Macron dédicace sa "Révolution démocratique" |
Révolution est un terme fort, c’est sans doute la raison
pour laquelle Emmanuel Macron l’a choisi pour le titre de son livre qui ouvre
sa campagne électorale pour la présidentielle de 2017.
Mais révolution est également un terme désuet et surtout
ambigüe pour tous ceux qui soutiennent une démocratie républicaine comme les
centristes.
Il draine en effet avec lui, à côté d’une exaltation
certaine, toute une histoire et nombre d’images peu valorisantes.
Il y a bien sûr la Révolution française ou ce que l’on
appelle la Révolution américaine pour caractériser la guerre d’indépendance des
Etats-Unis, deux événements qui ont fondé le principe selon lequel il ne pouvait
y avoir de gouvernement des humains que par les humains et pour les humains
comme le dira en une belle formule Abraham Lincoln quelques années plus tard.
Mais il y a aussi la Révolution russe ou la Révolution
culturelle chinoise.
Et la révolution est presque toujours associé à des épisodes
sanglants et à des destructions et pas seulement de l’ordre ancien.
C’est pourquoi le Centrisme n’aime pas ce terme qui signifie
souvent remplacer un ordre ancien par un nouveau qui n’est pas forcément
meilleur et surtout à un changement de monde illusoire où l’on revient souvent
à la case départ quand ce n’est pas dans l’obscurantisme que les
révolutionnaires étaient sensés combattre.
Or le Centre veut changer le monde, ce qui est une tâche
beaucoup plus compliquée et responsable que de vouloir changer de monde qui
n’est rien d’autre que de la simple rhétorique.
Le réformisme centriste est d’ailleurs plus associé à la
révolte au sens où l’entendait Albert Camus, c’est-à-dire ce refus d’accepter
des situations injustes et de vouloir lutter contre elles plutôt que de se
gargariser d’une révolution qui n’apporte en réalité que de nouvelles
injustices.
Le réformiste comme le révolté veut toujours améliorer le
monde en reconnaissant sa réalité pas en la niant ce qui lui permet une action
concrète toute en responsabilité.
Dès lors, il faut regretter qu’Emmanuel Macron ait décidé
d’utiliser le terme de révolution pour son combat politique.
D’autant que dans l’introduction de son livre, il définit ce
qu’il entend par cette «Révolution démocratique» et qu’on est assez éloigné d’un
processus révolutionnaire tel qu’il est défini généralement comme un «changement
brusque et violent dans la structure politique et sociale d'un État, qui se
produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place, prend le
pouvoir et réussit à le garder» (Larousse).
«Si nous voulons avancer, faire réussir notre pays et
construire une prospérité du XXI° siècle dans le droit fil de notre Histoire,
écrit le fondateur d’En marche, il nous faut agir. Car la solution est en nous.
Elle ne dépend pas d’une liste de propositions qui ne se feront pas. Elle ne
saurait émerger de la construction de compromis bancals. Elle se fera grâce à
des solutions différentes qui supposent une révolution démocratique profonde.
Elle prendra du temps. Elle ne dépend que d’une chose: notre unité, notre
courage, notre volonté commune. C’est cette révolution démocratique à laquelle
je crois. Celle par laquelle, en France et en Europe, nous conduirons ensemble
notre propre révolution plutôt que de la subir.»
On comprend bien, dès lors, que le contenu de l’ouvrage est
bien plus proche du réformisme que du révolutionnarisme.
Cependant, Emmanuel Macron, s’il n’est pas révolutionnaire
teinte encore une fois son discours d’un populisme regrettable et qui est bien
loin du Centrisme.
Ainsi, toujours dans son introduction, il explique qu’«affronter
la réalité du monde nous fera retrouver l’espérance. D’aucuns pensent que notre
pays est en déclin, que le pire est à venir, que notre civilisation s’efface.
Que le repli ou la guerre civile constituent notre seul horizon. Pour se
protéger des grandes transformations du monde, nous devrions remonter dans le
temps et appliquer les recettes du siècle dernier. D’autres imaginent que la
France peut continuer de descendre en pente douce. Que le jeu de l’alternance
politique suffira à nous faire respirer. Après la gauche, la droite. Les mêmes
visages et les mêmes hommes, depuis tant d’années. Je suis convaincu que les
uns comme les autres ont tort. Ce sont leurs modèles, leurs recettes qui ont
simplement échoué. Le pays, lui, dans son ensemble, n’a pas échoué. Il le sait
confusément, il le sent. De là naît ce « divorce » entre le peuple et ses
gouvernants. Je suis convaincu que notre pays a la force, le ressort, l’envie
d’avancer. Il a l’Histoire et le peuple pour le faire.»
Macron surfe ici sur la vague de défiance des «élites» (dont
il fait partie) pour assoir son mouvement et sa candidature à la
présidentielle.
On peut admettre qu’il s’en prenne à l’immobilisme de la «classe
politique» qui, devant les défis énormes de la France, de l’Union européenne,
du monde libre occidental et de la planète, refuse d’agir en conséquence et de
prendre les mesures qui s’imposent.
Mais réveiller la bête sombre du populisme peut-être
irresponsable.
En revanche, il est bien plus convaincant quand il explique
qu’«en France, nous avons des clivages idéologiques très profonds au sein même
de la Gauche, comme au sein de la Droite. Aucun camp ne partage plus avec les
siens une même vision du pays et de ses enjeux. Ce ne sont plus des familles
politiques, mais des familles d'intérêts politiques et d'équilibres. Il faut à
un moment dire: ‘Le roi est nu’.»
Ce qui nécessite évidemment la recomposition du paysage
politique autour de cet axe central progressiste allant des réformistes de
droite aux réformistes de gauche en passant par ceux du Centre dont nous
parlons souvent.
Des réformistes dont il estime, à juste titre, que François
Fillon ne fait pas partie:
«Je ne crois pas que le programme de François Fillon soit libéral
sur le plan économique, il est au contraire profondément conservateur. Il y
figure la suppression de certaines normes comme peuvent le proposer des
libéraux, mais le libéral, lui, s'attaque à des rentes, à des blocages dans
l'économie, œuvre pour la mobilité sociale, il fait donc autre chose que de favoriser
ceux qui ont déjà réussi! En France, on confond volontiers libéral et conservateur,
parce que nous n'avons pas de tradition libérale. J'ai beaucoup de respect pour
François Fillon, mais c'est d'abord un conservateur.»
- Les mesures
proposées par Macron
Si le discours contient une certaine ambiguïté, les mesures
proposées par Emmanuel Macron et qui ne constituent pas encore un programme
sont, elles, plus intéressantes et proches de celles que proposent le Centre et
le Centrisme.
Car comme il l’explique dans une interview récente au Monde,
«La priorité, ce sont les réformes en profondeur qui permettent des changements
de comportement dans la société».
Et de poursuivre, «je veux gagner l'élection présidentielle
sur un projet progressiste et sur la base d'un contrat avec la nation sur dix
réformes-clés que j'égrènerai jusqu'à la fin du mois de février».
Et les trois premières réformes qui seront sa priorité s’il
est élu en mai prochain à l’Elysée pourraient faire partie sans aucun problème
d’un programme centriste:
«Ma première réforme est celle du marché du travail qui
passe par une déconcentration du dialogue social. On a des protections définies
par la loi, on met en place un ordre public social et on renvoie ensuite la
possibilité aux branches et aux entreprises de négocier. La deuxième réforme,
c'est celle de la formation professionnelle et de la formation continue, qu'il
faut faire aussi dès le début parce que nous sommes entrés dans un monde où
nous changerons tous de vie plusieurs fois. La troisième réforme, c'est
l'école, pour laquelle je propose un investissement massif sur la fin de la
maternelle et le primaire, et l'orientation en fin de seconde, qui sont les
deux moments où se créent les inégalités. La seule façon de recréer du bien
commun dans notre pays, c'est par l'école et la formation, et donc la
reconstruction, à chaque moment de la vie, d'une égalité d'opportunités. Si on
trahit cette promesse, on rend absolument insupportable le monde qui est en
train de se transformer.»
Par ailleurs, dans son livre et ses discours, il a égrainé
un certain de pistes de réformes dans plusieurs domaines.
En matière de fiscalité, il souhaite que le système «récompense
la prise de risque».
Quant à l’impôt sur la fortune, il estime qu’il «ne doit
plus pénaliser ceux qui réussissent de leur vivant et investissent dans les
entreprises et l'innovation».
Pour ce qui concerne les dépenses publiques, il pense qu’il
n’est pas souhaitable de viser l'équilibre des comptes publics» actuellement.
Pour autant, il se déclare pour une réduction des dépenses
publiques par «la fixation d'un objectif» à ne pas dépasser.
Néanmoins, il souhaite des investissements publics
importants dans trois domaines:
l’éducation et la formation, la transition écologique ainsi
que la mise en place de la fibre numérique partout en France.
Dans le secteur de la protection sociale, il veut que l’Etat
finance directement l’assurance chômage par l’impôt.
Une assurance chômage qui ne devrait pas être dégressive
selon lui et qui devrait être ouverte aux travailleurs indépendants,
commerçants et artisans inclus, ainsi qu’à ceux qui démissionnent de leur
emploi.
Mais il souhaite aussi que les bénéficiaires de cette
assurance soient plus et mieux contrôlés, ceux qui refusent une formation
professionnelle ou un emploi dans leurs cordes devraient être, selon lui,
radiés.
Pour ce qui est du revenu universel (un salaire qui tombe
tous les mois pour tous les Français à parti d’un certain âge) réclamé
désormais par nombre de politiques au centre, à gauche et même à droite, il n’en
est pas un défenseur.
Plus généralement, en matière de travail, Macron veut «changer
profondément la construction du droit du travail» pour permettre, par exemple,
aux accords de branche et aux accords d'entreprise «de déroger à la loi par
accord majoritaire sur tous les sujets souhaités» mais avec des syndicats
capables de négocier, donc forts.
Cela entre évidemment dans son plan pour libérer l’économie.
Afin d’y parvenir, il veut des allègements de charges ainsi
que des suppressions et des réductions de cotisations sociales patronales et
des travailleurs indépendants, ce qui permettrait, selon lui d’«augmenter
sensiblement les salaires nets sans alourdir le coût du travail ni détériorer
la compétitivité ou l'emploi»
Toutes ces mesures seraient financées par des économies des
dépenses de l’Etat ainsi que par une fiscalité sur la pollution et/ou la
consommation.
Enfin, en matière de sécurité et de lutte contre le
terrorisme, il veut recruter «10.000 fonctionnaires de police et de gendarmerie
(…) dans les trois prochaines années» ainsi qu’une réserve opérationnelle de
30.000 à 50.000 jeunes qui seraient formés aux tâches de sécurité publique.
Il propose en outre de rétablir une police de proximité,
supprimée par Nicolas Sarkozy, de mettre en place un dispositif de
renseignement territorial, de créer une «cellule centrale de traitement des
données de masse de renseignement» ainsi que de rendre «plus efficace» l’articulation
entre la police et la justice.
Alexandre Vatimbella
A lire aussi: