Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur
une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une
vision centriste. Huitième numéro consacré à la proportionnelle défendue depuis
le début de la V° République par les centristes qui y voient un mode d’élection
plus juste donc plus en phase avec la démocratie mais aussi un moyen d’exister
sans devoir s’adosser à un parti dominant de droite ou de gauche pour avoir des
élus.
Les centristes français aiment la proportionnelle, eux qui
en sont privés depuis la fin de la IV° République alors que tous les autres
pays de l’Union européenne mettent une dose plus ou moins grande de celle-ci
dans leurs élections législatives.
Sur le fond, les centristes estiment que la proportionnelle
est un mode d’élection qui permet à tous les courants politiques un tant soit
peu structurés et avec une base électorale de quelques pourcents d’être
représentés à l’Assemblée nationale.
C’est donc un système juste et qui permet ainsi à la
démocratie républicaine de mieux fonctionner.
Mais il faut ne pas se cacher la réalité.
La proportionnelle permettrait à des centristes qui ne sont
pas en position de force depuis l’instauration de la V° République en 1958 – où
ils ne sont plus capables de faire élire un nombre important de députés à cause
du scrutin majoritaire à deux tours alors que le parti dominant de la Droite
ainsi que celui de la Gauche, eux, en profitent largement – de reconstituer des
troupes plus consistantes à l’Assemblée nationale.
Au-delà de cette raison comptable, la proportionnelle leur
permettrait également de gagner en indépendance et de pouvoir avoir un rôle
politique beaucoup plus important, voire de monnayer leur soutien avec ou sans
participation à un gouvernement de droite ou de gauche en échange d’une
coloration centriste de son action.
Une proportionnelle qui pourrait de même désinhiber une
partie de l’électorat modéré qui serait plus à même de voter pour le Centre
alors qu’aujourd’hui il se tourne vers un vote utile dès le premier tour des
législatives.
Définition de la
proportionnelle:
Un système électoral réuni plusieurs règles (mode, fréquence,
nombre et taille des circonscriptions, étendue du droit de vote et de
candidature, etc.) qui régissent l’organisation des élections d’un pays.
La proportionnelle est un mode d’élection qui peut être une
de ces règles.
Le principe général de la représentation proportionnelle est
que les partis politiques présents à une élection reçoivent une part de sièges
égale à leurs pourcentages de voix respectifs.
Si cette règle est simple à comprendre, en revanche, elle n’est
pas toujours facile à mettre en œuvre.
L’exemple le plus simple est quand un parti obtient 22,63%
des voix, doit-il avoir 22,63 sièges?!
Dès lors, la représentation proportionnelle doit faire appel
à des modèles mathématiques sur lesquels ont travaillé depuis le XIX° siècles
de nombreux mathématiciens qui ont proposé plusieurs formules plus ou moins
complexes, plus ou moins égalitaires, plus ou moins efficaces.
Les trois principales font appel la méthode des plus grands
reste, à la méthode des plus fortes moyennes et à la méthode des diviseurs
successifs.
Des leaders
centristes à l’unisson
- François Bayrou (président du Mouvement démocrate):
«Quelle légitimité y a-t-il à ce que 7 millions de personnes
n’aient aucune représentation à l’Assemblée nationale? (…) il faut «rendre la
loi électorale juste».
«C’est normal que tous les grands courants du pays soient
représentés" or aujourd'hui, «deux d’entre eux,le PS et Les républicains,
sont surreprésentés et trois sont écartés, l'extrême-droite, l'extrême-gauche
et le centre».
Quant à l'instabilité gouvernementale que pourrait entraîner
la proportionnelle: «Vous trouvez que l'Allemagne est instable? Ou les pays
scandinaves? Tous les pays européens continentaux, sans exception, ont la même
règle de juste représentation. Et je les trouve plus stables et plus capables
de réformes que nous ne le sommes».
«Nous sommes le seul pays d'Europe continentale à vivre avec
des règles qui sont faites pour empêcher cette alternative positive (la
proportionnelle). Regardez combien de Français sont exclus de la représentation
(avec le scrutin majoritaire). Personne n'a jamais écrit à l'origine de la V°
République que la moitié des Français devaient être exclus de la représentation».
- Jean-Christophe Lagarde (président de l’UDI):
«Nous avons toujours été favorables au scrutin
proportionnel, y compris avec une prime majoritaire». Ce mode de scrutin «fonctionne
très bien» déjà pour les municipales et les régionales.
«A l'Assemblée nationale, nous avons besoin du même système:
des élections à la proportionnelle sur les 13 régions avec une prime
majoritaire, ce qui arrêtera d'écarter de l'Assemblée pratiquement 40% à 50%
des Français», électeurs de partis faiblement ou pas représentés dans
l'hémicycle.
Une simple «dose» de proportionnelle n'est pas souhaitable,
il faut la «généraliser» afin de donner de la «lisibilité» aux Français et une
meilleure représentativité de leurs choix, de nature à faire «baisser l'abstention
en n'écartant pas tout ce qui serait différent du système en place».
- Hervé Morin (président du Nouveau centre):
«Oui, je crois que le mode de scrutin proportionnel
s’inscrirait beaucoup mieux dans la logique du quinquennat présidentiel. Une
élection présidentielle au scrutin majoritaire à deux tours, une majorité pour
le président élu dans le cadre d’un scrutin de listes à la proportionnelle, une
juste représentation des principales forces démocratiques du pays et de ses
principaux responsables.
«L’élection législative est de plus en plus le reflet de la
bipolarité implacable du second tour de l’élection présidentielle et non de la
diversité démocratique de son premier tour. Des partis non représentés, ou à
peine, dans la future Assemblée nationale alors que leurs candidats approchaient
ou dépassaient les 10% de suffrages à l’élection présidentielle, et des
candidats eux-mêmes menacés d’élimination alors qu’un mois plus tôt plusieurs
millions de Français les plébiscitaient. Est-ce que tout cela est bien normal?
Sincèrement, je ne le crois pas. Et pourtant, Dieu sait que je ne partage pas
les convictions de plusieurs de ces leaders. Mais comme le disait Voltaire, «je
ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout
pour que vous puissiez le dire».
«J’ajoute que la proportionnelle pourrait porter avec elle au
moins trois progrès décisifs: la parfaite parité homme-femme, la fin du cumul
des mandats, l’assiduité à l’Assemblée nationale. La parité, parce que le
scrutin de listes le permet de manière quasi automatique. Nous aurions une
représentation homme-femme, enfin digne d’une démocratie moderne. Nous aurions
aussi des lois mieux faites, un gouvernement mieux contrôlé, au total un
pouvoir législatif vraiment digne de ce nom. La représentation locale y
perdrait sans doute un peu mais, entre élus régionaux, départementaux,
communautaires, municipaux je doute que nos concitoyens y voient un grand préjudice.»
- Laurent Hénart (président du Parti radical):
«Les radicaux et l’UDI se sont prononcés clairement en
faveur du principe de l’introduction d’une dose de proportionnelle. Le scrutin
proportionnel est le plus conforme à l’idéal de l’égalité des citoyens devant
le suffrage, un idéal qui est inséparable de la démocratie représentative
moderne».
Qu’en pensent les
Français?
Les Français semblent partant comme le montre un récent
sondage où 82% estiment qu’il serait bien d’«introduire une dose de
proportionnelle pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale» (sondage
Elable réalisé les 15 et 16 décembre 2015).
Le pour et le contre
de la proportionnelle
L’on s’accorde généralement à dire que la proportionnelle
est le système électoral le plus juste pour élire les représentants de la
nation car il donne à chaque voix sa peine mesure dans le sens où chaque
formation politique obtient un nombre de siège en regard de son score et que le
vote reflète la vraie volonté des citoyens.
En revanche, nombre de politiques, de politologues et de
politistes estiment que ce système aboutit souvent à un blocage des
institutions, sans majorité claire où chaque groupuscule peut imposer sa loi
aux grands partis et dévoyer la démocratie en ayant une surreprésentation de
fait, où les partis démagogues et extrémistes obtiennent des tribunes afin de
s’attaquer au système qui les a fait élire.
Non seulement, selon eux, le système serait créateur de
désordre politique mais il ne serait pas efficace car les intérêts particuliers
prendraient systématiquement le dessus sur l’intérêt général.
Et de montrer l’instabilité de IV° République en France ou
de la République italienne au cours de la deuxième partie du XX° siècle, comme
exemples qui confirment leur analyse.
Pourtant, la proportionnelle existe dans nombre de pays où
l’on peut gouverner correctement.
Comparaison entre
scrutin à la proportionnelle et scrutin uninominal majoritaire
Les deux systèmes, majoritaire et proportionnel ont des
défauts et des qualités.
Au rayon des défauts, le système majoritaire exclut une
partie de la population de la représentation nationale et peut donner une
majorité de sièges à un parti qui est loin de l’avoir dans les urnes.
En France, un parti peut gouverner tout seul avec moins de
50% des suffrages comme c’est le cas actuellement de la majorité présidentielle
conduite par le Parti socialiste issu de l’élection législative de 2012 qui,
avec 39,86% des voix au premier tour a obtenu 331 députés soit 57,36% des
sièges de députés, un écart de près de dix-huit points.
Aux Etats-Unis, la Chambre des représentants était très
majoritairement républicaine après les élections législatives de 2012 alors que
les démocrates avaient obtenu un million de votes supplémentaires que les
républicains!
Le système proportionnel empêche souvent une majorité claire
et nécessite des accords qui ne sont pas toujours très clairs et respectueux
pour la démocratie et les électeurs.
Aujourd’hui, l’Allemagne connait une coalition des deux grands
partis, ce qui n’est pas le souhait des électeurs.
En Espagne, le pays est ingouvernable faute d’une majorité
issue d’un scrutin proportionnel même avec une prime au parti arrivé en tête.
De même il peut induire une certaine instabilité
gouvernementale dans le cas d’un régime parlementaire tel qu’on l’a connu en
France lors de la IV° République et comme l’a connu l’Italie depuis la fin de
la Deuxième guerre mondiale.
Au rayon des qualités, le système majoritaire permet le plus
souvent des majorités claires qui permettent de gouverner.
Ainsi, il évite souvent la paralysie du pouvoir législatif
ainsi que les petits arrangements indignes d’une démocratie lorsqu’il faut
aller à la pêche aux voix afin de trouver une majorité.
Le système proportionnel permet une meilleure représentation
de la sociologie politique des électeurs ainsi que la possibilité à tout parti
atteignant un certain seuil de votes de pouvoir s’exprimer dans les assemblées
parlementaires, lieu principal du pouvoir dans une démocratie républicaine
(même si les exécutifs ont pris dans la plupart des pays démocratiques une prééminence
dans l’exercice du pouvoir).
Il permet également de gouverner par compromis et consensus
lorsqu’il faut trouver des majorités d’idées ou sur des textes, ce qui renforce
la démocratie et garantie mieux le droit de la minorité.
Le meilleur système
électoral avec de la proportionnelle à mettre en place
Si l’on doit changer le système électoral français pour
avoir une meilleure représentation et une meilleure efficacité, alors il semble
inévitable qu’il faille introduire une dose importante de proportionnelle tout
en gardant, dans un premier temps une élection au scrutin majoritaire pour plus
de la moitié des députés.
Voici ce à quoi pourrait ressembler le «meilleur système»:
- Un système mixte où 33% des députés, soit un tiers de l’Assemblée
nationale, sont élus à la proportionnelle (ce pourcentage pourrait être
réévalué à terme), ce qui permet une représentation plus juste mais permet
également, dans un premier temps, l’émergence d’une majorité stable grâce au
scrutin majoritaire.
Néanmoins, on peut évoluer vers un système proportionnel
intégral qui n’a de sens que s’il donne une prime réaliste à la liste arrivée
en tête, c’est-à-dire un nombre de députés supplémentaires qui permet une liste
prééminente qui peut, soit gouverner seule, soit regrouper derrière elle d’autres
listes afin de donner l’assise nécessaire pour gouverner de manière efficace.
- Un double vote de l’électeur lors du premier tour des
élections: un vote pour le candidat élu au scrutin majoritaire à deux tours; un
vote pour la liste nationale du scrutin proportionnel.
- Une liste fermée sans panachage, c’est-à-dire que l’électeur
choisit entre des listes et qu’il ne peut ni changer l’ordre des personnes y
figurant, ni introduire des personnes d’autres listes afin de ne pas affaiblir
le système.
- Un seuil d’éligibilité, c’est-à-dire qui donne droit à des
députés, à partir de 3% ou 4% des suffrages exprimés, ce qui permet une
représentation beaucoup plus juste que si le seuil de 5% ou au-delà, sans pour
autant affaiblir le système par une trop grande dispersion qui serait d’accepter
des élus de listes dès 1% des voix.
- Une seule circonscription nationale et non plusieurs
circonscriptions régionales, ce qui permet une meilleure lisibilité de l’élection
et de ses résultats et évite une dispersion avec des partis politiques qui n’ont
aucune assise nationale.
Pourquoi les
centristes doivent défendre une proportionnelle responsable:
En tant que défenseurs de la démocratie républicaine libérale
et humaniste, les centristes sont pour un système qui fonctionne avec le
principe du juste équilibre.
Celui-ci requiert, entre autres, l’élection des
représentants de la nation le plus juste possible, ce qui ne peut se faire qu’avec
la proportionnelle.
De même, plus la dose de proportionnelle est grande, plus la
légitimité démocratique d’une Assemblée élue est grande.
Bien entendu, cela suppose que la proportionnelle soit
instaurée de telle manière que l’élection produise un résultat qui permet de
gouverner le pays.
En outre, la représentation proportionnelle permet la mise
en place de coalitions plus proches des réalités diverses d’une société.
De ce fait, elle est plus proche de la vision centriste de
la politique.
Pour autant, elle ne doit pas aboutir à un éparpillement
trop important qui rendrait impossible la stabilité nécessaire à un gouvernement
pour être efficace (ce qui ne signifie pas, a contrario, une sur-représentation
extrême d’un parti dominant qui empêcherait toute représentation des petites
formations).
Souvent séparés au cours de l’histoire politique en
plusieurs partis de taille petite ou moyenne, les centristes seraient
bénéficiaires du mode proportionnel.
Cependant, ils ne doivent pas oublier que la proportionnelle
n’est viable que si elle est responsable, donc mise en place avec les
garde-fous nécessaires à ce que les résultats des élections ne tournent pas à l’impossibilité
de gouverner.
Etude du CREC sous la direction d’Alexandre Vatimbella
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