de révolution. Donc, aussi longtemps qu'il est possible de ne pas réformer, les Français ne le font pas. Là, ils ont vu qu'ils étaient au bord du précipice et ils ont réagi».
Mais plus que l’utilisation à mauvais escient du terme révolution pour définir son projet, le risque est bien que celui-ci induise en erreur l’ampleur réelle de l’action qu’il va mettre en route.
On peut supposer que même si les réformes essentielles sont menées à bien, les Français estimeront que cela ne ressemble pas à une révolution et seront déçus alors même que ce sera une réussite...
Bien entendu, ce terme a été galvaudé de maintes fois par tous les politiques et les idéologues qui se pensent en sauveurs.
Peut-être que Macron en fait partie.
Reste que la responsabilité politique dans laquelle il veut inscrire son action, les mots ont un sens et ne doivent pas être de simples outils marketing.
Concernant l’agir, on ne peut pas prétendre que l’on va renouveler la politique tout en faisant de la «vieille» politique.
Non pas forcément que la vieille politique soit mauvaise mais c’est bien Macron qui a affirmé vouloir la changer en l’estimant périmée.
Donc, de ce point de vue, il doit être cohérent avec lui-même et avec ses électeurs.
Or, c’est tout le contraire qui s’est passé, par exemple dans ses relations avec François Bayrou.
L’affaire des investitures de candidats du Mouvement démocrate pour les législatives a montré qu’il y avait bien eu une négociation «à l’ancienne» entre Emmanuel Macron et le président du MoDem qui a porté, notamment, sur le deal du soutien du dernier pour le premier contre un certain nombre de députés pour créer un groupe à l’Assemblée nationale.
Pour continuer avec le MoDem, la constitution du gouvernement a montré que François Bayrou a eu un poste de poids – ministre de la Justice, ministre d’Etat et troisième personnage du gouvernement – et la nomination de sa plus proche collaboratrice, Marielle de Sarnez en récompense de son «alliance».
Ceci n’est guère choquant ou immoral, c’est seulement de la «vieille politique» même si celle-ci s’est crashée sur l’histoire des assistants parlementaires européens du parti centriste.
L’affaire concernant Richard Ferrand, un des plus proches collaborateurs d’Emmanuel Macron avant la présidentielle puis ministre du gouvernement d’Edouard Philippe et désormais président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, sur les montages juridiques et financiers de sa compagne, montrent au-delà de toute question d’honnêteté et de légalité des agissements dont les médias se sont emparés, que le soutien du nouveau président envers un de ses proches rappelle, à bien des égards, la «vieille politique» où l’on protège l’un des siens et où l’on prétend que le suffrage universel dira si quelqu’un est coupable ou non, un argument qui fut utilisé de nombreuses fois notamment pour des individus comme Balkany…
On passera sur les problèmes d’honnêteté de certains députés LREM et les agissements du mouvement présidentiel à l’Assemblée parce que rien ne permet de dire qu’il s’agit d’autre chose que de on-dit ou de péripéties qui devront être analysées sur la durée pour savoir si elles ont réellement une signification politique.
On peut dire la même chose quant à l’hyper-présidence dont il est impossible d’affirmer actuellement que l’on assiste à sa mise en place même si certains éléments militent en faveur de cette thèse.
Tout cela doit être relié au fait qu’Emmanuel Macron a été élu pour secouer le cocotier et il devrait et devra s’en souvenir tout au long de son quinquennat, voire plus.
Il est bien évident que l’élection d’Emmanuel Macron ne nous a pas fait changé de monde, ni n’a «révolutionné le monde» comme le pense le fidèle Gérard Collomb, et n’a pas encore changé le monde.
Plus, depuis l’invention de la politique, c’est-à-dire depuis que les humains se sont réunis entre eux pour vivre en commun, certaines pratiques ont cours et auront toujours cours car c’est de cette manière que l’on gère les relations entre les membres d’une même communauté ainsi que les affaires de cette dernière.
Il y a donc, bien évidemment, une certaine tromperie à prétendre que les temps nouveaux sont arrivés et que l’ancien temps a disparu grâce à Emmanuel Macron.
Car, oui, un certain nombre de choses seront «comme avant» parce que l’on n’a pas trouvé et l’on ne trouvera pas de les faire autrement.
Pour autant, le nouveau président de la république s’est engagé personnellement contre un discours et une action qu’il veut transformer.
Et il sera comptable de cette promesse centrale.
C’est pourquoi les ambiguïtés dont on a parlé doivent être rapidement dépassées.

Alexandre Vatimbella
Directeur du Crec


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