Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat
international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation
humaniste. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Supporter de Trump |
Pour un centriste convaincu qui visite souvent les
Etats-Unis et en revient tout juste, l’élection américaine a tout d’une
espérance (voir une centriste, première présidente du pays, succéder à un
centriste, premier président afro-américain) mais aussi d’un cauchemar (voir un
dangereux démagogue incompétent s’installer à la Maison blanche, démontrant la
limite d’une démocratie, fut-elle la première du monde).
Car, à moins d’une semaine du scrutin, on ne sait toujours pas
si Donald Trump sera, in fine, le prochain président des Etats-Unis.
Cela semble toujours improbable même si les sondages se
resserrent après les déclarations inqualifiables du directeur du FBI, monsieur
Comey, un républicain, qui a décidé de rouvrir l’enquête sur le compte e-mail d’Hillary
Clinton quand elle était secrétaire d’Etat au motif que Anthony Wiener, le mari
– même s’ils sont en instance de divorce – d’Huma Abedin, sa plus proche
collaboratrice, est sous le coup d’une enquête pour échange de textos à
caractère sexuel avec une mineure de 15 ans et que la boite e-mail de ce
dernier pourrait contenir – mais personne ne le sait, pas même le directeur du
FBI! – des informations venant du département d’Etat via des échanges avec
Abedin.
Un motif aussi rocambolesque que scandaleux, sorti à moins
de onze jours de l’élection – condamné par les légistes qui y voient une
interférence inadmissible dans le processus démocratique – et sans la moindre
preuve, alors même que ce même Comey a refusé de divulguer les informations
concernant le piratage des comptes du Parti démocrate par les Russes que
possèdent le FBI au motif qu’il ne voulait pas influencer le vote des
Américains alors que cela aurait gêné le candidat républicain!
Bien évidemment, Donald Trump s’est saisi de cette perche
alors que sa campagne sombrait bel et bien dans les profondeurs de la boue qu’il
a déversée depuis plus d’un an (le New York Times a publié une double page
édifiante où sont recensées toutes les personnes et institutions qu’il a
copieusement insultées).
Mais aussi les médias audiovisuels qui ont immédiatement
qualifié cela de «coup de tonnerre» sans même avoir la moindre information sur
cette affaire Wiener ou ce que contient un seul des e-mails qu’il a reçu de sa
future ex-femme…
A tout cela, il faut ajouter cet étonnement constant qu’il
puisse encore y avoir des Américains qui veuillent voter pour Donald Trump.
Ces derniers jours, la plupart des médias écrits – qui sauvent
l’honneur de la presse américaine – ont publié des articles et des éditoriaux
pour montrer la menace que représente Trump et des récapitulatifs comme celui
évoqué ci-dessus du New York Times, de toutes ses insultes ainsi que ses propos
d’une incompétence rare dans les affaires publiques et internationales, sans
plus de résultat sur ses supporters.
Pas même le soutien que vient de lui accorder le journal du
Ku Klux Klan ne devrait avoir un effet repoussoir sur ses électeurs…
Car, comme le rappelle fort justement Le Monde, «Depuis
qu’il a lancé sa campagne, le candidat est associé à des personnages sulfureux:
il a reçu l’appui de David Duke, ancien dirigeant du Ku Klux Klan, celui du
Daily Stormer, site néonazi américain et celui du comité d’action politique
formé par l’American Freedom Party (parti raciste)». Fermez le ban!
Oui, les Etats-Unis sont aujourd’hui, à nouveau, un pays
divisé comme ce fut le cas à certaines périodes de leur Histoire.
Pour autant, jamais – même avec Barry Goldwater – un candidat
d’un des deux grands partis qui dominent la vie politique du pays n’a été aussi
dangereux pour la démocratie comme l’a fort justement rappelé Barack Obama.
Comment expliquer ce qui semble assez inexplicable dans le
phénomène Trump, une fois que l’on a laissé de côté la tarte à la crème de la «colère»
des Américains qui, si elle est une raison justifiée de celui-ci n’en est pas forcément
la principale.
Il faut bien avouer, dès lors, que la possibilité pour une
vedette de la téléréalité aux idées populistes d’accéder à la plus haute
fonction des Etats-Unis est bien un produit deux des principaux maux qui
menacent nos démocraties républicaines, la médiacratie et la médiocratie.
En cela, il faut séparer les cas Reagan et Trump, car le
premier, après une carrière d’acteur, avait fait ses armes dans la politique en
étant, notamment, gouverneur de Californie alors que le dernier n’a jamais
exercé la moindre fonction publique de toute sa vie.
Alors, oui, ce qui produit un Donald Trump est bien l’addition
d’une médiacratie en quête constante de taux d’audience ainsi que de «breaking
news», créatrice de plus de personnages médiatiques en carton pâte qui accèdent
à une notoriété sans commune mesure avec leurs capacités réelles, et une
médiocratie où la médiocrité d’une large partie du personnel politique n’est
que l’écho d’une médiocrité d’une partie importante de l’électorat, toujours
friand de ces personnages plus virtuels que réels.
Une addition qui se retrouve à des degrés divers dans d’autres
pays, en France comme aux Philippines, en Espagne comme en Grèce, en Russie
comme en Autriche ou en Hongrie.
Le manque de responsabilité des médias qui s’abritent
derrière le «devoir d’information» pour monter en épingle tout et n’importe
quoi, pour annoncer des nouvelles qui devront être démenties plus tard, dans ce
qui s’apparente de plus en plus à un exercice de désinformation où ceux-ci
tentent de ne pas se laisser larguer par le flot d’inepties et de théories
complotistes venues d’internet allié au manque de discernement d’une partie de
la population où les déficiences en matière d’éducation et les carences en
véritables informations, produisent des votes complètement épidermiques et
affectifs sans lien avec la réalité de la situation et la personnalité des
politiciens sont, au minimum, un devoir d’interrogation de la démocratie
républicaine sur ce qu’elle est devenue ou, plutôt, sur son incapacité à
évoluer vers un système qui ne ferait plus de l’élection une grande foire
doublée d’un défouloir où l’on vote plus «contre» que «pour» sans se préoccuper
plus que cela de la capacité de ceux que l’on va porter au pouvoir.
Malheureusement, il semble bien qu’il n’y ait pas de
solutions miracles immédiates, ce qui peut-être assez inquiétant voire
cauchemardesque dans les années à venir où le phénomène risque de s’amplifier.
Néanmoins, la victoire d’Hillary Clinton serait un message
fort envoyé à tous les populistes démagogues qui, tel Trump, tentent de
phagocyter le pouvoir pour le plus grand danger des pays où ils se présentent.
Dès lors, il nous reste à espérer en la sagesse d’une
majorité d’Américains tout en réfléchissant, dès maintenant, à comment faire
pour que les électeurs de Donald Trump et ceux de tous les populistes et les
démagogues d’ailleurs, ne soient plus tentés par des personnages aussi malsains
que nuisibles et, en plus, ridicules.
Aris de Hesselin