Les réactions à la victoire de Donald Trump à l’élection
présidentielle américaine le 8 novembre se succèdent, notamment pour les
personnalités du Centre et de l’axe central en France.
Si l’on peut saluer la justesse des réactions de François
Bayrou, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, on est étonné des «félicitations»
de Macron aux Américains pour leur choix de Trump…
- François Bayrou
(Mouvement démocrate)
François Bayrou se montre inquiet du choix du peuple
américain tout en comprenant ses angoisses.
«L’élection de Donald Trump va marquer le monde pour une
longue période.
Il y a d’abord une réalité: partout sur la planète les
peuples refusent l’ordre établi d’où ils se sentent rejetés.
Mais le changement qu’ils cherchent, ils croient le trouver
au travers des excès, des caricatures, des retours en arrière et des rejets. Et
c’est là qu’est le danger.
Deux questions se posent à chacun de nous: est-ce que ce
choix peut produire du bien? Et acceptons-nous d’aller dans le sens de cette
pente?
Pour nous, la réponse est deux fois non. Non, cette surenchère
ne peut pas produire du bien: dans l’histoire, elle a toujours conduit aux plus
cruelles désillusions, et souvent pire encore, et les victimes sont en premier
les moins favorisés et les moins protégés. Et non, nous ne voulons pas nous y
livrer, nous voulons y résister.
Cela impose donc de prendre volontairement à notre compte le
changement profond, nécessaire, dont les peuples ont besoin, eux qui ne veulent
pas supporter un monde sur lequel on ne pourrait pas agir. Cela impose de
penser un monde nouveau. Cela oblige à rompre avec l’endurcissement d’un
univers dominé par la puissance exclusive de l’argent, de remettre en cause la
montée qui paraît inexorable des inégalités et des exclusions. Cela impose que
la démocratie se transforme et se dépasse, qu’elle soit enfin honnête, que
chacun y ait accès et s’y reconnaisse, que des leaders dignes de ce nom sortent
du monde clos dans lequel ils sont enfermés, qu’ils cessent de parler la langue
des chiffres pour parler la langue des hommes, au masculin comme au féminin.
Cela impose qu’ils trouvent au fond d’eux-mêmes et qu’ils proposent un idéal
nouveau.
Ce défi est un défi civique. Et nous sommes décidés à le
relever.»
- Emmanuel Macron (En
marche)
La réaction d’Emmanuel Macron est troublante avec des
félicitations au peuple américain pour avoir élu un dangereux démagogue et
elle, tombe dans un populisme de mauvais aloi où l’identification entre son
combat et celui de Donald Trump peut susciter une certaine inquiétude chez les
centristes.
«Le peuple américain a voté et élu Donald Trump à la
présidence des Etats-Unis d'Amérique. En tant qu'alliés historiques de ce grand
pays, nous devons le saluer et le féliciter.
Cette élection montre que rien n'est jamais écrit à l'avance.
Il faut toujours écouter ce que le peuple a à dire et non ce qu'on aimerait
qu'il dise.
Cette élection me parait être l’expression d’un rejet du
système profond, et sous-estimé. Le même qui a conduit nos amis britanniques à
décider de sortir de l’Union Européenne il y a quelques mois. Le même que
j’entends depuis deux ans que je me suis engagé publiquement sur la scène
politique. Ce rejet rend impossible de demeurer dans le statu quo dans lequel
notre pays s’est englué depuis trente ans.
Ces votes expriment une demande de protection et de respect
du sentiment populaire que je crois partagée par les Français. Elle doit être
entendue et comprise, sans conduire pour autant à des réponses de fermeture ou
de repli.
C’est la condition pour les transformer non pas en rejet du
présent mais en espoir de changement.
C’est l’enjeu des six prochains mois.»
- Alain Juppé (LR)
La réaction d’Alain Juppé est assez juste puisqu’il prend
acte de la décision du peuple américain, demande à Trump de la responsabilité et
dénonce les populistes.
«Le peuple américain s’est prononcé démocratiquement et je
prends acte de sa décision souveraine.
Je veux ce matin adresser à M. Trump, qui aura demain la
charge de conduire la démocratie américaine, un message fort, le message d’un
pays ami du peuple américain. Le monde a besoin d’une démocratie américaine
apaisée et qui contribue à l’équilibre du monde, aujourd’hui gravement menacé.
Il appartient désormais à M. Trump de définir les grandes
lignes de sa politique internationale et les axes de son dialogue avec la
France et l’Europe.
C’est à la France et à l’Europe de se mettre en situation de
défendre leurs intérêts dans leur dialogue avec l’administration américaine.
Plus que jamais, les Français ont besoin d’une France forte
et d’un Président de la République qui puisse être entendu et respecté par ses
partenaires.
Plus que jamais, les Français ont besoin d’une Europe
soudée, qui s’impose comme un interlocuteur des grands pôles du monde de
demain.
Aux Français, je veux souligner tous les risques que la
démagogie et l’extrémisme font courir à la démocratie et le caractère vital des
choix qu’ils ont à faire.
Plus que jamais j’appelle au rassemblement et à la
mobilisation tous ceux qui se font une « certaine idée » de la
République et de la France.»
- Philippe Vigier
(UDI)
La réaction de Philippe Vigier, le président du groupe UDI à
l’Assemblée nationale se sert de cet événement pour critiquer François Hollande
(sic!).
Néanmoins, il termine celle-ci en expliquant que les
réponses aux questions actuelles des peuples ne peuvent être apportées par «les
démagogues, les populistes et les extrémistes» sans que l’on sache s’il fait
allusion à Donald Trump ou au monde politique français…
«Le peuple américain a démocratiquement élu Donald Trump. Le
nouveau Président des Etats-Unis a désormais la responsabilité d’apaiser et de
rassembler, pour une démocratie américaine à la hauteur des grands
bouleversements mondiaux qui nous guettent et des graves menaces - en
particulier la menace terroriste - auxquelles nous sommes confrontés.
Il nous faut retrouver notre leadership en Europe, afin que
nous défendions au mieux les intérêts de la France. Il nous faut une
Europe plus utile, plus efficace, une Europe qui protège ses peuples et ses
économies.
Ce vote souverain du peuple américain doit naturellement
nous interpeller sur les épreuves et les difficultés que traversent également
des Françaises et des Français toujours plus nombreux, ainsi que sur les
inquiétudes qu’ils ont.
Je pense tout particulièrement à celles et ceux qui sont
frappés par le drame du chômage ou qui vivent avec la hantise de perdre leur
emploi. Je pense également à ces Françaises et Français qui vivent dans la peur
de l’inconnu, de l’avenir, à celles et ceux qui ont le sentiment d’être broyés
par la mondialisation, et à nos territoires ruraux qui se sentent abandonnés.
Je pense enfin à celles et ceux qui s’interrogent sur la capacité de la France
à terrasser la menace du terrorisme islamiste.
Ils n’en peuvent plus de l’impuissance politique, que
François Hollande incarne aujourd’hui plus que jamais. Ils ne supportent plus
le fossé qui s’est creusé entre l’importance donnée aux sujets de second ordre,
alimentés par les slogans et les querelles politiciennes, et leur réalité
quotidienne. Ils attendent de nous des réponses fortes pour un Etat plus fort,
pour libérer les énergies et créer des emplois.
Les réponses à ces questions ne pourront jamais être
apportées par les démagogues, les populistes et les extrémistes. Elles doivent
l’être par un discours de vérité, qui seul permet de créer la confiance et
l’adhésion autour d’une action courageuse et efficace, à la hauteur des crises
que nous traversons. Cette exigence de vérité, cette hauteur de vue, ce souci
du rassemblement et de la cohésion doivent être au cœur de l’alternance.»
- Jean-Pierre
Raffarin (LR)
L’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Jean-Pierre
Raffarin, estime d’abord qu’il faut respecter le choix démocratique du peuple
américain mais estime ensuite qu’un «populisme extrême peut gagner» et met en
garde contre une possible victoire de Marine Le Pen en France.
«Il faut respecter la démocratie. J'entends beaucoup de gens
qui jugent. Le peuple américain est un grand peuple. Il décide. Il faut
respecter ce qu'il décide.
Moi, je ne suis pas fondamentalement surpris. J'avais pensé
qu'après le Brexit, les peurs dans le monde entier, les montées des
populismes partout, montrent que c'était possible. Alors, on se posait la
question de savoir s'il y a une sorte de ligne de front de la raison qui va
empêcher cela? Et en fait, la ligne de front de la raison, depuis le Brexit,
n'existe plus. Ça veut dire que l'information principale, pour nous, Français,
aujourd'hui, c'est que Madame Le Pen peut gagner en France
La grande leçon de ces événements, en Grande-Bretagne
d'abord, aux États-Unis ensuite, c’est que le populisme extrême peut gagner.
Quand vous pensez à ce qu’a dit Trump sur les femmes, sur ses adversaires, sur
les pays voisins, sur la France même, et que l’on peut voter malgré ça, ça veut
dire que la colère, que le mécontentement, que les difficultés
qu’a la démocratie à intégrer la complexité des choses – la démocratie appelle
des réponses simples à des sujets complexes –, ça veut dire que Madame Le Pen,
avec des propositions simples, peut gagner en France»