Emmanuel Macron |
Dans une longue
interview au JDD, Emmanuel Macron a dévoilé et détaillé ce que serait son
agenda – chargé – lors de sa première année de présidence s’il est élu le 7 mai
prochain à l’Elysée.
Il promet ainsi une
loi sur la moralisation de la vie politique, l’introduction d’une dose de
proportionnelle pour les législatives, des classes allégées dans les écoles où
se trouvent des enfants en difficultés, une relance de l’Europe, des mesures
pour libéraliser l’économie et permettre des embauches massives dans les années
à venir ainsi que la création du «task force» en matière de terrorisme.
Par ailleurs, il
estime que s’il est élu, il aura automatiquement une majorité sur laquelle il
pourra s’appuyer à l’Assemblée nationale et que le premier ministre qu’il
nommera au lendemain de son élection ne sera pas seulement de transition mais
qu’il aura «vocation à durer».
Il a également
redit son engagement de renouveler le personnel politique ainsi que les pratiques
de gouvernement autour d’un «rassemblement de tous les progressistes».
Ses propos
confirment une nouvelle fois que son programme est centro-compatible, certains
diraient même centriste, avec une volonté évidente de réforme et de vision
progressiste, c’est-à-dire d’une vision positive et optimiste de ce que peut
être la France dans un avenir proche et un futur plus lointain.
Voici les
principaux extraits de cette interview:
- Vous voulez une moitié de ministres sans expérience
politique, n'est-ce pas confier le pouvoir à la technocratie?
Je crois l'inverse : l'administration est forte quand les ministres
sont faibles! Quand on a été responsable de parti ou professionnel de la
politique, on ne connaît pas le fonctionnement d'un ministère. Et là, ce sont
le cabinet et les directeurs d'administration qui ont le pouvoir. Connaître ses
dossiers, c'est réduire le poids de l'administration.
Le président nomme le gouvernement sur proposition du
Premier ministre. Chacun des ministres aura une feuille de route présentée
avant les législatives, avec des objectifs en termes de politiques publiques et
de budget. Leur efficacité sera évaluée régulièrement et je déciderai une fois
par an, en lien avec le Premier ministre, de les reconduire ou pas. J'exercerai
un suivi particulier de l'avancement des six grands chantiers qui sont au cœur
de mon projet, et dont j'irai moi-même rendre compte une fois par an devant le
Congrès, dans un discours sur l'état de la nation.
- Et pour l'administration?
Dans les six premiers mois, je renouvellerai ou je
confirmerai la totalité des postes de responsabilité nommés en Conseil des
ministres – 250 personnes. Je ne dis pas que je souhaite remplacer tout le
monde! Les fonctionnaires sont loyaux. Mais pour mettre en œuvre une politique
ambitieuse, il faut des directeurs qui endossent la feuille de route décidée
par le politique. Les ministres seront associés à ces nominations. Nous aurons
ainsi une administration plus responsable, et des cabinets ministériels moins
puissants.
Oui. On n'a jamais vu, depuis 1958, le peuple français dire
le contraire aux législatives de ce qu'il a dit quelques semaines plus tôt à la
présidentielle.
Comment travaillerait le Parlement?
Je souhaite un Parlement qui légifère moins et évalue
davantage l'application des lois et l'action du gouvernement. Ces quinze
dernières années, on a modifié 50 fois le Code du travail. Est-ce que ça marche
mieux pour autant? Non. Je souhaite donner un plus grand rôle aux commissions
parlementaires et suis favorable à ce qu'on institue des commissions ad hoc,
composées de parlementaires de la majorité et de l'opposition, pour mieux
contrôler le gouvernement.
Le projet de loi de moralisation de la vie politique sera
mis sur la table du Conseil des ministres avant les législatives. Avec,
d'abord, l'interdiction du népotisme pour les parlementaires, qui ne pourront
salarier aucun membre de leur famille. On doit aussi fiscaliser la totalité des
rémunérations, en particulier l'indemnité représentative de frais de mandat, et
les rendre transparentes. Pour éviter les conflits d'intérêts, les activités de
conseil seront interdites. Parallèlement seront votées, avant la fin 2017, la
réduction d'un tiers du nombre de parlementaires et l'introduction d'une dose
de proportionnelle.
- Par où commencerez-vous en matière économique et sociale?
Dès l'été, je souhaite que plusieurs textes soient
présentés. La simplification, d'abord. Fin mai ou début juin, un projet de loi
d'habilitation permettra au gouvernement d'agir par ordonnances pour mettre en
place le droit à l'erreur: sauf cas grave, l'administration qui contrôle un
individu ou une entreprise ne sera plus immédiatement dans la sanction, mais
dans l'accompagnement et le conseil. De même, nous supprimerons les normes
issues de la surtransposition et imposerons la suppression d'une norme récente
pour toute nouvelle norme votée. Enfin, pour les textes fiscaux, sociaux ou
touchant au droit du travail, il faudra une règle de stabilité: quand on prend
un texte dans le quinquennat, on n'y touche plus!
Dès mon entrée en fonction, un audit des finances publiques
sera demandé afin de disposer à la mi-juin des résultats de la gestion en
cours. Il n'y aura pas de loi de finances rectificative cet été : ni cadeau ni
augmentation d'impôts. Ce serait irresponsable. En revanche, le gouvernement
présentera à l'automne un texte de finances publiques quinquennal et un projet
de loi de finances pour 2018. Ces textes présenteront la stratégie sur cinq
ans, avec le plan d'économies de 60 milliards, l'exonération de la taxe
d'habitation pour 80% des Français, ainsi que les principales mesures en faveur
de l'emploi et de l'investissement, comme la baisse des charges, la baisse de
l'impôt sur les sociétés…
- Vous voulez réformer encore le droit du travail : comment
procéderez-vous?
Je souhaite introduire dès l'été un projet de loi
d'habilitation pour simplifier le droit du travail et décentraliser la
négociation. Il s'agit de donner plus de place à l'accord majoritaire
d'entreprise ou de branche, d'une part, d'encadrer les décisions des
prud'hommes, d'autre part. Le tout par ordonnances, pour procéder de manière
rapide et efficace.
- Quand engagerez-vous les réformes de l'assurance chômage
et de la formation?
Autant la réforme du droit du travail doit aller vite,
autant il faut prendre le temps pour refonder en profondeur l'ordre établi
entre 1945 et 1970. Pour l'assurance chômage, je souhaite que l'on
universalise les droits, mais que l'on change aussi le financement et les modes
de contrôle, pour en faire une vraie structure tripartite où l'Etat reprend ses
responsabilités. Pôle emploi devra évoluer et proposer rapidement des bilans de
compétences aux chômeurs et les emmener vers les formations adéquates. La
formation professionnelle doit être réformée en profondeur pour la rendre plus
efficace et plus transparente. Tout cela sera finalisé au plus tard
début 2018.
Non, car je leur redonne une très forte responsabilité dans
la déclinaison de la réforme du droit du travail au niveau de la branche et de
l'entreprise, et parce qu'on passe à un tripartisme entre Etat, syndicats et
patronat. Si l'on fait ces réformes, le chômage sera ramené à 7% en 2022.
- A quand la réduction de moitié des effectifs des classes à
l'école primaire?
Dès la rentrée 2017, je veux la mise en place des 12 élèves
par classe de CP et CE1 dans les écoles de l'éducation très prioritaire. Avec
un redéploiement des moyens dans un premier temps, puis des recrutements
l'année suivante. Par ailleurs, sur les rythmes scolaires, un décret sur la
liberté des communes leur donnera la possibilité d'en sortir. Enfin, un arrêté
permettra le retour des classes bilangues dès cet été.
- Arriverez-vous à tenir tous ces chantiers dès l'été?
Oui, et il y en aura d'autres! Dès l'été, je lancerai les
états généraux de l'alimentation, avec les associations de consommateurs, les
agriculteurs, les distributeurs, et l'ensemble des filières pour évoquer une
meilleure rémunération des producteurs et donner un cadre de modernisation de
l'agriculture. Je lancerai aussi une conférence des territoires pour établir un
pacte de confiance avec les collectivités locales. J'installerai dès l'été des
assises de l'outre-mer pour apporter des réponses concrètes et de court terme à
leurs enjeux. Enfin, un projet de loi sur la mobilité et le logement sera
proposé à l'automne pour créer un "choc de logement" permettant des
opérations d'intérêt national avec des procédures ultrarapides dans les zones
tendues : le Grand Paris, la métropole lyonnaise et la frontière suisse, ainsi
que la région Aix-Marseille. Je souhaite aussi engager une réforme de l'action
et de la fonction publiques.
Je mettrai en place dès l'été une cellule de coordination du
renseignement ainsi qu'une task force sur le terrorisme islamiste sous
l'autorité du président. Dès l'été, les mesures nécessaires au renforcement de
la sécurité intérieure seront prises.
- Quelle sera votre première initiative européenne?
Je rencontrerai la chancelière allemande afin d'engager une
réorientation du couple franco-allemand, pas seulement économique, mais aussi
en matière de souveraineté et de défense. A l'été, je ferai un tour des
capitales européennes. Je proposerai une feuille de route à cinq ans pour doter
la zone euro d'un vrai budget et pour une vraie Europe à 27 de l'environnement,
de l'industrie et de la gestion des migrations.
- La phrase de François Asselineau au débat, selon laquelle
"vous êtes toujours d'accord avec tout le monde", n'a-t-elle pas fait
mouche?
Les Français sont las de la bêtise généralisée qui consiste
à considérer que ce que dit l'opposant est forcément mauvais. C'est une force
de reconnaître, lorsqu'ils existent, des points de convergence sur le fond avec
des gens auxquels on est opposé. J'ai aussi des désaccords, et je les assume
pleinement.
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