A l’image de son année de campagne, Donald Trump, lors du
débat qui l’a opposé à Hillary Clinton, lundi, a menti une cinquantaine de
fois, a coupé la parole de son adversaire de manière intempestive une vingtaine
de fois, l’a attaquée personnellement sans relâche et n’a pas été capable de se
montrer présidentiable tout en présentant ses propositions de manière
brouillonne.
Après le débat, il a fait ce qu’il fait d’habitude en se
déclarant vainqueur puis, lorsque l’entière médiasphère a dit le contraire, il
a accusé le micro (pour les bruits de sa respiration), le modérateur, les
journalistes, sa «gentillesse» envers Clinton d’être responsable de sa mauvaise
prestation avant de promettre qu’il serait plus méchant pour le deuxième
rendez-vous avec la candidate démocrate.
Le plus incompréhensible et le plus inquiétant, ce n’est pas
son comportement d’égocentrique narcissique utilisant le mensonge et l’insulte
comme principales armes politiques.
Non, c’est que cette contre-performance comme toutes ses
bourdes, ses âneries, ses insultes, ses mensonges et ses bêtises, ne l’ont pas déjà
disqualifié et depuis longtemps dans la course à la présidence selon les
sondages.
D’où cette question que l’on doit désormais se poser: faut-il
désespérer de la démocratie?
Elle n’est pas nouvelle, bien sûr.
Dès son instauration aux Etats-Unis puis en France au XVIII°
siècle, l’interrogation était de mise et pas seulement chez ses adversaires.
On pouvait évidemment se la poser lorsqu’Hitler est arrivé
au pouvoir grâce aux institutions démocratiques.
On pouvait encore plus se la poser à la fin de la Deuxième
guerre mondiale lorsque l’on a découvert les horreurs des crimes nazis.
Et nombre de dirigeants totalitaires ou autoritaires qui ont
conquis le pouvoir ces dernies temps, comme Chavez ou Poutine ont également conquis
le pouvoir dans les urnes.
Le premier a ruiné son pays où l’on ne mange plus à sa fin
et où la malaria est de retour.
Quant au deuxième, il est un danger pour la paix dans le
monde, n’ayant pas hésité, comme vient de le confirmer une commission d’enquête,
à abattre un avion de ligne au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014 et à tuer
sans discernement hommes, femmes et enfants dans les bombardements en Syrie et
même les convois humanitaires de l’ONU.
Et les pleurs sincères de millions de Soviétiques et de
Chinois lors de la mort de Staline et de Mao, deux des trois plus gros bouchers
du XX° siècle avec Hitler, interpellent tous les démocrates, dont les
centristes, qui pensent qu’il faut malgré tout faire confiance au peuple.
Avec Churchill, ils se disent, avec raison, que c’est le
moins mauvais système pour gouverner les humains.
Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut demeurer les
bras croisés en attendant que les dérives de la démocratie la détruisent de
l’intérieur.
Car, contrairement à ce que disent les démagogues et les
populistes avant d’arriver au pouvoir avant de s’attaquer aux libertés et de
trafiquer les élections pour s’y maintenir, le peuple n’a pas toujours raison.
Il lui arrive de se tromper comme lorsqu’il a élu Hitler,
comme lorsqu’il a élu Poutine, comme lorsqu’il risque d’élire Trump ou Le Pen,
porter au pouvoir l’AfD en Allemagne ou l’UKIP en Grande Bretagne.
Donc, à la question, certains attendent le résultat du
scrutin le 8 novembre pour répondre par l’affirmative.
Si Trump est battu, même d’une courte tête, ils pousseront
un ouf de soulagement et clameront partout que la démocratie est plus forte que
les populistes démagogues et que le peuple, dans son infinie sagesse, a su
faire le bon choix.
Un peu comme nous avons réagi en France en 2002 lorsque
Jacques Chirac a écrasé Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la
présidentielle.
Sauf que, depuis, le Front national a remporté les élections
européennes et régionales (même si l’UMP a revendiqué la victoire qu’elle n’a
pu obtenir qu’avec l’appui des centristes).
Sauf que Marine Le Pen est, pour l’instant et selon les
sondages, à coup sûr au deuxième tour.
Faudra-t-il, pour vraiment se réveiller et lutter contre
cette gangrène de la démocratie que sont des démagogues et ces mouvements populistes
que Trump l’emporte puis que, six mois plus tard, ce soit Marine Le Pen?!
Le problème n’est pas l’idée de démocratie républicaine
libérale qui est en cause mais bien son application.
C’est cette dernière qu’il faut repenser avec la mise en
œuvre de mesures pour que le peuple, cette base sur laquelle s’appuie l’idée de
démocratie, soit en capacité de choisir en toute connaissance de cause et de
manière responsable ses dirigeants et non pas des bateleurs d’estrade prêts à
tout pour s’emparer du pouvoir à leur profit ou leurs fantasmes dangereux.
Cela passe par le savoir, c’est-à-dire l’instruction et
l’information.
Force est de constater un certain échec du côté de la
première et une grande irresponsabilité du côté de la seconde.
Mais cela passe également par le respect des uns envers des
autres et de la société envers ses membres.
Sans oublier un personnel politique à la hauteur des enjeux.
Peut-être que c’est demander trop et que l’humain étant ce
qu’il est, la démocratie républicaine est vouée à être un système
systématiquement en danger, survivant grâce à une alchimie miraculeuse dont l’équilibre
peut se rompre à tout moment.
Reste que le désespoir ne peut être de mise lorsque l’on
regarde autour de soi, dans le monde entier, et que l’on voit tant de gens se
battre et mourir pour la liberté que seule la démocratie peut leur offrir.