Quoi qu’en pensent certains ou le prétendent, le projet de
loi présenté par François Bayrou entend bien moraliser la vie politique tout
simplement parce que ses dispositions concernent un comportement qui n’a
souvent rien à voir avec ce que l’on entend généralement par le respect du
droit, le respect des obligations d’un homme et d’une femme politique dans sa
mission, de l’efficacité de cette dernière et donc de leur rôle dans une
démocratie républicaine.
Ainsi, l’interdiction qui sera faite à un élu de ne pas
employer des parents n’a rien à voir avec sa mission, ne la rend ni plus ou
moins efficace, ni plus ou moins, juste, ni plus ou moins légitime, ni même
plus ou moins honnête.
Il s’agit seulement d’une vision morale de la société
d’aujourd’hui qui prétend que ce n’est pas (plus) bien de faire travailler sa
femme ou ses enfants.
Et peu importe qu’ils soient les plus compétents ou qu’ils
puissent rendre les meilleures services à la mission de l’élu, donc à la
nation, le problème ne se situe pas dans cette sphère qui est pourtant la
principale pour le pays dans ce cas d’espèce.
Loin de moi de dire que la morale, l’éthique et le devoir
qui va avec (à ne pas confondre avec les droits et les devoirs imposés par la
loi) ne servent à rien ou ne soit que totale hypocrisie comme le suggérait
Nietzche.
Mais il faut bien savoir où nous sommes et où nous allons
dans notre volonté d’aujourd’hui d’encadrer moralement l’activité politique.
Cela permet également de nous demander si ce ne serait pas
sous couvert de moraliser la politique que c’est surtout le politique que nous
voulons atteindre, c’est-à-dire celui qui est paré par la société de toutes les
tares, de l‘incompétence à la malhonnêteté dans une chasse aux sorcières autant
effrayante que menaçante pour la démocratie républicaine sachant que ceux qui
mènent celle-ci ne sont pas les plus grands défenseurs de celle-là, bien au
contraire.
Donc, oui, il faut des règles à respecter dans la vie
politique mais, non, il ne s’agit pas de jauger la morale – laquelle? – de ceux
qui font de la politique.
Car, à quel moment un comportement est-il moral?
Quand celui qui agit respecte la loi ou une règle autre?
Mais la loi n’a jamais été un outil de moralité ou de
moralisation de la société.
Il s’agit d’une règle qui permet, dans une société de
violence, d’instaurer un vivre ensemble.
Et l’on ne demande pas à celui qui s’astreint à la respecter
de savoir à quelle morale il s’identifie mais uniquement de demeurer dans la
légalité.
C’est la difficulté que les gens ont à comprendre le
fonctionnement de l’appareil judiciaire.
La justice en tant qu’institution ne fait pas de morale,
elle fait respecter la loi.
C’est souvent en croyant que son but était de faire justice
au sens moral du terme que les gens s’en prennent à elle alors qu’elle n’a fait
qu’appliquer la loi (bien évidemment, il existe des dysfonctionnements de cet
appareil judiciaire mais seulement en regard de la norme légale).
On peut regretter ou non cette situation mais disons qu’il
faudrait alors que nous nous entendions sur ce qu’est la morale et sur son
corpus.
Car quelle est-elle cette norme morale et d’où vient-elle?
Car, si pour des choses très basiques nous pouvons être tous
d’accord pour dire qu’une chose n’est pas bien (ce qui est d’ailleurs souvent
sanctionné par une loi), pour de multiples autres choses, le débat est ouvert
et ne peut être tranché d’un côté ou de l’autre, sauf à instituer un régime qui
n’est plus celui de la démocratie républicaine.
En revenant à notre sujet, la moralisation de la vie
politique, on est complètement dans cette problématique.
Si détourner de l’argent public pour soi est moralement
inacceptable (et sanctionné par la loi), le débat sur la moralité l’est sur le
fait de faire travailler quelqu’un de sa famille avec soi (ce qui sera interdit
par la loi présentée par François Bayrou et donc deviendra légalement interdit
sauf si le Conseil constitutionnel y voit une discrimination).
En ouvrant la boite de Pandore, on va faire évidemment de
bonnes choses pour tenter de réconcilier les citoyens avec la politique et ceux
qui la servent mais on va également susciter des discussions et des
affrontements qui sont totalement hors contexte comme c’est le cas de l’affaire
Ferrand, que celui-ci soit d’ailleurs coupable ou non d’enrichissement
personnel frauduleux avant de devenir un homme politique.
Car, une fois que la porte a été ouverte pour de mauvaises
raisons, alors plus rien ne devient contrôlable et l’on sait que beaucoup n’attendent
que cela pour instrumentaliser une loi contre leurs adversaires politiques sous
couvert de moralité.
Dès lors, il faut des règles claires, précises et strictes
pour éviter tout comportement illégal dans la politique mais il ne faut pas
imposer une morale de circonstance au politique qui n’a rien à voir avec leur
mission.
Si le comportement immoral ou amoral du politique tombe sous
le coup de la loi parce qu’il enfreint une règle juridique alors il doit en
rendre des comptes.
Mais si ce comportement est jugé comme immoral ou amoral par
une partie de la population, fusse-t-elle la majorité, on ne peut blâmer celui
qui agit de telle manière si la loi ne l’interdit pas ou, plus, si la loi n’est
pas compétente pour intervenir pour réguler ce comportement.
Bien entendu, cela peut être frustrant – et cela l’est dans
beaucoup de cas – mais il faut bien comprendre que de vouloir tout contrôler au
niveau d’une morale revient souvent à tomber dans un régime totalitaire, le
communisme et le fascisme en étant des preuves contemporaines.
In fine, disons que tout ce qui permet au politique de
remplir sa mission au mieux de ses capacités qui doivent toutes être mises au
service du pays et de sa population dans l’honnêteté est positif.
C’est ce que tente de faire cette loi voulue par un
président centriste et écrite par un ministre de la Justice centriste, ce qui
est, parmi d’autres, un symbole particulièrement fort car répondant aux valeurs
défendues depuis toujours par le Centre et le Centrisme.
On peut seulement regretter qu’elle ne parvienne pas
toujours à faire cette distinction ô combien essentielle entre la chasse aux
brebis galeuses et la chasse aux sorcières.
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