Emmanuel Macron au Congrès à Versailles |
Voici l’intégralité du discours d’Emmanuel Macron, Président de la
République, délivré lors du Congrès réuni à Versailles le 3 juillet 2017.
Il est suivi des réactions des groupes centristes à l’Assemblée
nationale et au Sénat.
Discours
d’Emmanuel Macron, Président de la République
«En son article 18, la Constitution
permet au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement
réuni à cet effet en congrès. Il est des heures qui, de cette possibilité, font
une nécessité. Les heures que nous vivons sont de celles-là. Le 7 mai dernier,
les Français m’ont confié un mandat clair. Le 18 juin, ils en ont amplifié la
force en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je
veux aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple nous a donné, des
institutions que je veux changer et des principes d’actions que j’entends
suivre.
I. Ce sont mille chemins différents
qui nous ont conduits ici aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de
servir. Et même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même forme, même
s’il n’emporte pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi
la source : le simple amour de la patrie. Certains font de la politique
depuis longtemps ; pour d’autres, au nombre desquels je me range, c’est
loin d’être le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez, selon vos convictions,
le gouvernement que j’ai nommé. Mais à la fin nous savons tous que quelque
chose de très profond nous réunit, nous anime et nous engage. Oui, le simple
amour de la patrie - que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de
Haute Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensembles où une
partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à
travailler, dans les déserts industriels, mais aussi dans la gaieté surprenante
des commencements. De cet amour nous tirons tous, je crois, la même impatience,
qui est une impatience d’agir. Elle prend parfois les traits de l’optimisme
volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère. Toujours elle découle de
cette même origine. Nous avons, vous et moi, reçu le mandat du peuple. Qu’il
nous ait été donné par la nation entière ou par les électeurs d’une
circonscription, ne change rien à sa force. Qu’il ait été porté par le suffrage
direct ou par le suffrage indirect ne change rien à sa nature. Qu’il ait été
obtenu voici un certain temps déjà, ou bien récemment à l’issue
d’une campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans leur
diversité, et que vous incarniez ces opinions différentes, ne change rien à
l’obligation collective qui pèse sur nous. Cette obligation est celle d’une
transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles ou avec
les années agitées – toutes au résultat également décevant. C’est par cette
voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué, la confiance en nous, la
force nécessaire pour accomplir nos idéaux. Ce qui nous est demandé par le
peuple français, c’est de renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait, pour
enfin le réconcilier avec lui-même. En vous élisant, dans votre nouveauté
radicale, à l’Assemblée nationale, le peuple français a montré son impatience à
l’égard de ce monde politique fait de querelles stériles et d’ambitions creuses
où nous avions vécu jusqu’alors. C’est à une manière de voir la politique qu’il
a donné congé. En accordant leur confiance à des femmes et des hommes nouveaux,
les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance
profonde. Je suis sûr que vous en êtes tous aussi conscients que moi. Et je
sais bien, aussi, que les sénateurs en ont une pleine conscience, bien que leur
élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu, eux si attentifs par
nature aux mouvements du temps, les espoirs nouveaux que l’expression du
suffrage universel direct a fait naître. Etre fidèle à ce que le peuple
français a voulu suppose donc une certaine forme d’ascèse, une exigence
renforcée, une dignité particulière. Les mauvaises habitudes reviennent vite.
Marqués par une époque de cynisme, de découragement, et j’ose le dire de
platitude, nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui
justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il nous appartiendra de
les démentir. Et il nous appartiendra aussi de convaincre tous ceux qui
attendent, qui nous font confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas
voté. Tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité de leurs
dirigeants politiques ont conduit vers des choix extrêmes, d’un bord ou de
l’autre de l’échiquier politique, et qui sont des choix dont la France, dans sa
grandeur comme dans son bonheur, n’a rien à attendre. Ce mandat du peuple que
nous avons reçu, quel est-il exactement? Pour le savoir, il faut sortir de ce
climat de faux procès où le débat public nous a enfermés trop longtemps. Il
nous faut retrouver de l’air, de la sérénité, de l’allant. Il y faut un effort
parce que ces faux procès sont nombreux. S’agit-il de réformer le droit du
travail, pour libérer, dynamiser l’emploi au bénéfice d’abord de ceux qui n’en
ont pas? On nous dira qu’il s’agit d’adapter la France aux cruautés de
l’univers mondialisé ou de satisfaire au diktat de Bruxelles. S’agit-il de
réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de
nos renoncements? On nous dira que nous remettons en cause notre modèle social.
S’agit-il de sortir de l’état d’urgence ? On nous dira d’un côté que nous
laissons la France sans défense face au terrorisme, et de l’autre que nous
bradons nos libertés. Eh bien, rien de tout cela n’est vrai. Derrière tous ces
faux procès, on trouve le même vice, le vice qui empoisonne depuis trop
longtemps notre débat public : le déni de réalité, le refus de voir le
réel en face. L’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique
et social que sécuritaire. Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple
français est plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si bien que je
pense profondément que le mandat que nous avons reçu du peuple est un mandat à
la fois exigeant et profondément réaliste, et que pour l’accomplir nous devons
nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et
qui, si elles garantissent de beaux succès de tribune, n’apportent rien. Notre
premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d’un projet
ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel. De ne
rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions pour
regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes. Ce mandat du
peuple, donc, quel est-il?
A. C’est d’abord le mandat de la
souveraineté de la nation. C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les
contraintes et les dérèglements du monde. Voyons la réalité en face. Les forces
de l’aliénation sont extrêmement puissantes. Aliénation à la nouvelle division
du travail qui s’esquisse dans un univers en transformation profonde, où le
numérique recompose des secteurs entiers de l’économie, bouscule des équilibres
et des emplois. Aliénation à la misère, à la pauvreté, ou même seulement à l’insatisfaction,
si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui lui corresponde,
qu’il soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui soit la sienne
dans la société. Aliénation à la contrainte financière, si nous ne rétablissons
pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette publique. Aliénation à
la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme au sein de nos alliances, si nous
ne remettons pas nos affaires en ordre. Aliénation à la terreur islamiste, si
nous ne trouvons pas le moyen de la détruire sans rien lui céder de nos
valeurs, de nos principes. Aliénation de notre avenir, si nous ne
parvenons pas à organiser la transition écologique, à protéger la planète.
Aliénation de notre vie dans ce qu’elle a de plus quotidien, si les aliments
que nous mangeons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, nous sont
imposés, et pour le pire, par les seules forces d’une compétition
internationale devenue anarchique. Je crois fermement que sur tous ces points,
le peuple nous a donné le mandat de lui rendre sa pleine souveraineté.
B. Mais c’est aussi le mandat du
projet progressiste, d’un projet de changement et de transformation profonds.
Nos concitoyens ont fait le choix d’un pays qui se remette en marche. Ils l’ont
fait parce qu’ils savent bien, parce que nous savons bien, que, dans un monde
bouleversé par des changements profonds, sans ce mouvement, sans cette énergie
créatrice la France n’est pas la France. Ils savent, parce que cela a été notre
expérience commune de ces dernières années, qu’une France arrêtée s’affaisse,
se divise, qu’une France apeurée, recroquevillée et victime, s’épuise en
querelles stériles et ne produit que du malheur, malheur individuel et malheur
collectif. Elle est là, notre mission historique. Cette mission, la mienne,
celle du Gouvernement et la vôtre, n’est pas dévolue à un petit nombre. Elle
est dévolue à tous, chacun pour sa part. La France possède des trésors de
créativité et des ressources inépuisables. En disant cela je ne pense pas
seulement à nos médailles Fields, à nos prix Nobel, aux grands artistes, aux
grands chercheurs, aux créateurs d’entreprises, aux grands serviteurs de
l’Etat, civils et militaires. Je pense à chaque Française, à chaque Français,
soucieux de bien faire et de mener une vie digne de lui. Elle est là, la vraie
richesse d’un pays et le mandat qui nous est donné, c’est de créer de l’unité
où il y avait de la division. De redonner à ceux qui sont exclus la simple
dignité de l’existence, leur juste place dans le projet national. De permettre
à ceux qui créent, inventent, innovent, entreprennent, de réaliser leurs
projets. De rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font. Le mandat du
peuple, ce n’est pas d’instaurer le gouvernement d’une élite pour elle-même,
c’est de rendre au peuple cette dignité collective qui ne s’accommode d’aucune
exclusion. Seulement voilà: jusqu’ici, nous avons fait fausse route. Nous avons
préféré les procédures aux résultats, le règlement à l’initiative, la société
de la rente à la société de la justice. Et je crois profondément que par ses
choix récents notre peuple nous demande d’emprunter une voie radicalement
nouvelle. Je refuse de choisir entre l’ambition et l’esprit de justice. Je
refuse ce dogme que pour bâtir l’égalité il faudrait renoncer à l’excellence,
pas plus que pour réussir, il ne faut renoncer à donner une place à chacun. Le
sel même de notre République est de savoir conjuguer ces exigences. De faire
tout cela, en quelque sorte, "en même temps". Cette voie désoriente
tous ceux qui s’étaient habitués à faire carrière sur les schémas anciens. Il
en est ainsi à chaque période de renouveau et nous n’avons pas à nous en
inquiéter. Mais nous avons à prendre la mesure des efforts que va nous imposer
cette formidable soif de renouvellement dont nous sommes, vous et moi, les
porteurs.
C. Le mandat du peuple, c’est aussi le
mandat de la confiance et de la transparence. Nous sommes un vieux peuple
politique. La politique est importante pour nous. Et c’est parce qu’elle l’est
que les Français avaient fini par s’exaspérer de voir l’espérance confisquée
par des professionnels.. Vous êtes aujourd’hui, ici, l’expression de ce désir
de changement qu’il nous est interdit de trahir. Et ce changement doit aussi
porter sur les comportements. Il ne peut y avoir de réforme sans confiance. Il
ne peut y avoir de confiance si le monde politique continue d’apparaître comme
le monde des petits arrangements, à mille lieues des préoccupations des
Français. La loi que le gouvernement proposera à vos suffrages n’a pas d’autre
but. Nous avons déjà changé depuis plusieurs années et nous avons changé en
bien. Nous avons cessé de supporter ce qui semblait presque normal
autrefois, l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêt, tout ce qui
relève de la corruption ordinaire, presque impalpable. Pour autant, nul n’est
irréprochable. Car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous
dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige,
la perfection n’existe pas. Oui, nous voulons une société de la confiance. Pour
cela une loi ne suffit pas. C’est un comportement de chaque jour. Mais nous
voulons aussi cette confiance parce que la société de la délation et du soupçon
généralisés, qui était jusque-là la conséquence de l’impunité de quelques
puissants, ne nous plaît pas davantage. La loi du gouvernement sera votée, je
n’en doute pas. Mais après qu’elle l’aura été, j’appelle à la retenue, à en
finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la
présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations
sont détruites, et où la reconnaissance de l’innocence, des mois, des années
plus tard, ne fait pas le dixième du bruit qu’avait fait la mise en accusation
initiale. Cette frénésie est indigne de nous et des principes de la République.
D. Le mandat du peuple, c’est enfin le
mandat de la fidélité historique. Les Français demandent à leur gouvernement de
rester fidèle à l’histoire de la France. Encore faut-il s’entendre sur le
sens que l’on donne à ces mots. Ces dernières années, l’histoire a été prise en
otage par le débat politique. Nous avons vu fleurir l’histoire pro-coloniale et
celle de la repentance, l’histoire identitaire et l’histoire multiculturelle,
l’histoire fermée et l’histoire ouverte. Il n’appartient pas aux pouvoirs,
exécutif ou ou législatif, de décréter le roman national, que l’on veuille lui
donner une forme "réactionnaire" ou une forme
"progressiste". Cela ne signifie pas que l’histoire de France
n’existe pas. Qu’il ne faut pas en être fier tout en regardant lucidement ses
coins d’ombres et ses bassesses. Mais pour nous, elle doit prendre la forme,
non d’un commentaire, mais d’une action résolue en faveur du meilleur. Parce
que c’est dans cette action que nous pouvons retrouver les grands exemples du
passé, nous en nourrir et les prolonger. Et à la fin, nous aussi, nous aussi
nous aurons fait l’histoire, sans nous être réclamés abusivement de ce qu’elle
pourrait être, mais en gardant nos esprits et nos volontés tendus vers le
meilleur. C’est ce que nous appelons le progressisme. Ce n’est pas de penser
que toute nouveauté est forcément bonne. Ce n’est pas d’épouser toutes les
modes du temps. C’est, à chaque moment, pas après pas, de discerner ce qui doit
être amendé, corrigé, rectifié, ce qui doit être à certains endroits plus
profondément refondé, ce qui manque à la société pour devenir plus juste et
plus efficace, ou, plus exactement, plus efficace parce que plus juste, plus
juste parce que plus efficace. C’est une éthique de l’action et de la responsabilité
partagée. C’est la fidélité à notre histoire et à notre projet républicain en
acte. Car la République, ce n’est pas des lois figées, des principes abstraits.
C’est un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, chaque jour resculpté et
repensé à l’épreuve du réel. L’action politique n’a de sens que si elle est
accomplie au nom d’une certaine idée de l’homme, de son destin, de sa valeur
indépassable et de sa grandeur. Cette idée, la France la porte depuis
longtemps. Rien d’autre ne doit compter à nos yeux. Ce n’est pas la société des
entrepreneurs que nous voulons, ou la société de l’équilibre des finances
publiques, ou la société de l’innovation. Tout cela est bien, tout cela est
utile. Mais ce ne sont que des instruments au service de la seule cause qui
vaille, une cause à laquelle le nom de la France est attaché depuis bien
longtemps. Et cette cause est la cause de l’homme. Nous différons entre nous,
et ici même, sur les moyens. Mais je suis sûr que nous ne différons pas sur ce
but, et le savoir, et nous le rappeler sans cesse, devrait rendre à notre débat
public cette dignité et cette grandeur, qui sur fond de tant d’abandons et
d’échecs collectifs, lui ont cruellement manqué ces dernières
années. C’est à l’aune de ce mandat du peuple que nous avons à construire
notre politique pour les cinq ans qui viennent. Vous l’aurez compris, vous le
savez déjà, intimement, nous n’avons pas devant nous cinq ans d’ajustements et
de demi-mesures. Les Français ne sont pas animés par une curiosité patiente,
mais par une exigence intransigeante. C’est la transformation profonde qu’ils
attendent. Qu’ils espèrent. Qu’ils exigent. Ne la redoutons pas. Embrassons-la
au contraire. La charte de notre action a été fixée durant la campagne et vous
en connaissez les jalons, sur lesquels je ne reviendrai pas. Les engagements
seront tenus. Les réformes et ces transformations profondes auxquelles je me
suis engagé seront conduites. Le Premier ministre, Edouard Philippe, que j’ai
nommé afin qu’il en soit le dépositaire à la tête du gouvernement, en
présentera la mise en œuvre dans son discours de politique générale.
II. Tout cela ne sera possible que si
nous avons une République forte. Il n’est pas de République forte sans
institutions puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont
résistantes aux crises et aux turbulences. Elles ont démontré leur solidité.
Mais comme toutes les institutions, elles sont aussi ce que les hommes en font.
Depuis plusieurs décennies maintenant, l’esprit qui les a fait naître
s’est abîmé au gré des renoncements et des mauvaises habitudes. En tant que
garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics, j’agirai en suivant trois
principes: l’efficacité, la représentativité, et la responsabilité.
A. Il faut du temps pour penser la
loi. Du temps pour la concevoir, la discuter et la voter. Du temps aussi pour
s’assurer des bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos
institutions soient plus efficaces, ce n’est donc pas sacrifier au culte de la
vitesse, c’est rendre la priorité au résultat. Sachons mettre un terme à la
prolifération législative. Elle affaiblit la loi, qui perd dans l’accumulation
des textes une part de sa vigueur et, certainement, de son sens. Telles
circonstances, tel imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du
législateur. Car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits
pas de la vie de notre pays. Elle est faite pour en encadrer les tendances
profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels, et pour donner un
cap. Elle accompagne de manière évidente les débuts d’un mandat, mais légiférer
moins, c’est consacrer plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois
venant répondre à un vide juridique, venant éclairer une situation
inédite. C’est cela, le rôle du Parlement. Légiférer moins, c’est mieux allouer
le temps parlementaire. C’est, en particulier, réserver de ce temps au contrôle
et à l’évaluation. Voter la loi ne saurait être le premier et le dernier geste
du Parlement. Nos sociétés sont devenues trop complexes et trop rapides pour
qu’un texte de loi produise ses pleins effets sans se heurter au principe de
réalité. La voix des citoyens concernés par les textes que vous votez ne
saurait être perçue comme attentatoire à la dignité législative. Elle est la
vie, elle est le réel. Elle est ce pour quoi vous œuvrez. Bien s’assurer de la
pertinence d’une loi et de ses effets dans le temps pour la corriger ou y
revenir est aujourd’hui devenu une ardente obligation. Pour toutes ces raisons,
je souhaite qu’une évaluation complète de tous les textes importants, comme
aujourd’hui celles sur le dialogue social ou encore sur la lutte contre le
terrorisme dont nous avons récemment jeté les bases, soit menée dans les deux
ans suivant leur mise en application. Il est même souhaitable qu’on évalue
l’utilité des lois plus anciennes afin d’ouvrir la possibilité d’abroger les
lois qui auraient par le passé été trop vite adoptées, mal construites, ou dont
l’existence aujourd’hui représenterait un frein à la bonne marche de la société
française. Enfin, le rythme de conception des lois doit savoir répondre
aux besoins de la société. Il est des situations d’urgence que le rythme propre
au travail parlementaire ne permet pas de traiter suffisamment vite. Songez à
l’encadrement des pratiques issues du numérique en matière de protection des
droits d’auteurs, de la vie privée de nos concitoyens ou de la sécurité
nationale. Il faut qu’au temps long du travail législatif soit ajoutée la
faculté d’agir vite. Ainsi, la navette pourrait être simplifiée. Je pense même
que vous devriez pouvoir, dans les cas les plus simples, voter la loi en
commission. Tout cela doit être sérieusement étudié. Je n’ignore rien des
contraintes qui pèsent sur vous. Le manque de moyens, le manque d’équipes, le
manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous
soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos
compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre : la
réduction du nombre des parlementaires. Un Parlement moins nombreux, mais
renforcé dans ses moyens, c’est un Parlement où le travail devient plus fluide,
où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus
nombreux. C’est un Parlement qui travaille mieux. C’est pourquoi je proposerai
une réduction d’un tiers du nombre de membres des trois assemblées
constitutionnelles. Je suis convaincu que cette mesure aura des effets
favorables sur la qualité générale du travail parlementaire. Les Français,
pour leur majeure partie, en sont également certains. Cette réforme, qui devra
être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de
la République, n’a pas pour but de nourrir l’antiparlementarisme, au contraire.
Elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids.
Le devoir d’efficacité ne saurait peser seulement sur le Parlement. L’exécutif
doit en prendre sa part. Et d’abord, précisément, vis-à- vis du Parlement.
C’est pourquoi j’ai voulu vous réserver, et à travers vous, aux Français, ma
première expression politique depuis mon élection. Trop de mes prédécesseurs se
sont vu reprocher de n’avoir pas fait la pédagogie de leur action ni d’avoir
exposé le cap de leur mandat. Trop d’entre eux aussi ont pris des initiatives
dont le Parlement n’était que secondairement informé pour que je me satisfasse
d’en reconduire la méthode. Tous les ans, je reviendrai devant vous pour vous
rendre compte. Si la considération et la bienveillance que cela traduit à
l’égard du Parlement apparaissent à certains comme une dérive condamnable,
c’est sans doute qu’ils ont de leur rôle de parlementaire et du rôle du
Président de la République une conception vague que masquent mal l’arrogance
doctrinaire ou le sectarisme. Il est toujours préoccupant que des
représentants du peuple se soustraient aux règles de la constitution qui les a
fait élire. Sieyès et Mirabeau ne désertèrent pas si promptement le mandat que
leur avait confié le peuple. Le Président de la République doit fixer le sens
du quinquennat et c’est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au
Premier ministre qui dirige l’action du gouvernement de lui donner corps. C’est
à lui qu’incombe la lourde tâche d’assurer la cohérence des actions, de
conduire les transformations, de rendre les arbitrages et, avec les ministres,
de vous les présenter. Je souhaite que cette responsabilité ait un sens. C’est
pourquoi je demanderai au Premier ministre d’assigner à chacun des objectifs
clairs dont annuellement ils me rendront compte ainsi qu’au Premier ministre.
De même, l’efficacité commande que les ministres soient au cœur de l’action
publique et retrouvent avec leur administration un contact plus direct. La
réduction que j’ai voulue à dix du nombre de collaborateurs de cabinet comme le
renouvellement de l’ensemble des directeurs d’administration centrale répond à
cette priorité. Il s’agit de rendre aux directeurs d’administration disposant
de la pleine confiance du gouvernement la connaissance directe de la politique
de leur ministre, et ainsi d’en faciliter la conduite. Soumis eux-mêmes à
l’obligation de résultat par la feuille de route qui les lie au Premier
ministre, les ministres ne perdront pas de vue pour autant les conditions
de mise en œuvre de leur politique. Je veux une administration plus
déconcentrée, qui conseille plus qu’elle ne sanctionne, qui innove et
expérimente plus qu’elle ne contraigne. Tel est le cercle vertueux de
l’efficacité. C’est cette administration qui doit redonner à tous les
territoires les moyens d’agir et de réussir. Car à la fin notre démocratie ne
se nourrit que de l’action et de notre capacité à changer le quotidien et le
réel.
B. Le souci d’efficacité ne suffira
pas à rendre à notre démocratie l’oxygène dont trop longtemps elle fut privée.
S’il faut en finir avec la République inefficace, il faut en finir aussi bien
avec la République du souffle court, des petits calculs et de la routine. Nous
ne retrouverons la respiration profonde de la démocratie que dans le renouement
avec la variété du réel, avec la diversité de cette société française à l’écart
de laquelle nos institutions se sont trop soigneusement tenues, n’admettant le
changement que pour les autres mais pas pour elles. La réalité est plurielle,
la vie est plurielle. Le pluralisme s’impose à nos institutions, qui
s’affaiblissent dans l’entre soi. Nous avons fait entrer ici la grande
diversité française. Elle est sociale, professionnelle, géographique, de genre
et d’origine, d’âge et d’expériences, de croyances et d’engagements.
Nous ne l’avons pas composée comme un nuancier savant : nous avons
simplement ouvert les portes aux citoyens auxquels le monde politique refusait
l’accès. Je souhaite que ce renouvellement scelle le retour du débat que
n’aveuglent pas les dogmes, du partage d’idées que ne dénature pas le
caporalisme. C’est aussi pour cela que je crois à la vertu du pluralisme, au
respect plein et entier des oppositions. Non parce qu’il s’agirait d’un usage.
Mais parce que c’est la dignité du débat démocratique et votre ardente
responsabilité. La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans
notre pays. Je souhaite le mener résolument. Je proposerai ainsi que le
Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les
sensibilités y soient justement représentées. C’est à cette même fin que nous
limiterons le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Car il
s’agit là de la clef de voûte d’un renouvellement qui ne se produira pas sous
la pression de l’exaspération citoyenne mais deviendra le rythme normal de la
respiration démocratique. Les parlementaires eux-mêmes verront dans leur mandat
une chance de faire avancer le pays et non plus la clef d’un cursus à vie. Il
est d’autres institutions de la République que le temps a figées dans les
situations acquises quand le sens véritable de leur mission eût été d’incarner
le mouvement vivant de la société française. Le Conseil Economique, Social et
Environnemental est de celles-ci. Sa mission était de créer entre la société
civile et les instances politiques un trait d’union, fait de dialogue constructif
et de propositions suivies d’effets. Cette intention fondatrice s’est un peu
perdue. Je souhaite qu’on renoue avec elle. Le CESE doit devenir la Chambre du
futur, où circuleront toutes les forces vives de la nation. Pour cela nous
devons revoir, tout en réduisant le nombre de ses membres d’un tiers, de fond
en comble les règles de sa représentativité. Celle-ci étant acquise, nous
ferons de cette assemblée le carrefour des consultations publiques. L’Etat ne
travaille pas, il ne réforme pas, sans consulter. L’actuel CESE doit pouvoir
devenir le forum de notre République. Il réunira toutes les sensibilités et
toutes les compétences, du monde de l’entreprise et du travail, des
entrepreneurs et des syndicats, des salariés comme des indépendants, donnera un
lieu d’expression aux associations et aux ONG, et deviendra ainsi pour l’Etat
la grande instance consultative qui fait aujourd’hui défaut. Dans le même
temps, je souhaite que le droit de pétition soit revu afin que l’expression
directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions
des Français puissent être présentées à la représentation nationale. Là
aussi, il en va de la représentativité de notre démocratie. Une
représentativité qui ne vivrait pas seulement une fois tous les cinq ans mais
au quotidien dans l’action du législateur. Fondé sur une représentativité plus
grande, animé par le souci d’efficacité, le débat démocratique et plus
particulièrement le débat parlementaire retrouveront leur vitalité. Le désir
d’agir et de faire avancer la société reprendra son rang premier au sein de nos
institutions et il rejoindra cet autre principe souverain dont trop souvent
nous nous sommes départis, celui de responsabilité.
C. Une activité parlementaire
revivifiée par un cap clair, des débats mieux construits, des impacts évalués,
des procédures adaptées aux objectifs, c’est un Parlement plus apte à exercer
sa mission de contrôle, sans laquelle la responsabilité de l’exécutif est
affaiblie. Je souhaite qu’au Parlement la majorité comme les oppositions
puissent avoir encore davantage de moyens pour donner un contour et une
exigence à la responsabilité politique de l’exécutif. Les ministres eux-mêmes
doivent devenir comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires.
C’est pour cette raison que je souhaite la suppression de la Cour
de Justice de la République. Il faudra trouver la bonne organisation mais
nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient
encore disposer d’une juridiction d’exception. Faire vivre la responsabilité
partout dans nos institutions, c’est aussi assurer l’indépendance pleine et
entière de la justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les
impasses et les demi-échecs rencontrés dans le passé. Je souhaite que nous
accomplissions enfin cette séparation de l’exécutif et du judiciaire en
renforçant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, et en limitant
l’intervention de l’exécutif dans les nominations des magistrats du parquet. A
tout le moins ce conseil devrait donner un avis conforme pour toutes les
nominations de ces magistrats. C’est un changement profond des pratiques que
j’appelle de mes vœux. Je ne méconnais pas l’évolution institutionnelle et
constitutionnelle que cela requiert. C’est pourquoi je demanderai à Madame la Garde
des Sceaux, à Monsieur le ministre de l’Intérieur et aux présidents des deux
chambres de me faire pour l’automne des propositions concrètes permettant
d’atteindre cet objectif. Je souhaite que la totalité des transformations
profondes que je viens de détailler et dont nos institutions ont cruellement
besoin soit parachevée d’ici un an et que l’on se garde
des demi-mesures et des aménagements cosmétiques. Ces réformes seront
soumises au vote du Parlement mais si cela est nécessaire, je recourrai au vote
de nos concitoyens par voie de référendum. Car il s’agit ici de rien moins que
retisser entre les Français et la République le rapport qui s’est dissous dans
l’exercice mécanique du pouvoir. En faisant progressivement du mandat électif
un statut, nous avons effacé ce qui en est la nature profonde : le lien
avec le citoyen. Je ne parle pas de cette proximité avec l’électeur que je sais
souvent réelle et sincère. Je parle de ce lien politique qui naît de l’élection
et crée entre l’électeur et l’élu un pacte, un contrat – pas seulement moral,
mais politique au sens le plus fort de ce terme, c’est-à- dire exprimant le
sens même de la citoyenneté. Je veux réveiller ce sens du pacte civique. Je
veux que l’efficacité, la représentativité et la responsabilité fassent émerger
clairement et fortement une République contractuelle. La confiance accordée y
va de pair avec les comptes qu’on rend. L’action s’y déploie dans un cadre
partagé entre le mandataire et le mandant, et non au fil des circonstances.
C’est cela, le sens de ce contrat social qui fonde la République, et dont le
sens s’est tellement perdu. La politique ici rejoint la morale. Ce que nous
ferons pour les institutions de la République, je souhaite le faire aussi pour
nos territoires. Ne redoutons pas de nouer avec les territoires des accords de
confiance. Nous savons tous combien notre France est diverse et combien
est importante l’intimité des décideurs publics avec le terrain de leur action.
La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre
une part de son pouvoir. Conjurons cette peur. Osons expérimenter et
déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les
quartiers difficiles. Osons conclure avec nos territoires de vrais pactes
girondins, fondés sur la confiance et sur la responsabilité. Nombre de nos
territoires l’attendent. La conférence des territoires qui sera bientôt lancée
et sera conduite par le Premier ministre répond à cette préoccupation. Il ne
s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire ou financière, mais aussi de
trouver ensemble les moyens d’adapter nos politiques aux réalités locales, et
de donner davantage de latitude aux collectivités territoriales. Et je pense en
particulier aux collectivités d’outre-mer qui doivent avoir tous les moyens
pour réussir. C’est ce même esprit de confiance qui fonde cette République
contractuelle que d’ores et déjà nous faisons avancer dans la société et le
monde du travail en donnant à celles et ceux qui sont au plus près de la
réalité de l’entreprise une capacité plus grande à en réguler le quotidien, non
dans le rapport de force, mais dans un cadre convenu et partagé. Nous savons
tous que la confiance exige un soin plus grand que l’usage unilatéral de
l’autorité. Nous savons aussi qu’elle produit de plus grands résultats et
qu’elle suscite cette concorde sans laquelle il n’est pas de vie civile
supportable. La France a vécu assez d’épreuves et connu assez de grandeurs pour
n’être pas ce peuple-enfant que l’on berce d’illusions. Chaque Français a sa part
de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir. En retrouvant
l’esprit de nos institutions, nous redonnerons à la nation tout entière le
sentiment de retrouver la maîtrise de son destin et la fierté de reprendre en
main le fil de son histoire. C’est la condition même de la réconciliation de
notre pays.
III. Pour être au rendez-vous que le
Peuple nous a donné, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est pourquoi
j’aurai besoin pour notre République de la mobilisation de tous autour de quelques
grands principes d’action. Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action
du gouvernement. C’est la tâche du Premier ministre et je n’égrènerai pas ici
tous les secteurs les métiers et les territoires. Que chacun sache néanmoins
que ces grands principes valent pour tous.
A. Le premier doit être la recherche
d’une liberté forte. En matière économique, sociale, territoriale,
culturelle, notre devoir est d’émanciper nos concitoyens. C’est-à-dire leur
permettre de ne pas subir leur vie mais bien d’être en situation de la choisir.
De pouvoir "faire" là où trop souvent nos règles entravent au
prétexte de protéger. Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre
objectif à la fin est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique.
Trop de nos concitoyens se sentent encore prisonniers de leurs origines
sociales, de leur condition, d’une trajectoire qu’ils subissent. Or
l’enclavement, l’isolement, l’absence d’accès aux transports assignent à
résidence des millions de nos compatriotes. La liberté forte que nous avons à
bâtir, c’est ce combat pour les mobilités physiques et numériques, afin que nul
de nos territoires ne soit exclu du progrès et de l’accès. C’est le combat de
la mobilité économique et sociale par le travail et par l’effort pour tous nos
concitoyens, quel que soit leur quartier, leur prénom et leur origine. C’est le
combat pour l’égalité pleine entre les femmes et les hommes. Ce beau combat
dont notre pays a perdu il y a quelques jours une figure essentielle en Madame
Simone Veil. La liberté forte, c’est la liberté de choisir sa vie. Car la
liberté est ce qui réconcilie liberté et égalité, justice et efficacité. La
liberté d’expérimenter, mais aussi la liberté de se tromper sont
des libertés qui restent à construire. On n’embarque plus dans son
existence pour un voyage au long cours. Nos vies sont explorations, tentatives,
recherche. Sachons inventer cette liberté-là avec les nouvelles protections
individuelles qui vont avec, en assurant l’éducation, la formation et les
sécurités utiles aux grandes étapes de la vie pour pouvoir construire une
existence. C’est tout le sens des transformations économiques et sociales
profondes que le gouvernement aura à conduire dans les prochains mois: libérer
et protéger, permettre d’innover en construisant une place pour chacun. Vouloir
la liberté forte en ces temps de terrorisme, c’est assurer la sécurité de
chacun et garantir le plein respect des libertés individuelles. Je veux ici
vous parler avec franchise du terrorisme islamiste et des moyens de le
combattre. Que devons-nous aux victimes? Que devons-nous à ceux qui sont
morts ? Que devons-nous à la France endeuillée par ces assassinats marqués
du sceau de la lâcheté, de la bêtise et de l’aveuglement? Certainement pas de
nous limiter à l’esprit victimaire ou à la seule commémoration. Nous leur
devons la fidélité à nous-mêmes, à nos valeurs et à nos principes. Renoncer,
c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle victoire. D’un
côté, je rétablirai les libertés des Français en levant l’état d’urgence à
l’automne, parce que ces libertés sont la condition de l’existence d’une
démocratie forte. Parce que les abandonner c’est apporter à nos adversaires une
confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps les adversaires de la
démocratie ont prétendu qu’elle était faible et que si elle voulait combattre
il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C’est exactement le
contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des
magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, nous
permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des
pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n’a
aucun sens, ni en termes de principes ni en termes d’efficacité. Mais d’un
autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter ces dispositions
nouvelles qui nous renforceront encore dans notre lutte. Elles devront viser
explicitement les terroristes à l’exclusion de tous les autres Français. Elles
comporteront des mesures renforcées, mais qui seront placées sous la
surveillance du juge judiciaire, dans le respect intégral et permanent de nos
exigences constitutionnelles et de nos traditions de liberté. La
démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut
surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et
c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni sur ses
principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont
invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à
examiner. Ils visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de
nos adversaires. Nous travaillerons à prévenir tout nouvel attentat, et nous
travaillerons à les réprimer, sans pitié, sans remords, sans faiblesse, avec
d’autant plus de force que nous n’aurons cédé sur rien de ce qui nous
constitue. J’en prends l’engagement devant vous, et, au-delà, devant le peuple
français. Rappelons-nous que c’est au plus fort de la guerre d’Algérie qu’a été
écrite et votée cette disposition de notre Constitution qui prévoit que
l’autorité judiciaire est la gardienne de nos libertés. Montrons-nous dignes de
la fermeté d’âme de ceux qui nous ont précédés dans les épreuves. Enfin, la
liberté forte c’est toujours, en France, la liberté de conscience. C’est-à-
dire la liberté intellectuelle, morale, spirituelle. De cette liberté, la
France doit être l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les
clés. Elles sont au cœur de mon action car, en cette matière, rien n’est jamais
acquis. Les progrès de l’obscurantisme nous rappellent ainsi à l’idéal des
Lumières. La laïcité en est l’indispensable corollaire. A ces principes et à
ces ambitions, la République a su ne rien céder car ils sont la condition même
de l’autonomie de nos concitoyens. De cette culture libérale, ouverte,
généreuse, nous devons refaire ensemble la singularité de la France car c’est
par là que toujours elle sut rayonner. Au sein de la culture mondialisée et
dont on observe la prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et
de la culture française doivent occuper une place éminente, associant tous les
Français de métropole et d’outre-mer.
B. Cette liberté ne se tiendrait pas
si notre deuxième principe d’action n’était de retrouver le socle de notre
fraternité. Notre peuple n’est pas formé d’un peu plus de soixante-cinq
millions d’individus qui cohabiteraient. Il est indivisible précisément car ce
qui le tient est plus fort que des règles ou des organisations. C’est un
engagement chaque jour répété qui fait que notre citoyenneté n’est jamais
abstraite et froide mais qu’elle n’est pleine et entière que par ce lien
fraternel qui nous unit et dont nous devons retrouver la vigueur. L’un des
drames de notre pays, c’est que cet engagement est tout simplement impossible
pour ceux que les dysfonctionnements de nos systèmes sclérosés rejettent en
permanence sur les marges. Il nous reviendra, au cours de ce quinquennat, de
prendre la vraie mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’actions,
sans nous laisser arrêter par de vieilles habitudes, en associant l’Etat, les
collectivités, les associations, les fondations, toutes les entités qui,
privées ou publiques, œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des
personnes. Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité
publique, aux dispositifs parcellaires, une vraie politique de l’inclusion de
tous. La représentation nationale y trouvera un enjeu, un défi, à sa mesure, à
votre mesure. Ne vous y trompez pas. Cette question est la plus profonde, la
plus sérieuse qui soit. Notre société de la compétition et de l’efficacité est
menacée à chaque instant de perdre son humanité, de perdre son âme.
Pourquoi ? simplement parce qu’elle est portée à considérer les personnes
non selon leur dignité intrinsèque, mais selon leur utilité sociale, et de
manière tout aussi grave, en sous-estimant l’utilité sociale qu’elles peuvent
avoir. Ainsi les plus jeunes sont mis indéfiniment à l’épreuve, les plus
âgés, au rebut. Les chômeurs sont pointés du doigt. Mais ce sont aussi les
réfugiés, vus comme un fardeau et non comme une chance. Les détenus, qui sont
oubliés dans des prisons dégradées, sans espoir d’amendement. Les exclus, les
sans-abris, qui sont vus comme des problèmes plus que comme des humains. Les
personnes en situation de handicap, réduits à leur apparence au mépris de leur
vie. C’est la « part maudite » de notre société, pour reprendre la
belle formule de Georges Bataille, qui dit tant de ce que nous sommes. Le
regard que la société jette sur eux est bien le même : c’est, en vérité,
une absence de regard. Nous passons sans les voir. Nous refusons même jusqu’au
témoignage de leur fragilité. Je voudrais le dire avec force : cela n’est
pas digne de nous. Cette France nouvelle que nous voulons faire advenir, elle
est la leur autant que la nôtre. Il nous faut nous en souvenir, et, chacun où
le suffrage nous a placés, penser en conséquence l’action politique que nous
avons à définir. Car en définitive, le sentiment d’appartenance existe moins qu’avant.
Nos sociétés modernes ont tendance à se fractionner au gré des intérêts, des
égoïsmes, des idées de chacun. Mais là encore il nous revient, dans l’action
politique, de résister aux forces de division, aux effets de dislocation qui
sont à l’œuvre et qui ne sont aucunement invincibles pour peu qu’on s’en
donne les moyens. L’appartenance ne se décrète pas. Aussi cette solidarité
doit-elle trouver des formes concrètes. L’école en est le premier creuset.
Notre université ensuite. Notre culture. Ce sont là les formes concrètes de ce
qui nous unit et ce qu’il nous faut . La langue, l’accès au savoir et à
l’éducation, l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent forgent un
peuple. Face à la crise morale et de civilisation que nous vivons, nous devons
savoir forger un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place.
Enfin, il y a le service national que j’ai proposé. Il faut que les jeunes
Français réapprennent à se connaitre et j’ose le dire à s’aimer, au-delà des
différences d’origine, de milieu, de métier. Et il faut qu’ils réapprennent, au
contact de ces actions essentielles de l’Etat que sont la défense, la sécurité
civile ou l’action humanitaire et civique, que notre démocratie ne vaut que par
l’exercice de notre citoyenneté, et ne dure, dans sa beauté, dans sa grandeur,
dans les valeurs qu’elle défend, que par l’engagement personnel de chacun. Il
faut que notre jeunesse puisse apprendre de ceux qui parmi elle ont fait le
choix du dévouement et du courage, au péril parfois de leur vie.
C. Le troisième principe d’action de
notre mobilisation, c’est l’intelligence française. Par intelligence je pense
évidemment aux grandes découvertes, aux chercheurs, à nos grands physiciens, à
nos grands médecins, aux inventeurs, aux innovateurs ; je pense aux
écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes, qui continuent
d’apporter au monde ce regard libre des préjugés qui fait notre force ; je
pense aux peintres ou aux musiciens qui remettent, au fond, la politique à sa
juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate qui
rend à la condition humaine sa grandeur, sa beauté, souvent son tragique.
Redonner toute sa place à l’intelligence française, c’est aussi se refuser à
toutes ces incohérences qui nous minent. Et nous y parviendrons qu’au prix d’un
véritable effort de réflexion collective. Nous ne pouvons pas, par exemple,
continuer d’affirmer hautement notre attachement aux principes de l’asile, tout
en nous abstenant de réformer en profondeur un système qui, débordé de toutes
parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection
émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre, la persécution politique,
religieuse, ethnique et sexuelle. Ceux qu’on appelait en 1946 les combattants
de la liberté. Redonner sa place à l’intelligence française c’est faire de
notre pays le centre d’un nouveau projet humaniste pour le monde. Le lieu où se
concevra et se créera une société qui retrouve ses équilibres : la
production et la distribution plutôt que l’accumulation, l’alimentation saine
et durable, la finance équitable, le numérique au service de l’homme, la fin de
l’exploitation des énergies fossiles et la réduction des émissions. Redonner sa
place à l’intelligence française, enfin, c’est comprendre que les Français sont
assez intelligents pour faire leur chemin tout seuls. Ce ne sont pas les
Français qu’il faudrait désintoxiquer de l’interventionnisme public, c’est
l’Etat lui-même. Il faut évidemment protéger les plus faibles, dans le droit du
travail en particulier. Mais protéger les plus faibles, ce n’est pas les
transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’Etat, de ses
mécanismes de vérification et de contrôle. C’est de leur redonner, et à eux
seuls, les moyens de peser efficacement sur leur destin. Tout sera fait pour
rendre aux Français cette autonomie qu’on leur a disputée puis confisquée.
Redonner sa place à l’intelligence française, c’est permettre à chacun , à
chaque territoire, à ceux qui se sentent déclassés, de réussir, de s’engager.
D. J’en viens à présent au dernier
principe de l’action que j’entends mener: construire la paix. Nous le
savons, ce monde dans lequel nous dessinons pour la France un chemin, à la fois
neuf et fidèle à sa vocation ancienne, est un monde dangereux. Notre environnement,
y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des
menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se
profile. La déflagration mondiale n’est plus le spectre que brandissent les
pessimistes : elle est pour les réalistes une hypothèse sérieuse. Les
affirmations de puissance reviennent ou émergent. Les mouvements terroristes se
développent dans de multiples régions avec des moyens qui augmentent leur
capacité de nuisance. Les guerres régionales atteignent des degrés nouveaux de
barbarie. Les alliances d’hier s’effritent, l’ordre multilatéral doute de
lui-même, les régimes autoritaires et les démocraties illibérales fleurissent.
L’espace cybernétique propage et amplifie les instruments de cette guerre du
tout contre tous. La dérive du monde impose son rythme erratique, ses excès en
tous genres, détruisant l’homme, le déracinant, effaçant sa mémoire. Cela nous
impose des devoirs. Les plus graves sans doute qu’une nation puisse porter.
Celui de maintenir ouverte la voie de la négociation, du dialogue et de la
paix face aux entreprises les plus sinistres. La vocation de la France, sa
fidélité à son histoire est de savoir construire la paix et promouvoir la
dignité des personnes. C’est pourquoi partout nous devons agir d’abord pour
protéger nos intérêts et au premier chef notre sécurité. C’est ce qui m’a
conduit à réaffirmer notre engagement au Sahel comme au Levant, pour lutter
contre le terrorisme et contre le fanatisme. Dans notre intérêt comme dans celui
des peuples concernés. Et je tiens là l’engagement de nos armées chaque jour
depuis tant de mois. Mais une telle action ne peut être efficace que si elle
s’inscrit dans la durée et vise donc à construire les solutions politiques
permettant la sortie de crise. Je ne vous proposerai pas de nous substituer à
d’autres peuples car je ne veux pas qu’apparaissent de nouveaux états faillis.
Toujours la France doit respecter la souveraineté des peuples. Mais partout où
les libertés ne sont pas respectées, nous œuvrerons, à travers notre diplomatie
et nos actions de développement, afin d’aider les minorités, de travailler au
service des sociétés pour le respect des droits. Cela suppose un travail
exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du
dialogue entre les nations. C’est depuis plusieurs semaines ce que je m’emploie
à faire, du Mali à la Syrie en passant par le Golfe, en échangeant en
profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit construire des
équilibres multiples, même si parfois ils deviennent fragiles. Notre outil
militaire revêt dans ces circonstances une importance majeure. J’ai déjà
ordonné une revue stratégique de défense et de sécurité. Avec comme fils
directeurs les principes d’indépendance et d’autonomie de décision, nos armées
assureront les missions que je leur ai confiées : la dissuasion, clé de
voûte de notre sécurité, la protection de nos concitoyens et de nos intérêts,
l’intervention là où le respect du droit et de la stabilité internationale sont
menacées. La prévention des crises et leur résolution sera gérée de manière
globale en n’oubliant jamais que seuls la stabilisation et le développement
permettent de créer les conditions d’une paix durable. L’indépendance que
j’appelle de mes vœux ne veut pas dire solitude. La France sera fidèle à toutes
ses Alliances. Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un
renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car
elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet
engagement qui font honneur à notre pays. Vous le voyez, les menaces n’ont
jamais été si grandes. L’ordre multilatéral est sans doute aujourd’hui plus
nécessaire que jamais alors précisément qu’il est fragilisé. Dans les
années à venir, le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité,
les libertés, la planète face au réchauffement climatique tout ce qui constitue
notre bien commun universel et qui chaque fois est remis en cause. C’est cela
mon cap, et aucun autre. Ce cours du monde vient éprouver notre résistance et
notre cohérence. C’est à titre d’exemple ce que nous vivons avec les grandes
crises migratoires qui traversent l’Afrique, la Méditerranée, et à nouveau
bousculent l’Europe. Nous devons à la fois mieux les prévenir par une politique
de sécurité et de développement ambitieuse, et mieux les endiguer par une
politique de contrôle et de lutte contre les trafics de personnes. Il faut pour
cela mener de manière coordonnée en Europe une action efficace et humaine qui
nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel car
ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économiques et
sans abandonner l’indispensable maintien de nos frontières. Pour réussir à
tenir ce cap, nous avons besoin d’une Europe plus forte et refondée. Plus que
jamais nous avons besoin de l’Europe or elle est affaiblie par les divisions et
par le doute qui s’est installé dans notre peuple. Pourtant l’Europe est chez
nous autant que nous sommes en Europe, parce qu’il est impossible de penser
notre destinée continentale autrement qu’au travers du projet Européen.
L’Europe, c’est nous ; et c’est aussi autre chose que nous-mêmes. C’est à
la fois l’intime et l’étranger. Elle est gravée dans la chair de notre histoire.
Hier dans les conflits les plus meurtriers mais aussi dans des dialogues
philosophiques, scientifiques, artistiques qui ont tissé l’histoire de
l’humanité, aujourd’hui dans un effort de concorde et de paix sans précédent.
Négliger l’Europe, s’habituer à n’en faire qu’un objet de négociations
techniques, c’est abdiquer notre histoire, c’est diminuer la France. Or la
construction européenne est fragilisée par la prolifération bureaucratique et
par le scepticisme croissant qui en découle. Je crois fermement à l’Europe,
mais je ne trouve pas ce scepticisme injustifié. Je vous propose de reprendre
de la hauteur, de sortir de la tyrannie des agendas et des calendriers et des
méandres de la technique. La décennie qui vient de s’achever a été pour
l’Europe une décennie cruelle. Nous avons géré des crises mais nous avons perdu
le cap. Face à cet échec, qu’il faut avoir le courage de regarder en face et
dont le "Brexit" n’est qu’un symptôme, certains voudraient nous
faire croire qu’il n’y a d’autre choix que l’abandon de l’euro, de l’Union, le
retour des frontières et la résurrection du passé, d’ailleurs idéalisé, de la
souveraineté. Je tiens que cette option serait tragique et pour la France
et pour l’Europe. Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants
de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans son
essence : une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’Etats décidés à
faire prévaloir des politiques utiles en matière de circulation des personnes
et des biens – et notamment de la jeunesse, en matière de sécurité, en matière
monétaire et fiscale mais aussi culturelle et politique. Les pays de l’Europe
pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché, mais dessine un espace où
une certaine idée de la valeur de l’homme, et l’exigence de justice sociale,
sont reconnus comme prééminents, doivent se ressaisir d’un projet décisif et
s’organiser en conséquence, fût-ce au prix d’un examen sans complaisance de
notre fonctionnement actuel. Il revient à la France d’en prendre l’initiative.
Je souhaite le faire grâce et par le travail étroit que j’ai d’ores et déjà
engagé avec la Chancelière d’Allemagne. D’ici la fin de l’année, sur cette
base, nous lancerons partout en Europe des conventions démocratiques. Libre à
chacun ensuite d’y souscrire ou non. Mais le temps n’est plus aux
raccommodages. Il faut donc reprendre l’Europe à son début, si je puis dire, à
son origine même, et faire revivre le désir d’Europe. Comment? Précisément, en
ne laissant pas le monopole du peuple et des idées aux démagogues ou aux
extrémistes. En ne faisant pas de l’Europe un syndic de gestion de crise, qui
cherche chaque jour à allonger son règlement intérieur parce que les
voisins ne se font plus confiance. Mais surtout en retrouvant le souffle
premier de l’engagement européen, cette certitude où furent les visionnaires
des siècles passés et les pères fondateurs de l’Europe que la plus belle part
de nos histoires et de nos cultures s’exprimerait non dans la rivalité, encore
moins dans la guerre, mais dans l’union des forces. N’est-ce pas cette union
dont notre temps a besoin ? Les défis de la modernité ont ceci de commun
qu’ils dépassent nos frontières nationales mais requièrent, pour être
affrontés, une vision commune du monde et de l’homme, une vision trempée aux mêmes
sources, forgée par les mêmes épreuves. Ces défis sont la transition
écologique, qui refonde le rapport de l’homme et de la nature ; la
transition numérique, qui réécrit les règles sociales et nous oblige à
réinventer ce droit continental où depuis tant de siècles nous avons voulu que
la norme respecte l’homme ; c’est enfin le défi de l’humanisme
contemporain face aux dangers du fanatisme, du terrorisme, de la guerre, auquel
nous répondrons par une Défense plus européenne en cours d’édification, mais aussi
par une Europe de la culture et de l’innovation. La paix n’est pas seulement le
socle de l’Europe, elle en est en l’idéal, toujours à promouvoir, ici et dans
le monde. Nous romprons avec les facilités que nous nous étions données au
cours des années précédentes pour être à la hauteur de ce que le moment exige
de nous. Fernand Braudel le disait, "L’Europe ne sera pas si elle ne
s’appuie sur ces vieilles forces qui l’ont faite, qui la travaillent encore
profondément, d’un mot si l’on néglige tous ses humanismes vivants". Ne
les négligeons plus.
Mesdames et Messieurs les
Parlementaires,
Nous connaissons à présent
l’enthousiasme des commencements, mais la gravité des circonstances nous
empêche d’en ressentir aucune ivresse. Le terrorisme n’a pas désarmé. La
construction européenne est en crise. Nos équilibres financiers sont dégradés,
notre dette considérable. L’investissement productif est faible. Le chômage
atteint des niveaux insupportables. La pauvreté s’étend, et aussi la dureté de
la vie. Mais le peuple français nous a fait connaitre ses volontés, et nous en
serons les serviteurs. Il y aura des traverses, il y aura de l’imprévu, il y
aura des oppositions, toutes les oppositions de ce vieux monde que nous devons
quitter pour renaître. Mais nous ne nous laisserons pas décourager. Devant
chaque difficulté, au lieu de baisser les bras, nous en reviendrons à
l’essentiel et nous y puiserons une énergie plus grande encore. J’y suis prêt.
Je suis sûr que vous l’êtes aussi. Car par notre engagement les Français
retrouvent leur fierté. Le peuple français ne nous demande pas seulement de
l’efficacité. L’efficacité est un instrument, et puis on peut être tout à fait
efficace au service d’une mauvaise cause. Il nous demande ce que la philosophe
Simone Weil appelait l’effectivité. C’est-à- dire l’application concrète,
tangible, visible, des principes qui nous guident. Le refus d’être pris en
défaut, et de clamer des principes dont nous ne poursuivons pas sans relâche
l’application. Le principe d’effectivité, c’est d’abord, pour vous, pour moi,
pour le gouvernement, de ne jamais cesser de se demander si nous sommes en
pratique fidèle à nos principes, c’est-à- dire d’abord à la liberté, à
l’égalité, à la fraternité. Je le dis sans ambages. Aujourd’hui, nous sommes
loin du compte et le peuple français nous a fait savoir que cela ne pouvait
plus durer. Nous devons à chaque instant être à la hauteur de cet esprit
français par l’engagement de tous. Ce que nous avons à accomplir, c’est une
véritable révolution. Voici plus de 30 ans que nous nous accommodons d'un
double discours, les grands principes d'un côté, Le langage politique de
l'autre, et entre les deux rien, le néant des réalisations caché par
l'accumulation des lois et réglementations de toutes sortes. Nous sommes
ici, vous comme moi, pour changer cet ordre des choses. Pour renouer avec ce
courage français qui ne se laisse pas distraire par ceux qui, n’ayant su aller
nulle part, sont revenus de tout. Car, ne vous y trompez pas, les forces
adverses continuent d'être puissantes, non pas tant au Parlement ou dans la rue
que tout simplement dans les têtes. En chacun de nous il y a un cynique qui
sommeille. Et c'est en chacun de nous qu'il faut le faire taire, jour après
jour. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service
que le peuple français attend de nous. Alors nous resterons fidèles à cette
promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu'elle
est la plus grande, la plus belle qui soit: faire à l'homme, enfin, un pays digne
de lui.
Réactions des groupes
centristes au discours d’Emmanuel Macron
Monsieur le président du Congrès,
monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et
messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues parlementaires, c’est le
16 novembre 2015 que j’assistais pour la première fois à une réunion du
Congrès. L’histoire commandait alors que les représentants de la nation se
rassemblent. En souvenir de ce jour, je veux rendre hommage à la mémoire de
toutes les victimes du terrorisme et exprimer nos sentiments solidaires dans la
peine à toutes les familles qui ont perdu l’un des leurs.
Mesdames et messieurs, Emmanuel Macron
avait annoncé tôt dans sa campagne qu’il s’exprimerait chaque année devant le
Parlement réuni. Je salue cette pratique nouvelle qui permettra au Président de
la République de faire partager sa vision et de rendre compte de son action à
la représentation nationale.
Les points cardinaux posés aujourd’hui
par le Président de la République seront ceux de notre boussole pour le travail
de la XVe législature de l’Assemblée nationale.
Face aux défis, l’heure n’est plus au statu
quo ni à l’immobilisme mais à l’action. Nos objectifs sont clairs, y
compris pour ce qui est des évolutions institutionnelles nécessaires. Ils
consistent à donner corps, avec le Gouvernement, au contrat passé entre le
Président de la République et nos concitoyens pour la réalisation des chantiers
essentiels à l’avenir de notre pays. Ce contrat engage toute la majorité issue
des urnes, pour remettre la France en marche, pour permettre aux Françaises et
aux Français de redevenir maîtres de leur destin et à la nation de retrouver le
mouvement créateur d’une grande histoire. Aujourd’hui est la première étape.
Nous avons l’obligation absolue de
réussir. Les Françaises et les Français ne veulent plus seulement des
intentions et encore moins des dogmes ; ils veulent des solutions, des
actes et des résultats.
Il s’agit d’abord de libérer notre
pays des carcans et des blocages qui freinent l’activité et pénalisent la
cohésion, pour renouer avec la prospérité, le progrès, le mouvement,
l’inventivité, créer plus de justice et d’égalité. Il nous incombe
collectivement de décrisper les tensions inutiles, de permettre un souffle et
un élan nouveaux, de donner, en priorité à la jeunesse, de nouvelles
espérances. Certaines règles, devenues obsolètes – nous le savons toutes
et tous –, doivent être modernisées, allégées, voire abolies. Cela passe
par une action publique plus efficace, plus rapide, plus ciblée. Il
appartiendra au Parlement de s’en assurer, notamment en axant davantage son
travail sur l’évaluation et le contrôle des politiques publiques.
Nous devons également bâtir une France
et une Europe protégeant des dangers réels que rencontrent nos concitoyens au
XXIe siècle, et non de dangers passés, fantasmés ou faussement
exacerbés. Chacune et chacun, dans notre pays, doit demain trouver les clés
pour s’accomplir. Nous devrons donc dresser de nouvelles protections plus
adaptées, plus audacieuses, plus agiles, d’abord pour assurer notre sécurité,
en particulier face à la menace terroriste, mais aussi pour protéger chacune et
chacun contre les aléas de la vie, dans un monde en constante évolution, en
améliorant et en calibrant mieux notre formation, en transformant notre système
de santé et notre politique du logement, en réformant l’assurance chômage, afin
qu’elle devienne un droit universel pour chacun, et en investissant massivement
dans la transition écologique et énergétique pour un nouveau modèle de
croissance. Nous n’y parviendrons que par la relance d’une Europe ambitieuse,
tournée vers l’avenir, qui investit et trace des perspectives partagées.
Mais ce n’est pas tout. Il nous faut
aussi réconcilier. Réconcilions les territoires en garantissant l’égalité
républicaine sans jamais imposer un modèle unique, en réinvestissant dans la
France qui se sent laissée pour compte, en encourageant les nouveaux circuits
économiques dans la France rurale et agricole, en amplifiant une ambitieuse
politique de rénovation urbaine pour lutter contre la pauvreté et le handicap
social, en développant les réseaux de transports pour désenclaver, relier,
rapprocher les territoires ! Réconcilions aussi les Français avec
l’avenir, le progrès, l’espoir d’une vie meilleure pour les générations
suivantes, avec leurs représentants politiques, mais aussi entre eux !
Monsieur le Président de la République l’a évoqué, cela passe prioritairement
par l’éducation et la culture, qui constituent le socle et la condition de
notre cohésion nationale. La transmission des savoirs fondamentaux, de notre
culture et de nos valeurs républicaines, au premier rang desquelles figure la
laïcité, doit être remise au cœur du projet de notre école et de nos
universités.
Un chantier majeur, au cœur de
l’intervention du Président de la République, est celui du renouveau
démocratique. Nous devons redonner confiance dans la vie publique. Nous devons
également reconstruire un projet politique pour l’Europe, levier de notre
influence et de notre puissance.
Libérer, protéger, réconcilier :
tels sont les points cardinaux de notre travail parlementaire à venir. Les
Françaises et les Français nous ont fait confiance en élisant une majorité à
l’Assemblée nationale pour qu’elle tienne ce cap et apporte les réponses
attendues.
Président du groupe La République en
Marche, je mesure l’exigence de cette mission et la responsabilité collective
qui est désormais la nôtre. Notre groupe présente un renouvellement visible des
visages. À nous, toutes et tous, de renouveler ensemble les usages et les
pratiques. Il nous incombe ainsi de démontrer que la politique n’est pas
affaire de posture mais un engagement au service de la nation, ancré dans le
quotidien des Françaises et des Français et fidèle aux promesses faites.
L’enjeu n’est évidemment pas de
changer les personnes pour conserver les pratiques. Bien au contraire, le
travail parlementaire doit être rénové pour être en phase avec les attentes de
notre peuple. Les pistes ouvertes par le Président de la République sont celles
que nous devrons explorer.
D’ores et déjà, nos députés seront
entièrement investis, tant à l’Assemblée qu’auprès des habitants de leur
circonscription, déterminés – je le sais, ils l’ont dit – à accomplir
un travail parlementaire plus exigeant et plus approfondi.
Nous portons la volonté d’une exigence
de co-construction, en faisant preuve d’ouverture vers les autres, une exigence
bienveillante envers le Gouvernement et pragmatique dans toutes nos décisions.
Chaque fois qu’une idée nous paraîtra bénéficier à la France, nous la
soutiendrons bien volontiers, sans en contrôler l’appellation d’origine.
Alors, mes chers collègues, évaluons,
corrigeons, améliorons, simplifions et choisissons de ne légiférer que sur
l’essentiel ! Sinon, nous deviendrons des fabricants de normes, dont on
sait, sur le terrain, que leur multiplication freine l’action et l’inventivité.
Pour changer la réalité, il faut commencer par la regarder en face, même
lorsque cela cogne. Vis-à-vis de notre pays et de nos concitoyens, nous avons
le devoir de tendre vers l’idéal, afin de redonner l’énergie de l’espérance
collective et sortir de cette forme de délectation morose qui a paralysé notre
pays ces dernières années.
Soyons-en sûrs, ce sont les forces de
la liberté et les liens d’une société fraternelle qui nous libéreront de ces
« forces de l’aliénation » évoquées par le Président de la
République. Nous devons ensemble développer une éthique de la méthode et des
résultats pour que notre efficacité collective soit reconnue. Mes chers
collègues, prenons la mesure de l’histoire et marchons, marchons pour que
l’espoir abreuve nos sillons.
- Marc Fesneau, pour le groupe du
mouvement démocrate et apparentés de l’Assemblée nationale.
Monsieur le président du Congrès,
monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et
messieurs les ministres, mesdames et messieurs les parlementaires, chers
collègues, c’est un jour solennel que celui où le Président de la République,
convoquant le Congrès à Versailles, s’adresse à l’ensemble des parlementaires
et, à travers eux, au peuple français. La gravité du lieu et du moment doit
nous inciter à prendre la mesure de ce qui nous réunit.
Le Président de la République a choisi
de s’exprimer devant l’ensemble des hommes et des femmes que les Français, par
l’exercice de leur droit de citoyen, ont voulu investir des pouvoirs qui sont
ceux de la nation tout entière, dans le seul but de répondre aux défis se
posant à notre pays. Il a souhaité présenter devant le Parlement les grandes
lignes de son action, en définir le sens et en fixer le cap. La solennité de
l’instant nous impose donc à tous, députés et sénateurs, un devoir de
responsabilité.
Responsabilité du rôle qui est
désormais le nôtre face aux Français, lesquels attendent de leurs représentants
et de leurs gouvernants qu’ils répondent de manière déterminée et efficace aux
problèmes de notre temps. Nous savons combien ils sont nombreux et combien ils
sont lourds, tant la situation n’a cessé de se dégrader aux cours des dernières
décennies, nourrissant la colère d’une grande part de notre peuple, las
d’attendre des résultats.
Responsabilité surtout quant aux
comptes que nous aurons collectivement à rendre de notre action à la fin de
notre mandat. Ne doutons pas que les Français sauront nous rappeler à nos
devoirs et à nos engagements. Ils seront aussi implacables avec nous, si nous
devions faillir, qu’ils auront été enthousiastes à souhaiter un profond
changement pour le pays.
Les campagnes qui s’achèvent ont
laissé un goût amer à tous ceux qui chérissent l’action politique. La campagne
présidentielle, tout d’abord, a vu accéder au deuxième tour, et pour la
deuxième fois, un candidat issu des extrêmes ; lors de la campagne des
législatives, ensuite, les citoyens se sont largement détournés de ce scrutin
pourtant si crucial. Disons-le simplement : la reconquête des cœurs et de
l’attention des Français ne se fera que par l’obtention de résultats nets et
durables garantissant l’avenir de notre pays, et par le rétablissement de la
confiance entre les représentants du peuple que nous sommes et les citoyens.
Cette responsabilité historique, le
groupe Modem, depuis longtemps investi sur ce sujet, entend l’assumer
pleinement au sein de la majorité que vous conduisez, monsieur le Premier
ministre, et aux côtés du Président de la République. La majorité que nous
formons veut être au service des Français. Nous nous reconnaissons parfaitement
dans le cap proposé par le chef de l’État depuis le début de son mandat et
exprimé ce jour devant le Congrès.
Je le dis et je l’assume au nom de
notre groupe : aujourd’hui, notre responsabilité de parlementaires est de
permettre au Gouvernement de mettre en œuvre le plus tôt possible les
propositions du candidat Emmanuel Macron, que les Français ont placé en tête du
premier tour de l’élection présidentielle avant de l’élire par la suite. Notre
volonté est donc, simplement, d’agir et d’agir vite pour que les Français,
après avoir choisi par deux fois, en conscience et en toute liberté, les
réformes proposées par la majorité, puissent voir se réaliser les changements
qu’ils attendent depuis si longtemps.
La ligne sur laquelle nous nous
engageons est une ligne de crête car jamais, dans notre histoire récente, la
défiance n’a été aussi grande vis-à-vis du monde politique. Nous sommes tous
les porte-voix du peuple français. Nous devons nous souvenir que si nous avons
tous une terre d’élection, nous assumons individuellement une part de la
souveraineté de tout un peuple, de ses espoirs, que nous soyons de la majorité
ou de l’opposition.
Depuis longtemps, nous avons identifié
ce mal qui ronge notre démocratie, détachant peu à peu les citoyens de leurs
élus. L’action résolue des élus du mouvement démocrate en faveur d’un
rapprochement des citoyens avec leurs institutions témoigne de notre volonté de
rendre notre démocratie plus représentative et plus ouverte.
La loi pour la confiance dans notre
vie démocratique va ainsi dans le sens d’un renforcement de nos institutions,
d’une amélioration de l’efficacité de notre fonctionnement et d’une meilleure
réponse aux exigences du temps. Le non-cumul des mandats, y compris dans la
durée, l’impératif d’exemplarité des élus, l’encadrement renforcé de nos
activités, tout cela doit permettre de ramener la confiance chez nos
concitoyens. Il s’agit de la condition même de la légitimité de la parole et de
l’action politiques, sans quoi aucune réforme durable ne sera possible.
L’abstention, toujours plus forte à
chaque élection, rend d’autant plus nécessaire une telle réforme, et les autres
réformes institutionnelles annoncées aujourd’hui par le Président de la
République, garant de nos institutions, y concourront. Ainsi, la question d’une
juste représentation de toutes les forces politiques dans nos assemblées, de la
proportionnelle pour garantir aux Français leur plus juste et plus équitable
représentation, est posée. C’est une question centrale pour notre vie et notre
respiration démocratiques.
Monsieur le Premier ministre, mesdames
et messieurs les parlementaires, vous le savez, notre peuple ne se retrouve et
ne se réunit jamais mieux qu’autour d’idéaux, qu’autour d’un grand dessein et
d’une vision. Les Français connaissent toute la profondeur des temps et de
l’histoire ; ils savent la portée de notre message universel qui, depuis
toujours, fait de lui un peuple soucieux des autres. Quand ses représentants ne
sont pas à la hauteur de cette histoire, c’est toute la France qui se perd et
son message qui s’affaiblit. Quand, au contraire, ils le sont, et en premier
lieu le chef de l’État, l’unité et le rayonnement redeviennent possibles.
Le Président de la République
s’inscrit pleinement et de plain-pied dans cette volonté de restaurer notre
pays dans ce qu’il a de si spécifique dans son fonctionnement et, en même
temps, de si universel. En à peine deux mois, la réaffirmation des positions
traditionnelles de la France est perceptible. Que ce soit récemment, au G7 sur
les enjeux économiques mondiaux, ou concernant l’enjeu capital du climat, ou
bien encore celui de la sécurité, la voix de la France est devenue enfin
audible. En Europe aussi, nous nous réjouissons de voir la France renouer avec
l’idéal et le projet originel européens, y compris dans le lien indéfectible
que nous avons avec l’Allemagne. Le Président de la République a su nouer ce
dialogue nouveau avec les Français, avec la France et avec nos partenaires
internationaux.
Tout reste à faire, bien entendu, mais
nous le sentons partout, dans nos territoires : plus que jamais, la France
semble prête à bouger, à changer, à tenter. Elle attend désormais que nous
soyons au rendez-vous de l’espérance qui s’est levée ce printemps. Elle attend
que, par nos actes, notre capacité de dialogue et notre écoute, nous
réformions. Elle attend et espère peut-être surtout de retrouver la confiance
en ceux qui la gouvernent et en elle-même. Cet élan, chers collègues, il nous
faut le soutenir hardiment, avec lucidité, avec exigence, avec toute la force
du profond renouvellement qui s’est opéré ces derniers mois et avec cette
volonté que beaucoup d’entre nous incarnons sur ces bancs.
Monsieur le Premier ministre, ce n’est
pas se payer de mots que de considérer votre action comme porteuse d’une
nouvelle ambition pour la France. La voix de la France est attendue et écoutée,
et nous nous réjouissons qu’elle soit celle de la tolérance, du dialogue, de
l’ouverture, de l’idéal de liberté, de ces valeurs européennes et humanistes
qui nous sont chères. Votre action pourra s’appuyer sur les parlementaires de
la majorité présidentielle et du groupe au nom duquel je m’exprime aujourd’hui.
« L’esprit de conquête »,
selon les mots mêmes du Président de la République, parle à l’imaginaire de
notre pays et fonde notre destin commun. C’est d’un tel souffle dont notre pays
a besoin. L’élection d’Emmanuel Macron, la constitution d’une majorité claire
autour de vous, monsieur le Premier ministre, suscitent espoirs et attentes. À
nous désormais d’être au rendez-vous fixé avec le peuple français et que le
Président de la République est venu exprimer cet après-midi devant notre
congrès : celui de nous confronter au réel pour mieux servir notre
idéal ; celui d’institutions modernisées, lisibles, permettant le débat et
la vie démocratique ; celui enfin d’un pays fier et sûr de lui-même, qui
parle au reste du monde.
- Vincent Capo-Canellas, au nom du groupe de l’Union des
démocrates et indépendants-Union centriste du Sénat.
Monsieur le président du Congrès,
monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et
messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est sans doute un moment
singulier qui nous réunit, si l’on considère le calendrier ; mais le sujet
majeur n’est pas là.
« Au fond, tout au long de ma
vie, j’ai eu la chance de pouvoir ouvrir des brèches dans le conformisme
ambiant » : ces quelques mots de Simone Veil résonnent tout
particulièrement. Simone Veil l’Européenne, partisane du rapprochement
franco-allemand ; Simone Veil la réformatrice, qui a su tisser des liens
entre des bords politiques souvent artificiellement opposés ; Simone Veil,
qui a traduit l’aspiration de la société française à évoluer avec son temps,
quitte à dépasser le conformisme ambiant.
Ensemble, nous portons, je le crois,
la même aspiration à ouvrir sereinement le débat sur l’avenir du pays. Oui, de
Simone Veil, je retiendrai d’abord l’ardente obligation de dépasser les
conformismes, au nombre desquels la coupure artificielle entre les Français en
deux camps qui s’affrontent et stérilisent le débat.
Le centre a toujours porté ce message.
La nécessité, celle d’un système politique à bout de souffle, nous conduit à
revisiter ce vieux clivage. L’impérieux besoin de réformer le pays nous y
invite. La situation de nos finances publiques nous y contraint. Nous devons
d’abord faire face au terrorisme, assurer ensemble la sécurité de nos
compatriotes, éradiquer les terroristes, répondre à ce défi à notre mode de
vie, à nos valeurs, à notre conception de la liberté. Face aux terroristes,
nous devons bien sûr être unis.
Nous devons aussi faire face au défi
territorial, éviter les territoires de relégation, du moins ceux perçus comme
tels. Chacun mesure qu’il y a, dans le monde rural comme en banlieue, du
désespoir. Les Français, au terme d’une campagne certes inédite, nous ont
placés devant cette évidence : comme le disait Valéry Giscard d’Estaing,
pour réformer, il faut rassembler deux Français sur trois.
Nous sommes, sans équivoque, à un
moment clé. Après tant de tergiversations, ce quinquennat doit réussir et enfin
être utile. Nous devons franchir ensemble ce pas décisif que nos voisins
européens ont su franchir : bâtir un socle de réformes ; nous verrons
ensuite si les vieux clivages reviennent.
Aujourd’hui, l’urgence nous rappelle
celle qu’invoquait en son temps Pierre Mendès France : celle de gouverner,
donc de choisir. La réalité financière illustre la vérité des analyses de
Raymond Barre sur l’évolution de la dépense publique. Le besoin d’ingénierie
sociale nous invite également à reprendre les analyses de Michel Rocard. Il
existe surtout un besoin de restaurer la grandeur de la France, qui doit nous
conduire à garder toujours dans nos têtes le message de rassemblement du général
de Gaulle.
Monsieur le Premier ministre, vous
vous trouvez dans une configuration inédite, novatrice, et le groupe de l’Union
centriste du Sénat est heureux que vous soyez là. Notre ancienne collègue
Jacqueline Gourault appartient à votre gouvernement. Le groupe qui, au Sénat,
réunit depuis des années des sénateurs de l’UDI et du Modem soutiendra
largement l’action de réforme du Gouvernement. Nous aurons sans doute, au
Sénat, à trouver dans les semaines qui viennent, et même au-delà, des majorités
d’idées.
Évidemment nous aurons des sujets de
débats : la place des collectivités locales, leur autonomie financière,
notamment au regard du projet d’exonération de la taxe d’habitation. Sur les
questions sociétales, votre vision suscitera également des interrogations.
Nous serons surtout exigeants :
exigeants sur la maîtrise des dépenses publiques et la réduction de la
dette ; exigeants sur la défense du parlementarisme et de la démocratie
locale, qui ne doivent pas être mis en cause comme une facilité offerte à
l’opinion, quand bien même nous devons améliorer l’efficacité de nos
travaux ; exigeants sur les conditions de nos débats politiques,
pleinement ouverts au Parlement ; exigeants sur la démocratie sociale et
le dialogue social, qu’il faut rénover mais qui doivent être les moteurs de la
transformation de notre économie et de sa compétitivité.
Nous serons bien sûr force de
proposition sur l’Europe. L’enjeu est d’abord de retrouver auprès de nos
partenaires une capacité à promouvoir les réformes de la zone euro :
intégration plus poussée, budget commun. La priorité est aussi à une Europe qui
protège. À ce titre, la prise de conscience de la nécessité pour les Européens
d’assurer eux-mêmes leur défense est une bonne chose. Nous voulons inscrire la
France dans une Europe puissante, nous protégeant de la mondialisation,
renforçant notre souveraineté et contribuant à ce que la France rayonne dans le
monde à la hauteur de son message.
Concernant les relations
internationales, que le Président de la République a abordées, il nous faut
plus que jamais conforter nos alliances historiques et nouer des partenariats
stratégiques, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi parce que
notre sécurité intérieure se joue à l’extérieur. Pour vaincre la stratégie de la
terreur des extrémistes religieux dévoyés, pour lutter à long terme contre le
terrorisme, la politique que nous mènerons à l’extérieur de nos frontières, au
Moyen-Orient, au Proche-Orient, sera également déterminante.
Nous serons également vigilants s’agissant
du climat. Les engagements pris à la COP21 doivent être respectés. La France a
une responsabilité particulière : à la suite de Jean-Louis Borloo, nous
pensons qu’elle doit être pleinement exemplaire et novatrice, la transformation
écologique étant un élément de la solution à nos difficultés.
Au-delà, la modernisation de notre
économie est nécessaire. Celle du marché du travail est un préalable :
c’est une nécessité pour l’emploi. Nous ne pouvons rester parmi les rares pays
affichant un tel niveau de chômage. Nous devons tirer les conséquences de la
mondialisation, mesurer avec lucidité les mutations technologiques. Il faut
s’en saisir, ne pas les subir. Il y a, dans notre beau pays, une aspiration à
la liberté dans l’économie, dans les parcours de vie, et une attente de
protection nouvelle face à ces changements.
II y a deux préalables à la
réussite : le rétablissement de la confiance dans l’action publique et le
retour à une maîtrise des finances publiques ; je souhaite conclure sur
ces deux points.
En matière institutionnelle, le
Président de la République a annoncé tout à l’heure un certain nombre de
propositions : nous les examinerons avec beaucoup d’intérêt. Notre groupe
a toujours défendu l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le système
représentatif. Aujourd’hui, nous ne pouvons que saluer le cap fixé par
l’exécutif. Notre groupe participera autant que possible à l’identification du
nécessaire et éternel compromis entre gouvernabilité et représentativité. De
même, nous sommes favorables à la réduction du nombre de parlementaires mais,
là encore, la question du nombre ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.
Concernant enfin la maîtrise de nos
dépenses et de la dette, la reconnaissance par la Cour des comptes que le
projet de loi de finances pour 2017 soumis à la représentation nationale était
manifestement entaché d’insincérité sonne comme un ultime rappel à l’ordre. Le
vrai risque est maintenant celui des marchés financiers : il est latent.
Nous devons nous fixer l’objectif de sortir de la procédure européenne de
déficit excessif.
Le Parlement prendra toute sa place
dans l’effort de redressement du pays, un Parlement qui mesure à sa juste
valeur l’attente de l’opinion et qui, dans le cadre de la séparation des
pouvoirs, poursuivra sa rénovation, comme le Sénat, pour ce qui le concerne,
l’a déjà largement engagée autour de son Président. Nous serons ouverts aux
propositions du Gouvernement. Il s’agit, pour une fois, de faire mentir Raymond
Aron, selon lequel « la France fait de temps en temps une révolution mais
jamais de réformes ». Aujourd’hui, la vraie révolution est de réussir les
réformes.
- Franck Riester, pour le groupe Les Constructifs :
républicains, UDI, indépendants de l’Assemblée nationale.
Monsieur le président du Congrès,
monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et
messieurs les ministres, chers collègues, le Président de la République vient
de rappeler dans cet hémicycle à quel point la France traverse une période
inédite de son histoire ; nous partageons tous ce constat lucide.
Les finances publiques de la nation
sont dans un état préoccupant, les chiffres sont là : la dette est au plus
haut et les déficits ne sont pas réduits. Alors que François Hollande avait
promis aux Français que le déficit public serait ramené à 3 % du PIB dès
2013, il s’élèvera encore à 3,2 % en 2017, au mépris des engagements
européens de la France.
Dans le même temps, nos concitoyens
ont le sentiment, chaque jour davantage, que nos services publics se dégradent.
Les habitants des territoires ruraux, en particulier, se sentent abandonnés,
sacrifiés sur l’autel de la mondialisation.
Cette fracture
territoriale qui divise les Français n’en est qu’une parmi tant d’autres.
Regardons la réalité en face, cela fait des années que nos politiques publiques
sont en échec : échec à produire des résultats visibles par les Français,
échec à améliorer leur quotidien. Nous le constatons chaque jour sur le
terrain, auprès de nos compatriotes. Ne nous étonnons pas si la France doute
d’elle-même et si les Français sont divisés.
Mes chers collègues, nos concitoyens
nous ont transmis un message clair lors de la dernière élection présidentielle.
Par leur vote, ils ont exprimé leur colère, leur rejet d’un système qui leur
coûte tant et leur apporte si peu. En élisant le Président de la République au
deuxième tour de l’élection présidentielle, ils ont eu l’audace du
renouvellement et le courage de l’espérance, cette espérance d’une France qui,
retrouvant sa place en Europe et dans le concert des nations, leur apporte
protection et prospérité.
Cette espérance ne doit pas être
déçue. Ce quinquennat doit donc être une réussite pour la France. Nous avons le
devoir d’améliorer la vie de nos compatriotes. Ne rien faire ou, pire,
continuer comme avant, ce serait les trahir. Ainsi, humanistes, femmes et
hommes de la droite et du centre, notamment issus de l’UDI et des Républicains,
nous avons décidé de nous rassembler au sein du groupe Les Constructifs,
nouvelle force parlementaire à l’Assemblée nationale. Nos convictions sont
fortes, nous les défendrons.
Pour autant, unis dans une démarche
d’opposition constructive, nous souhaitons travailler de façon libre et
responsable avec le Gouvernement. Habités par la volonté d’agir, le devoir de
réformer, nous sommes décidés à moderniser le pays. En dépassant les vieux
réflexes partisans, nos prises de position seront motivées exclusivement par le
service de l’intérêt général.
Pour nous, l’urgence est de répondre
aux grands défis auxquels la France est confrontée, en premier lieu à la
nécessaire régénération de notre démocratie. Il est indispensable, comme le
Président de la République l’a évoqué, de moderniser l’action publique et de
retisser le lien de confiance entre les citoyens et les élus. Veillons
néanmoins à ne pas compromettre l’équilibre bénéfique entre renouvellement et
expérience. Prenons garde également à ne pas tomber dans un
anti-parlementarisme démagogique. Les parlementaires ont besoin de moyens pour
s’acquitter pleinement de leur fonction législative, de contrôle de l’action du
Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. Nous voulons aussi
réformer le processus législatif pour le rendre à la fois plus concentré dans
le temps et plus collaboratif avec les citoyens, la société civile.
Le Président de la République a
également parlé de l’Europe. Européens convaincus, nous nous réjouissons de la
relance du couple franco-allemand, moteur de la dynamique européenne. Nous
sommes persuadés que seule l’action conjuguée de ces deux pays permettra à
l’Union européenne de se refonder pour mieux protéger les peuples et faire face
plus efficacement, par exemple, aux nouveaux défis de la mondialisation ou des
flux migratoires.
Cet engagement prend une résonance
particulière au moment de la disparition de Simone Veil. Témoin et victime des
déchirements et des abominations de l’histoire du continent, elle a placé la
réconciliation franco-allemande et la construction européenne au centre de son
engagement. L’exemple de sa vie doit inspirer notre action politique.
Notre groupe entend prendre aussi
toute sa part au projet de redressement de la France, en formulant des
propositions crédibles, utiles et efficaces pour notre nation.
Nous devons moderniser en profondeur
l’État ainsi que l’organisation politique et administrative française ;
c’est stratégique, c’est la clé de la maîtrise durable de la dépense publique.
Nous devons en finir avec
l’augmentation de la fiscalité.
Nous regardons avec bienveillance
l’idée de nouveaux « accords de confiance » avec les territoires.
Nous devons améliorer la compétitivité
de nos entreprises. Dans la compétition internationale, notre pays doit adapter
son cadre fiscal, normatif, social et valoriser le travail ; ce sont des
conditions déterminantes du retour au plein-emploi.
Nous devons aussi restaurer l’autorité
de l’État. Il faut mettre fin au sous-investissement chronique dans la justice
de ce pays, source de tant de maux au sein de notre société.
Nous devons renforcer notre défense
nationale pour faire face notamment à la menace toujours aussi vive du terrorisme
islamiste.
Nous devons placer la France à
l’avant-garde de la transition écologique en faisant notamment de la croissante
verte une réalité.
Nous devons réaffirmer le rôle éminent
de la culture et de l’éducation dans notre projet politique : en éveillant
les esprits, celles-ci doivent permettre de donner du sens aux évolutions du
monde contemporain et de former des citoyens libres.
Enfin, nous devons conduire la
transformation numérique de notre société, enjeu de souveraineté considérable
si nous ne voulons pas devenir les colonies des géants de l’internet américain
ou chinois.
La prise de conscience de cette
situation au plus haut niveau et la réponse que nous apporterons à ces enjeux
sont essentielles d’un point de vue tant économique que social et sociétal.
Mesdames et messieurs, chers
collègues, la France et les Français disposent d’atouts et de forces
considérables pour relever tous ces défis. Je pense notamment à la
complémentarité de nos espaces urbains, ruraux, ultramarins, à cette envie de
créer, d’innover, de construire qui anime nos compatriotes mais aussi et
surtout à cette immense richesse qu’est la diversité française, à condition de
la regarder avec lucidité et bienveillance, et de respecter chaque citoyen en
lui permettant de s’épanouir et de donner le meilleur de lui-même. Chaque
citoyen compte. Libérons les énergies du pays ! Mettons-nous au travail
sans attendre !
- François Patriat, pour le groupe La République en Marche
du Sénat.
Monsieur le président du Congrès,
monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et
messieurs les ministres, mes chers collègues, le chef de l’État a tracé le
chemin. Il nous est ainsi donné de vivre un événement exceptionnel pour créer
un véritable élan : la France a besoin d’un choc de confiance, d’un
souffle d’une profondeur historique et de concret.
Le Président de la République n’est
pas venu ici nous entretenir d’un petit changement politique ou d’un simple
changement de majorité parlementaire : il nous a invités à contribuer à un
changement de monde, n’ayons pas peur des mots. En 1960, John Kennedy proposait
à ses concitoyens de réactiver le plus vieux, le plus grand, le plus beau mythe
américain en inventant la Nouvelle frontière : lutte pour les droits
civiques, affirmation d’un leadership actif sur le monde libre et
conquête de l’espace. Face au grand désarroi social de notre pays, nous avons à
notre tour un grand mythe à proposer aux Français pour donner un sens,
c’est-à-dire une direction et une signification à notre action et à leur
mobilisation. Nous devons en quelque sorte continuer à réinventer la
République. Car si la démocratie est un état dont on peut se satisfaire, la
République, elle, est un projet toujours inachevé.
Nous allons engager ensemble cet
immense chantier politique autour de trois mots-clés avancés par le chef de
l’État durant sa campagne : le rassemblement, la confiance, la
bienveillance.
Les Français doivent d’abord se
rassembler, et nous allons y œuvrer, comme un symbole et un exemple, d’abord
entre nous, en nous persuadant qu’un adversaire n’est jamais un ennemi. Pour ma
part, je ne considère aucun membre de cette assemblée comme un ennemi.
Mais des ennemis, nous en avons
surabondamment, avec ces fanatiques qui ont trahi leur Dieu, ces serviteurs de
la peur, prêcheurs de haine et porteurs de mort. Ils croient nous décourager
car ils ne comprennent pas la force des valeurs universelles et spécialement de
notre foi dans l’unité fondamentale de la condition humaine. Nous sommes plus
forts qu’eux, en prenant en considération un paradoxe que nous devons
assumer : dans le pire des terroristes, il y a aussi un homme.
Si nous sommes capables de protéger
nos concitoyens contre les menaces extérieures et intérieures vis-à-vis de leur
sécurité, nous aurons fait beaucoup pour les rassembler. C’est pourquoi la
réaffirmation de la place d’une France à nouveau respectée en Europe et dans le
monde n’est pas un jeu de rôle théâtral mais bien une priorité de la politique
nationale.
Le deuxième mot-clé, c’est la
confiance. Il faut en finir avec la démagogie sinistre de ceux qui nous
chantent le refrain du déclinisme et clament les slogans honteux de leur
complexe d’infériorité collective. Il faut en finir avec ces prophètes
d’apocalypse aux petits pieds.Bien au contraire, la France doit afficher sa
confiance en elle-même, dans le talent de ses inventeurs, dans le génie de ses
créateurs, dans l’incroyable vitalité de ses entrepreneurs. Nous n’avons qu’une
chose à faire mais elle est difficile : libérer les initiatives, donner
toutes leurs chances juridiques et financières à ceux qui veulent créer et donc
favoriser l’emploi. Un seul exemple suffira, je le prends dans le secteur
essentiel de l’environnement, que le chef de l’État vient d’évoquer : on
peut entretenir, comme dans le système ancien de la droite et de la gauche, la
nostalgie coûteuse d’un monde révolu – il est révélateur que les énergies
de la pollution soient qualifiées de « fossiles » ; à l’inverse,
nous pouvons dire et démontrer qu’une conversion radicale aux énergies du futur
générera des milliers d’emplois, c’est-à-dire, pour notre jeunesse, de la
confiance retrouvée dans l’avenir.
J’ajoute à ce mot-clé de confiance une
dimension d’émancipation, pour la métropole, bien sûr, mais aussi pour les
outre-mer, qui l’attendent impatiemment.
Décidément, nous ne voulons pas de ce
monde décrit par le Grand Inquisiteur dans Les Frères Karamazov, où le
pouvoir prive les citoyens de leur liberté, dont ils ont peur, en échange de la
prise en charge de toutes leurs responsabilités. Nous avons au contraire la
plus grande confiance dans la liberté.
Toutefois, nous savons aussi
– c’est le sens du mot-clé bienveillance – que, dans un monde
globalisé, champ d’une âpre compétition, certains sont moins armés, moins
formés, moins bien disposés, parfois même handicapés. Dans ce cas, lorsqu’elle est
seule, « c’est la liberté qui opprime », Lacordaire l’a dit avant
moi. Ceux-là ont droit à la protection que confère la solidarité voulue par
toute société digne de ce nom.
La réforme du code du travail ne sera
qu’un premier pas. Toutes les formes de libération des forces créatrices
doivent s’accompagner des garanties qui assureront notre cohésion. C’est
l’équilibre difficile entre le libéralisme économique et la protection sociale
qui définit exactement le progressisme dont nous nous réclamons.
Voilà ce que j’appelle
« réinventer la République » et je suis très fier, comme beaucoup
d’entre vous, j’en suis sûr, d’avoir été associé par le chef de l’État à la
définition de ce nouvel horizon militant. Je veux en particulier lui rendre
hommage pour avoir imaginé, le premier, que cet immense effort est possible. On
attribue souvent à Sénèque, Lénine ou d’autres encore cette formule lumineuse
que vous avez tous reprise : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin.
» Va pour Lénine ou un autre ! je salue cette puissante résurgence du
volontarisme politique qu’incarnent aujourd’hui le chef de l’État et le
Gouvernement.
Mes chers collègues, j’entends bien
sûr parler, ici et là, de « dérive monarchique », de « pouvoir
jupitérien » ou d’« excès d’autorité » à propos de l’adresse du
Président au Congrès. Je vous dis que tenir de tels propos, c’est préférer les
petites histoires à l’histoire, à cette histoire qui nous convoque et qui nous
jugera.
Dans le pays des Lumières et à la
veille de l’anniversaire de la déclaration d’indépendance américaine, nous
sommes réunis pour inventer l’avenir. Alors, foin des cartes d’identité du
passé, foin des étiquettes dépassées ! La République en Marche n’est ni de
droite ni de gauche – on le lui a beaucoup reproché –, elle n’est pas
au milieu non plus ; elle est en avant.
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