On entend souvent cette idée reçue selon laquelle la
démocratie serait assez forte pour se confronter à tous les dangers qui la
menacent qu’ils soient internes ou externes.
Et ceux qui la propagent, ajoutent que si tel n’est pas le
cas, elle n’est donc pas légitime puisque ne recueillant pas le consensus du
plus grand nombre qui lui permettrait de résister à toutes les agressions à son
encontre.
Leurs affirmations sont mensongères ou, plus généralement,
des erreurs monumentales qui sont en train de menacer de destruction les
démocraties républicaines à travers le monde.
Car, non seulement la démocratie est fragile par essence,
tout comme l’est la liberté, mais elle est, comme la liberté, facilement
attaquable par ses ennemis parce que reposant sur une société ouverte qui fait
appel essentiellement à la responsabilité et au respect mais aussi à la
bienveillance et à l’adhésion volontaire à ses valeurs.
A l’inverse des régimes autoritaires et totalitaires qui se
maintiennent par la force, la démocratie, elle, a besoin d’un consensus
librement exprimé pour exister.
Dès lors, c’est dans les moments démocratiques de son
existence comme les élections que celui-ci se manifeste.
Et, dans ces occasions, le peuple peut choisir
majoritairement de tourner le dos à la démocratie.
Un simple vote, comme l’a montré l’Histoire, peut la
détruire et ouvrir la voie à l’ignominie
et au cauchemar.
Or, nous savons bien que de multiples éléments dont certains
irrationnels peuvent entre en ligne de compte lors des rendez-vous électoraux.
Pour autant, il ne faut pas se méprendre, cette fragilité
fait la grandeur de la démocratie ainsi que celle de la liberté.
Mais c’est la raison pour laquelle il faut la protéger car
la démocratie républicaine, toute fragile qu’elle est, est le seul régime
légitime pour gouverner les êtres humains et donc ne peut et ne doit pas être
remise en cause par une décision même si celle-ci est populaire.
C’est pourquoi, une autre erreur tout aussi fondamentale qui
est faite à propos de la démocratie, est de prétendre qu’elle est le régime de
la majorité, c’est-à-dire qu’elle repose uniquement sur le bon vouloir de
celle-ci ce qui lui permet d’imposer ses vues et son ordre puisque, selon
l’adage, la majorité a toujours raison.
Mais c’est exactement le contraire!
La démocratie est avant tout un régime de la minorité en ce
qu’elle est la seule qui puisse défendre et protéger les droits et la liberté
de la minorité (ou des minorités) contre une possible dictature de la majorité.
Car ce qui caractérise la démocratie, c’est la promesse
faite à chacun que l’elle protègera et défendra sa liberté.
Si la majorité avait en effet tous les pouvoirs et tous les
droits, alors elle attenterait aux droits de la minorité, donc à ses libertés.
Ce n’est qu’en empêchant d’abord la majorité de détruire
même grâce à la loi les droits de la minorité qu’un régime est réellement
démocratique.
C’est ensuite, et seulement ensuite, qu’elle permet, dans ce
cadre, à la majorité de gouverner.
Un seul individu qui ne serait pas libre signifierait que
nous ne sommes pas dans un régime démocratique.
Tout ceci nous amène naturellement à cette élection
présidentielle qui connaîtra son épilogue ce dimanche 7 mai.
Depuis le début de la campagne électorale on voit beaucoup
trop de gens jouer dangereusement et sans en mesurer malheureusement les
conséquences avec la fragilité de la démocratie de manière irresponsable,
inexcusable et injustifiable.
Il y a d’abord ceux qui ont voté au premier tour pour des
candidats des extrêmes et qui ont représenté un peu moins de 50% des électeurs.
Il y a ensuite ceux qui se sont abstenus ou ont voté blanc
face à la menace et aux dangers que représentaient ces candidats extrémistes.
Il y a ceux qui, pour le deuxième tour vont faire de même en
votant pour la candidate d’extrême-droite ou qui vont s’abstenir et voter
blanc.
Et puis, il y a tous ceux qui ont refusé d’appeler à voter
contre cette candidate et qui se sont permis de manière éhontée de faire un
parallèle entre celle-ci et un candidat démocrate et républicain.
Dans tous ceux que l’on vient de citer, en font partie,
évidemment, les ennemis de la démocratie républicaine, ceux qui veulent
instaurer un régime autocratique, voire une dictature.
A ceux-la, il n’y a rien à dire, juste à les combattre.
Mais il y a également beaucoup de gens qui jouent avec le
feu sans se rendre compte que leur attitude et leur action mettent gravement en
péril la démocratie que pourtant, ils affirment, dans un paradoxe difficilement
compréhensible et justifiable, défendre.
Ainsi, ils confondent deux comportements qui n’ont rien à
voir.
Le premier est de confronter – dans la reconnaissance du
régime démocratique et dans le cadre de ses règles – ses idées, son projet et
son programme politiques à ceux des autres afin de convaincre les citoyens
qu’ils sont les meilleurs pour le pays et de recevoir leur approbation.
Le deuxième est de se lever pour empêcher qu’une menace
réelle et sérieuse contre la démocratie et ses valeurs qui permettent à cette
confrontation pacifique d’exister, puissent accéder au pouvoir ou, tout au
moins, être puissante en acquérant une légitimité de façade grâce à une
élection et plonge le pays dans l’abîme et l’abomination.
Or c’est bien dans ce deuxième cas de figure que nous nous
trouvons aujourd’hui.
Il n’y a pas de discussion possible sur ce fait.
Faire barrage à une candidate antidémocratique et préserver
ainsi la démocratie républicaine est donc bien l’enjeu essentiel du vote du 7
mai.
D’autant qu’un autre moment démocratique se déroulera immédiatement
après, les élections législatives, où les idées, les projets et les programmes
pourront une nouvelle fois se confronter.
Enfin, à ceux qui prétendent que le front républicain est un
concept mort et éculé qui a servi trop de fois pour être encore crédible, je
répondrai que, quel que soit son nom, le réflexe de tout démocrate et de tout
républicain est de se lever, toujours et toujours, encore et encore, à chaque
fois qu’il le faut pour barrer la route à l’infamie qui veut abattre la
démocratie républicaine.
Ici, il n’y aura jamais aucun répit, aucune faiblesse,
aucune compromission, aucune excuse, pour ne pas remplir son devoir de citoyen.
Et ce que l’on soit de droite, de gauche, du Centre ou
d’ailleurs.
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