mercredi 9 novembre 2016

Actualités du Centre. Election de Trump: Bayrou a tout juste, Macron tout faux

Les réactions à la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine le 8 novembre se succèdent, notamment pour les personnalités du Centre et de l’axe central en France.
Si l’on peut saluer la justesse des réactions de François Bayrou, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, on est étonné des «félicitations» de Macron aux Américains pour leur choix de Trump…

- François Bayrou (Mouvement démocrate)
François Bayrou se montre inquiet du choix du peuple américain tout en comprenant ses angoisses.
«L’élection de Donald Trump va marquer le monde pour une longue période. 
Il y a d’abord une réalité: partout sur la planète les peuples refusent l’ordre établi d’où ils se sentent rejetés.
Mais le changement qu’ils cherchent, ils croient le trouver au travers des excès, des caricatures, des retours en arrière et des rejets. Et c’est là qu’est le danger.
Deux questions se posent à chacun de nous: est-ce que ce choix peut produire du bien? Et acceptons-nous d’aller dans le sens de cette pente?
Pour nous, la réponse est deux fois non. Non, cette surenchère ne peut pas produire du bien: dans l’histoire, elle a toujours conduit aux plus cruelles désillusions, et souvent pire encore, et les victimes sont en premier les moins favorisés et les moins protégés. Et non, nous ne voulons pas nous y livrer, nous voulons y résister.
Cela impose donc de prendre volontairement à notre compte le changement profond, nécessaire, dont les peuples ont besoin, eux qui ne veulent pas supporter un monde sur lequel on ne pourrait pas agir. Cela impose de penser un monde nouveau. Cela oblige à rompre avec l’endurcissement d’un univers dominé par la puissance exclusive de l’argent, de remettre en cause la montée qui paraît inexorable des inégalités et des exclusions. Cela impose que la démocratie se transforme et se dépasse, qu’elle soit enfin honnête, que chacun y ait accès et s’y reconnaisse, que des leaders dignes de ce nom sortent du monde clos dans lequel ils sont enfermés, qu’ils cessent de parler la langue des chiffres pour parler la langue des hommes, au masculin comme au féminin. Cela impose qu’ils trouvent au fond d’eux-mêmes et qu’ils proposent un idéal nouveau. 
Ce défi est un défi civique. Et nous sommes décidés à le relever.»

- Emmanuel Macron (En marche)
La réaction d’Emmanuel Macron est troublante avec des félicitations au peuple américain pour avoir élu un dangereux démagogue et elle, tombe dans un populisme de mauvais aloi où l’identification entre son combat et celui de Donald Trump peut susciter une certaine inquiétude chez les centristes.
«Le peuple américain a voté et élu Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d'Amérique. En tant qu'alliés historiques de ce grand pays, nous devons le saluer et le féliciter.
Cette élection montre que rien n'est jamais écrit à l'avance. Il faut toujours écouter ce que le peuple a à dire et non ce qu'on aimerait qu'il dise.
Cette élection me parait être l’expression d’un rejet du système profond, et sous-estimé. Le même qui a conduit nos amis britanniques à décider de sortir de l’Union Européenne il y a quelques mois. Le même que j’entends depuis deux ans que je me suis engagé publiquement sur la scène politique. Ce rejet rend impossible de demeurer dans le statu quo dans lequel notre pays s’est englué depuis trente ans.
Ces votes expriment une demande de protection et de respect du sentiment populaire que je crois partagée par les Français. Elle doit être entendue et comprise, sans conduire pour autant à des réponses de fermeture ou de repli.
C’est la condition pour les transformer non pas en rejet du présent mais en espoir de changement.
C’est l’enjeu des six prochains mois.»

- Alain Juppé (LR)
La réaction d’Alain Juppé est assez juste puisqu’il prend acte de la décision du peuple américain, demande à Trump de la responsabilité et dénonce les populistes.
«Le peuple américain s’est prononcé démocratiquement et je prends acte de sa décision souveraine.
Je veux ce matin adresser à M. Trump, qui aura demain la charge de conduire la démocratie américaine, un message fort, le message d’un pays ami du peuple américain. Le monde a besoin d’une démocratie américaine apaisée et qui contribue à l’équilibre du monde, aujourd’hui gravement menacé.
Il appartient désormais à M. Trump de définir les grandes lignes de sa politique internationale et les axes de son dialogue avec la France et l’Europe.
C’est à la France et à l’Europe de se mettre en situation de défendre leurs intérêts dans leur dialogue avec l’administration américaine.
Plus que jamais, les Français ont besoin d’une France forte et d’un Président de la République qui puisse être entendu et respecté par ses partenaires.
Plus que jamais, les Français ont besoin d’une Europe soudée, qui s’impose comme un interlocuteur des grands pôles du monde de demain.
Aux Français, je veux souligner tous les risques que la démagogie et l’extrémisme font courir à la démocratie et le caractère vital des choix qu’ils ont à faire.
Plus que jamais j’appelle au rassemblement et à la mobilisation tous ceux qui se font une « certaine idée » de la République et de la France.»

- Philippe Vigier (UDI)
La réaction de Philippe Vigier, le président du groupe UDI à l’Assemblée nationale se sert de cet événement pour critiquer François Hollande (sic!).
Néanmoins, il termine celle-ci en expliquant que les réponses aux questions actuelles des peuples ne peuvent être apportées par «les démagogues, les populistes et les extrémistes» sans que l’on sache s’il fait allusion à Donald Trump ou au monde politique français…
«Le peuple américain a démocratiquement élu Donald Trump. Le nouveau Président des Etats-Unis a désormais la responsabilité d’apaiser et de rassembler, pour une démocratie américaine à la hauteur des grands bouleversements mondiaux qui nous guettent et des graves menaces - en particulier la menace terroriste - auxquelles nous sommes confrontés.
Il nous faut retrouver notre leadership en Europe, afin que nous défendions au mieux les intérêts de la France. Il nous faut une Europe plus utile, plus efficace, une Europe qui protège ses peuples et ses économies.
Ce vote souverain du peuple américain doit naturellement nous interpeller sur les épreuves et les difficultés que traversent également des Françaises et des Français toujours plus nombreux, ainsi que sur les inquiétudes qu’ils ont.
Je pense tout particulièrement à celles et ceux qui sont frappés par le drame du chômage ou qui vivent avec la hantise de perdre leur emploi. Je pense également à ces Françaises et Français qui vivent dans la peur de l’inconnu, de l’avenir, à celles et ceux qui ont le sentiment d’être broyés par la mondialisation, et à nos territoires ruraux qui se sentent abandonnés. Je pense enfin à celles et ceux qui s’interrogent sur la capacité de la France à terrasser la menace du terrorisme islamiste.
Ils n’en peuvent plus de l’impuissance politique, que François Hollande incarne aujourd’hui plus que jamais. Ils ne supportent plus le fossé qui s’est creusé entre l’importance donnée aux sujets de second ordre, alimentés par les slogans et les querelles politiciennes, et leur réalité quotidienne. Ils attendent de nous des réponses fortes pour un Etat plus fort, pour libérer les énergies et créer des emplois.
Les réponses à ces questions ne pourront jamais être apportées par les démagogues, les populistes et les extrémistes. Elles doivent l’être par un discours de vérité, qui seul permet de créer la confiance et l’adhésion autour d’une action courageuse et efficace, à la hauteur des crises que nous traversons. Cette exigence de vérité, cette hauteur de vue, ce souci du rassemblement et de la cohésion doivent être au cœur de l’alternance.»

- Jean-Pierre Raffarin (LR)
L’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin, estime d’abord qu’il faut respecter le choix démocratique du peuple américain mais estime ensuite qu’un «populisme extrême peut gagner» et met en garde contre une possible victoire de Marine Le Pen en France.
«Il faut respecter la démocratie. J'entends beaucoup de gens qui jugent. Le peuple américain est un grand peuple. Il décide. Il faut respecter ce qu'il décide.
Moi, je ne suis pas fondamentalement surpris. J'avais pensé qu'après le Brexit, les peurs dans le monde entier, les montées des populismes partout, montrent que c'était possible. Alors, on se posait la question de savoir s'il y a une sorte de ligne de front de la raison qui va empêcher cela? Et en fait, la ligne de front de la raison, depuis le Brexit, n'existe plus. Ça veut dire que l'information principale, pour nous, Français, aujourd'hui, c'est que Madame Le Pen peut gagner en France
La grande leçon de ces événements, en Grande-Bretagne d'abord, aux États-Unis ensuite, c’est que le populisme extrême peut gagner. Quand vous pensez à ce qu’a dit Trump sur les femmes, sur ses adversaires, sur les pays voisins, sur la France même, et que l’on peut voter malgré ça, ça veut dire que la colère, que le mécontentement, que les difficultés qu’a la démocratie à intégrer la complexité des choses – la démocratie appelle des réponses simples à des sujets complexes –, ça veut dire que Madame Le Pen, avec des propositions simples, peut gagner en France»



Présidentielle USA 2016. Comment peut-on passer d’Obama à Trump?

Le séisme politique de la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine du 8 novembre pose évidemment de nombreuses questions.
Elles peuvent néanmoins toutes se résumer à celle-ci: comment les Etats-Unis ont-ils bien pu passer de Barack Obama à Donald Trump en une élection?
Comment les Américains ont-ils pu remplacer le premier président noir et centriste convaincu, qui plus est au sommet de sa popularité, par un clown extrémiste, dangereux, populiste, démagogue aux diatribes contre un système «pourri», admirateur de Vladimir Poutine et quelques autres autocrates, amis des leaders d’extrême-droite européens?
Comment, en faisant l’histoire positivement en 2008 puis en 2012 – et qu’ils furent admirés pour cela dans le monde entier – peuvent-ils le faire à l’envers en 2016 dans un vote qui va les hanter pour un bon moment?
On pourrait jouer l’ahurissement et l’incompréhension totale mais ce serait une malhonnêteté intellectuelle.
Car on oublierait alors que les Etats-Unis ont élu Ronald Reagan en 1980, ancien acteur au programme plutôt manichéen et au slogan nationaliste, surtout ancien soutien du candidat extrémiste Barry Goldwater en 1964, puis George W Bush en 2000 avec son âme damnée et vice-président, Dick Cheney, ultraconservateur et va-t-en-guerre, et que sur le ticket républicain de 2008, aux côtés de John McCain, il y avait Sarah Palin, une imbécile aux idées courtes mais dangereuses qui a d’ailleurs soutenu Trump de toutes ses forces.
On oublierait le serment début 2009 du leader républicain au Sénat, Mitch McConnell, qui était de paralyser le Congrès et l’action du président – ce qui a eu pour effet de faire détester le personnel politique par toute une frange de la population – pour faire de Barack Obama un «one-term» president c’est-à-dire le président d’un seul mandat.
On oublierait également le mouvement d’extrême-droite du Tea party, affilié au Parti républicain, né courant 2009 et dont la spécialité était de dépeindre Barack Obama en Hitler ou Staline avec des propos racistes et séditieux.
On oublierait qu’on été élus au Congrès des dizaines et des dizaines de politiciens républicains extrémistes aux capacités intellectuelles minimum et à l’acrimonie maximum et ce grâce à un redécoupage des circonscriptions électorales sur-mesure.
On oublierait les idéologues radicaux du même Parti républicain qui ont jeté continuellement de l’huile sur le feu comme un Ted Cruz, un Scott Walker ou un Rand Paul, jouant le clivage plutôt que le consensus, l’affrontement agressif plutôt que le compromis apaisé.
On oublierait les nominations d’idéologues à la Cour suprême dont le tristement célèbre Antonin Scalia mais aussi John Robert ou de Samuel Alito dont le but avoué était de faire passer un agenda ultraconservateur et de défaire les législations progressistes.
On oublierait le succès de la chaîne d’extrême-droite Fox news avec ses mensonges et toute sa ribambelle de chroniqueurs ces «haters» (haineux) complotistes, de Rush Limbaugh à Glenn Beck en passant par Sean Hannity.
On oublierait tous les personnages douteux qui sévissent sur internet avec leurs déchainements haineux et leurs théories du complot, l’un d’eux étant le directeur de campagne de Trump, le sinitres Stephen Bannon.
On oublierait que Donald Trump irrigue la sphère médiatique de sa haine et de ses mensonges depuis qu’il est devenu une star de la téléréalité, depuis que les médias, dans une course à l’audience aussi effrénée qu’irresponsable, ont relayé en les amplifiant ses propos scandaleux, bien avant le début de la campagne présidentielle l’année dernière.
On oublierait la couverture médiatique indécente de Trump par les chaînes de télévision notamment celles d’information en continu et en particulier de CNN, qui a légitimé au-delà de toutes ses espérances, ses délires antidémocratiques et complotistes.
Non, Donald Trump n’est pas arrivé là, tout d’un coup, sans qu’il y ait eu des alarmes et des signes.
Il est ainsi l’aboutissement d’un dysfonctionnement majeur de la démocratie orchestré par les républicains dès les années 1990 lors de la présidence de Bill Clinton et qui a atteint son paroxysme lors de la présidence Obama.
Dans le même temps et au secours de cette stratégie du pourrissement et de la paralysie des institutions, la démocratie, parallèlement, a viré lentement, depuis les années 1980.
Si l’on adopte cette perspective à plus long terme, le phénomène Trump se comprend plus facilement ainsi que cette incohérence de premier abord qui est de voir un promoteur newyorkais incompétent et dangereux succéder à Barack Obama.
Mais cela n’explique pas tout.
Depuis des années, les experts nous disent en effet que la démographie américaine avantage les candidats démocrates aux élections présidentielles, qu’une population de plus en plus métissée, de plus en plus diverse où les blancs, notamment ceux de la classe inférieure ou de la classe moyenne inférieure, soutiens traiditonnels des républicains, sont en voie de disparition, en tout cas, de marginalisation.
Or, cette élection prouve le contraire.
A moins que les Américains n’aient pas voulu d’une femme comme présidente alors que l’on aurait pu penser qu’ils seraient moins enclins à élire un président noir
Ils seraient plus misogynes que racistes…
Mais, bien sûr, la victoire de Donald Trump est d’abord l’échec d’Hillary Clinton qui avait en main toutes les cartes pour l’emporter facilement face à un adversaire aux multiples failles.
Centriste comme Obama, elle se réclamait de son bilan tout en ayant apporté, tout au long de sa campagne, des correctifs pour contenter une population angoissée qui, malgré une croissance économique réelle et une baisse importante du chômage, voyait l’avenir en noir, bombardée qu’elle est depuis des années des messages négatifs venue de la Gauche – voir la campagne de Bernie Sanders lors des primaires démocrates – et surtout de la Droite…
Néanmoins, elle n’a pas su faire passer ce message et, surtout, elle n’a pas réussi à évacuer la montagne d’insultes et de calomnies qui ont été déversés sur elle, plombant son image.
Alors que Donald Trump a fait des choses bien pires qu’elle, c’est elle qui a fini la campagne en accusée et il faudra analyser si l’intervention du directeur du FBI, un républicain, sur la réouverture de l’enquête sur sa boite e-mail du temps où elle était secrétaire d’Etat, a joué un rôle dans les derniers jours avant le scrutin à son détriment.
Hillary Clinton disparait donc de la scène politique par la petite porte, ce qui est une injustice notoire, elle, une des politiques les plus compétentes que les Etats-Unis aient jamais eu mais un animal électoral trop tendre et pas assez charismatique.
Toujours est-il que la victoire de Trump ainsi que la défaite de Clinton (et celle d’Obama par extension) démontrent un pays complètement désuni où, après les appels à la révolution violente des supporters de Trump pendant la campagne, se succèdent les appels à la résistance des adversaires du populiste démagogue.
L’avenir est donc trouble et peu propice à une réunion du pays, d’autant qu’il est important de noter que la victoire de Donald Trump s’accompagne d’une victoire du Parti républicain aux Congrès (au Sénat et à la Chambre des représentants) et qu’avec une nomination pendant à la Cour suprême, cette formation, aura tous les pouvoirs à Washington alors même qu’il est possible qu’elle demeure minoritaire en voix.
Dès lors, les programmes les plus controversés du candidat Trump et des républicains peuvent avoir une chance d’aboutir.
Rappelons que ceux-ci concernent la suppression de l’assurance santé (Obamacare), la construction d’un mur entre les Etats-Unis et le Mexique avec le renvoi de 11 millions d’immigré clandestins, une baisse des impôts drastique pour les plus riches qui creusera un immense déficit public, l’interdiction de l’avortement, la prière obligatoire dans les écoles, le port d’arme autorisé dans tous les lieux publics notamment ces mêmes écoles, les poursuites judiciaires et un procès contre Hillary Clinton que Trump veut mettre en prison, on en passe et des meilleurs.
De côté se faire retourner dans leurs tombes les Pères fondateurs de la nation américaine et rédacteurs de la Constitution qui voulaient un gouvernement modéré et consensuel…

Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC



Présidentielle USA 2016

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Vues du Centre – Jean-François Borrou. Pour que Marine ne soit pas la Donald française

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.

Donald Trump & Marine Le Pen
Et si le 7 mai prochain, Marine Le Pen s’installait à l’Elysée!
Aucune chance, me direz-vous.
Combien en donniez-vous à Donald Trump, il y a un an, pour aller à la Maison blanche?...
Et ne croyez pas que ce qui se passe là-bas, chez les Ricains que vous regardez souvent avec condescendance, soit impossible dans notre beau pays qu’est la France.
Bien sûr, la présidente du FN plafonne aujourd’hui autour des 40% d’intentions de vote au second tour de la présidentielle me répondrez-vous.
Et moi, je vous réponds: oui, mais elle est au second tour dans tous les cas de figure…
Alain Juppé, pour l’instant, semble en mesure de lui barrer la route de la fonction suprême.
Oui, mais si c’était Nicolas Sarkozy ou François Hollande qu’elle avait face à elle?
Et puis, Juppé, il est sur un nuage actuellement mais ça ne durera pas.
Quand se passera-t-il, alors, quand une frange «en colère» de la population découvrira qu’il est vieux, qu’il ne propose rien de radical, qu’il a été un premier ministre détesté de Jacques Chirac et que rien ne risque de changer selon leur point de vue?
Oui, amis centristes, oui chers compatriotes, ce qui vient de se produire aux Etats-Unis d’Amérique peut tout aussi bien survenir dans notre belle France.
D’autant que, comme aux Etats-Unis avec Trump, la presse est trop bienveillante avec Marine Le Pen et le Front national qui bénéficient d’une couverture médiatique «à la Trump».
Oui, amis et confrères journalistes, ne tombez pas dans le panneau lepéniste comme vos confrères d’outre-Atlantique sont tombés dans celui de Trump.
Et ne servez pas la soupe à l’extrême-droite comme certains d’entre vous le font déjà.
Un Donald dont il faut rappeler que Marine l’a soutenu comme l’ensemble des dirigeants du FN et à qui elle vient d’adresser ses félicitations.
Alors, nous ne devons pas demeurer les bras croisés, nous les centristes, nous les défenseurs de la démocratie et de ses valeurs.
Nous devons encore plus dénoncer les dangers du Front national et de ses idées liberticides et incohérentes.
Peut-être que nous allons bénéficier des premiers mois de pouvoir de Trump comme un exemple à ne pas suivre…
Quoi qu’il en soit, le réveil est sans aucun doute dur mais il n’est pas temps de tergiverser.
Nous votons dans six mois, c’est-à-dire demain, et nous devons tout faire pour que le scénario catastrophe américain ne devienne pas un cauchemar français.

Jean-François Bourrou



L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Triste jour pour la démocratie

Il a quelques années de cela, étudiant, j’avais pris un livre dans la bibliothèque de mon grand-père.
Publié par le ministère des Affaires étrangères, il contenait les lettres et rapports qu’André François-Poncet, l’ambassadeur de France à Berlin entre 1931 et 1938, avait envoyés à Paris et dans lesquels il relatait avec une grande lucidité la montée en puissance d’Adolph Hitler et du nazisme mettant en garde le gouvernement contre les risques à venir.
Pour moi, ce fut une sorte de révélation et de prise de conscience.
Malgré ce que l’on disait à l’époque puis dans les années d’après-guerre, non seulement on savait ce qui se passait en Allemagne mais on avait bien conscience que l’apocalypse n’était pas impossible, pire, qu’elle était prévisible.
Pourtant, cela n’a pas empêché la Deuxième guerre mondiale et ses 50 millions de morts ainsi que la défaite cuisante des démocraties face à un nazisme qui était arrivé au pouvoir tout à fait légalement.
A partir de ce moment, je compris avec quelle irresponsabilité les politiques, les journalistes, les intellectuels, tout ce qui compte comme leaders d’opinion, avaient agi et que cela pouvait revenir à tout moment et que la lutte pour la démocratie et la liberté était un combat quotidien contre tous leurs ennemis mais aussi contre tous les renoncements des élites et du peuple en général.
Aujourd’hui, avec l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, je ressens une profonde tristesse en tant que démocrate et républicain mais aussi cette force intérieure qui m’appelle à me battre pour éviter que la victoire d’un clown populiste et démagogue devienne notre prochain cauchemar.
Evidemment, en tant que démocrate, je ne conteste pas la victoire du promoteur newyorkais.
J’ai beau pensé que le système démocratique tel qu’il est actuellement recèle de nombreux défauts, en tant que centriste de raison, j’ai fait miennes les opinions d’Alexis de Tocqueville ou de Winston Churchill à son sujet.
Oui la démocratie permet à un Hitler d’arriver au pouvoir mais elle demeure le moins mauvais système de gouvernement et le meilleur pour garantir la liberté.
Dès lors, tout en acceptant que Trump s’installe dans le Bureau ovale de la Maison blanche et avant que, peut-être, Marine Le Pen prenne ses quartiers à l‘Elysée de manière tout aussi démocratique, je dénoncerai sans relâche ces personnages dangereux et leurs complices, notamment ceux qui, au nom d’une bonne conscience de pacotille, ont ouvert les portes à cette possibilité impensable voici tout juste un an.
Car la victoire de Trump, c’est aussi la défaite d’une pensée lénifiante sur un traitement «équitable» pour ceux qui menacent la démocratie et la ridiculisent.
Pendant toute cette campagne, le candidat républicain a pu dire ce qu’il voulait,, quand il le voulait sans que les médias, en particulier audiovisuels, ne prennent leurs responsabilités et dénoncent de manière vigoureuse et sans aucune hésitation ses propos et ses comportements.
Aujourd’hui, nombre de journalistes américains vont avoir du mal à se regarder dans une glace.
En faisant de lui une star, la télévision et internet ont joué le jeu ultime de cette farce de la téléréalité qui menace la démocratie bien plus que ce que veulent bien le dire ses promoteurs.
Cette «démocratie médiatique» est en effet un danger mortel pour la vraie démocratie.
Cela a commencé dans les années 1980, lorsque l’on a commencé à demander aux mannequins et aux sportifs de donner leur avis sur tout et n’importe quoi.
Cela a continué, dans les années 1990-2000, lorsque la téléréalité est arrivée avec son lot d’inepties et de crétins qui donnaient leur opinion sur tout et qui se retrouvait à la une de la presse.
Donald Trump, vedette bling-bling et transgressif de téléréalité et marié à un mannequin est bien son produit ultime, son Frankenstein.
Mais il est aussi un pur produit d'internet, de tous les informations abracadabrantes qui y circulent, de tous les haines qui s'y déversent quotidiennement, de toutes les thèses complotistes dont il est un des plus fervents propagateurs.
Il a permis, en outre, à toutes les haines, tous les ressentiments, toutes les frustrations, vrais ou faux, tous les penchants les plus obscures de se libérer.
Qu’un tel personnage ait pu séduire aussi facilement une aussi grande partie des Américains montre l’état de délabrement des sociétés démocratiques occidentales où des Le Pen, Farrage, Orban, Petry et autres Michaloliakos déplacent les foules et engrangent les électeurs.
Et cela pose, évidemment, des questions essentielles sur le présent et l’avenir de nos démocraties actuelles.
Aujourd’hui, beaucoup de gens proches de moi, dégoûtés et révoltés, pleurent en ce triste jour pour la démocratie et je les comprends.
Moi, depuis la lecture des lettres d’André François-Poncet, je me suis toujours dit que malheureusement tout était possible même la victoire de Trump.
Car, l’histoire est un éternel recommencement, surtout quand les peuples sont tellement ignorant de leur passé.