Ses propos sur les supporteurs de Trump dont beaucoup
seraient, selon elle, des personnes déplorables (ce qui est vrai) et sa
pneumonie, dont elle n’avait pas parlé (et on voit pourquoi avec les réactions
des journalistes), ont valu à Hillary Clinton des attaques virulentes de
beaucoup de médias qui lui reprochent d’avoir insulté les électeurs du candidat
républicain et d’avoir caché la vérité sur sa maladie.
Pendant ce temps, Trump peut continuer à cacher son réel
état de santé (le seul communiqué publié avait été écrit par son équipe de
campagne et signé par son médecin personnel sans qui l’ait vu avec des termes
emphatiques qui n’avaient rien à voir avec la médecine), ses revenus (le
premier candidat à la présidentielle à le faire depuis 40 ans), à insulter tout
ce qui se présente devant lui et qui n’est pas à sa dévotion, les médias ne
semblent plus tellement intéressés à dénoncer ses pratiques dangereuses pour la
démocratie.
Un des derniers exemples en date de cette politique du «double-standard»
a été donné par le journaliste Matt Lauer de la chaîne NBC lors d’un événement
organisé par une association d’anciens combattants à New York où les deux
candidats répondaient, séparément, à des questions.
Alors qu’il s’est acharné sur Clinton à propos de ses
e-mails, il a refusé de contredire Trump lorsque celui-ci a affirmé de manière
mensongère qu’il n’avait jamais soutenu la guerre en Irak de Bush alors que
toutes les preuves ont été publiées depuis longtemps.
Un scandale qui se déroule tous les jours dans les médias
américains pour faire principalement du taux d’audience en présentant cette
campagne comme un règlement de compte entre Clinton et Trump.
Il est ainsi inadmissible de lire, journalistiquement parlant,
sous la plume de Zeke Miller du magazine Time qu’Hillary Clinton est
«ennuyante» quand elle ne s’attaque pas à Trump.
Penser qu’une campagne présidentielle doit être un match de
catch où l’on s’insulte allègrement pour être intéressante est pathétique.
Voilà le degré zéro du journalisme dont beaucoup de
journalistes se rendent complices tous les jours.
Car il n’est pas possible d’écouter Trump débiter ses
mensonges sans les pointer, ce que les médias font épisodiquement puis passent
à autre chose comme si les diatribes du promoteur newyorkais faisaient partie
d’une campagne électorale normale et n’étaient que des épiphénomènes qui
devaient être oubliés dès qu’elles sont proférées.
Il suffit de lire l’éditorial du journaliste politique
respecté David Remnick dans le magazine New Yorker dont il est le rédacteur en
chef pour prendre la mesure du problème (* le lire ci-dessous).
Cela ne signifie pas que les médias aiment Trump ou le
trouvent crédible, voire capable d’être président, loin de là.
Ce serait même plutôt le contraire.
Alors, pourquoi risquer de faire élire un populiste
démagogue pathologiquement menteur en s’en prenant violemment et constamment à
la candidate démocrate?
Par antipathie…
Car ces attaques contre Clinton et la mansuétude envers
Trump sont encore une fois la démonstration de cette volonté des médias de
régler les comptes avec Clinton.
Une volonté qui remonte à plus de vingt ans quand elle était
la première dame des Etats-Unis et qu’ils s’estimaient maltraités par elle sans
que les preuves existent de ce comportement inamical de sa part et qu’ils ne
supportaient pas le fait qu’elle veuille faire de la politique quand elle
aurait du être la potiche à côté de son mari.
Cette hostilité avait resurgie de manière particulièrement
forte et indigne de professionnels de l’information en 2008 lors de la primaire
démocrate.
Nombre de personnes, dont beaucoup qui n’étaient pas de son
camp, notamment de l’équipe de campagne d’Obama d’alors, s’étaient émus à l’époque
et a posteriori, de la grossièreté et de la méchanceté de a presse son égard
dont beaucoup avait à voir avec de la misogynie de bas étage, de ragots et d’insinuations
médisantes qui n’avaient rien à voir avec sa candidature.
Celle-ci s’est bien évidemment réveillée en 2015 lorsqu’elle
a annoncé sa candidature pour la présidentielle de cette année.
Cette animosité médiatique se renforce par une autre
tendance notée dans les démocraties, le désir de changement des journalistes.
Une présidence Clinton serait, selon les médias, la
continuation de la présidence Obama.
Pas très glamour et nouveau même si cela permettait d’avoir
la première présidente du pays d’autant que Clinton est dans la sphère publique
depuis les années 1970.
En revanche, une présidence Trump, voilà qui serait de la
nouveauté.
Pourtant des journalistes courageux dans des médias lucides
ont dénoncé les partis-pris, les manquements à la déontologie journalistique de
base et les comportements scandaleux de leurs confrères et ils sont de plus en
plus nombreux.
Mais cela ne change pas grand-chose, tellement l’irresponsabilité
et l’hubris (mélangés souvent avec de l’incompétence) des journalistes sont
puissants aux Etats-Unis.
Quand on voit la couverture médiatique de l’élection
américaine en France, on se dit que ce mal ne touche pas cette profession qu’outre-Atlantique…
Tout ce que l’on peut espérer maintenant, c’est que le
cirque médiatique face place à une réelle information et que les trois débats
entre Clinton et Trump ainsi que celui de leurs colistiers respectifs, Kaine et
Pence, remettent la politique au premier plan et les projets des deux candidats
– si tant est que Trump en ait un de construit – pour que les Américains
choisissent en toute connaissance de cause.
Ce serait la honte des médias et des journalistes si leur
acharnement contre Clinton et leur recherche obsessionnelle du taux d’audience
ainsi que de la nouveauté parce que ça ce vend mieux et, donc, d’un parti-pris,
d’un biais dans le traitement des deux candidats et de la création d’événements
à partir de faits sans grandes importances pour contenter des citoyens plutôt
vus comme des clients consommant de l’information, faisait élire un homme
dangereux comme Trump à la Maison blanche.
Alexis de Tocqueville expliquait que les dangers réels de la
liberté de la presse n’étaient pourtant rien face aux bienfaits qu’elle
apportait dans une société.
Il avait raison à son époque même si tout n’était déjà pas
rose dans le monde de l’information.
Cependant, il oubliait que cette information quand elle
touche des domaines comme la politique, l’économique ou le sociétal n’est pas
un bien comme un autre dans une démocratie républicaine où c’est le peuple qui
choisit ses dirigeants.
Elle est une des pierres angulaires du système pour que
celui-ci fonctionne correctement et que les choix des citoyens soient effectués
en complète responsabilité et en toute connaissance de cause.
Non seulement on en est loin dans beaucoup de pays mais le
pire est que l’on s’éloigne de l’objectif plutôt que l’on s’en rapproche,
notamment depuis l’apparition des chaines d’information en continue et le web.
Et la couverture médiatique de cette élection présidentielle
américaine en est une des preuves et peut-être, malheureusement, l’exemple de
ce qui va se passer dans les années qui viennent un peu partout dans les nations
démocratiques.
(*) Editorial de David
Remnick dans le New Yorker du 2 septembre 2016
Ces dernières semaines, nos
journalistes et contrôleurs de l’exactitude des faits (fact-checkers) ont
travaillé sur une série de reportages concernant l'échelle et la profondeur des
mensonges de Donald Trump.
Les présidents et leurs
mensonges se finissent bien trop souvent en désillusion, en procès ou dans le
sang. Lister les plus grands succès des mensonges fabriqués par Bureau Ovale fait
frissonner face au culot effronté de leurs orateurs:
«La première bombe atomique a
été larguée sur Hiroshima, une base militaire. C'était parce que nous avons
voulu lors de cette première attaque éviter, dans la mesure où possible, la
mort de civils.» (Truman)
«Je ne suis pas un escroc.»
(Nixon)
«Malgré les histoires largement
spéculatives et fausses concernant l’échange d'armes contre des otages et de
présumés paiements de rançon, nous n’avons pas – je le répète, n’avons pas –
échangé des armes ou quoi que ce soit d’autre pour des otages. Ni nous le ferons.»
(Reagan)
«Lisez mes lèvres. Aucun
nouvel impôt.» (George H Bush)
«Je veux que vous m'écoutiez.
Je vais ceci dire de nouveau. Je n'ai jamais eu de rapports sexuels avec cette
femme, mademoiselle Lewinsky.» (Bill Clinton)
«Nous avons trouvé les armes
de destruction massive. Nous avons trouvé des laboratoires biologiques.»
(George W Bush)
Aucun Président n'a pas menti,
même Lincoln. L’honnêtre Abe a dit, «je n'ai aucun but, direct ou indirect, à
me confronter à l'institution de l'esclavage dans les États où il existe. Je
crois que je n'ai aucun droit de faire ainsi et je n'ai aucune inclination de le
faire.»
Mais parfois il y a vraiment
quelque chose de nouveau sous le soleil politique. Donald Trump, le candidat républicain
à la présidentielle, ne lutte pas tellement avec la vérité, il l'étrangle. Il ment
pour éviter. Il ment pour enflammer. Il ment pour se promouvoir et se pavaner.
Parfois il semble mentir juste pour le plaisir. Il trafique dans les théories
du complot qu'il ne doit probablement pas croire et dans des promesses
grotesques qu'il ne pourra pas remplir. Quand il est découvert, il change de
sujet – ou ment encore plus.
Nous ne sommes pas les seuls à
remarquer cette caractéristique de Trump. Cela a été la préoccupation centrale
d'une grande partie du journalisme décent produit l'année passée. La capacité
de Trump pour mentir inspire, à part égale, crainte et dégoût. Même les
journalistes élevé dans l'ère de Nixon ne peuvent pas être autre chose qu’impressionnés.
La comptabilité est révélatrice mais exige une mise à jour quotidienne. Des
sites vérifiant la véracité des propos comme Politifact se sont concentrés sur
la question comme beaucoup d’excellents journalistes du Washington Post et New
York Times.
Trump, lui-même, est
parfaitement conscient de ses comportements en la matière. Dans «L’'Art de
l'Accord», un livre qu’il prétend faussement avoir écrit, il se présente comme
un maître «de l'hyperbole véridique»:
«Vous devez comprendre d'où
je venais. Tandis qu'il y a des gens certainement honorables dans l'activité
immobilière, j'ai été plus habitué à la sorte de gens avec qui vous ne voulez
pas gaspiller l'effort d'une poignée de main parce que vous savez que c'est
vide de sens.»
Ces phrases, comme toutes les
phrases dans «l'Art de l'Accord», ont été écrites de «nègre» Tony Schwartz, qui
récemment, dans ces pages, a dénoncé Trump comme «pathologiquement peu familier
avec la notion de vérité». «La mensonge est sa deuxième nature», a dit Schwartz
à Jane Mayer. «Plus que quiconque que je n'ai jamais rencontré, Trump a la
capacité de se convaincre que quoi qu'il dise à n'importe quel moment est vrai,
ou vrai d’une certaine manière ou au moins se doit d’être vrai.»
Ces dernières semaines, nos
journalistes ont produit une série de reportages sur Trump et le mensonge.
Personne ne suggère ici que Trump soit le seul politicien à jamais lâcher un
truc énorme. En fait, Hillary Clinton a eu ses moments éhontés qui sont décrits
avec trop de bonté comme «précautionneux». Mais, dans l'échelle et dans la
profondeur de ses mensonges, Donald Trump est dans une autre catégorie; (…) (et
sa pratique) semble ne connaître aucune limite et certainement aucune honte.
Sondages
des sondages au 14 septembre 2016
|
Clinton en
tête dans tous les sondages des sondages
|
|
Clinton
|
Trump
|
Ecart
|
Election projection
|
46,0%
|
42,7%
|
Clinton 3,3
|
Five Thirty Eight (1)
|
42,3 %
|
38,8%
|
Clinton 3,5
|
Huffington Post
|
46,6%
|
42,2%
|
Clinton 4,4
|
New York Times
|
44,0%
|
41,0%
|
Clinton 3,0
|
Polltracker TPM
|
43,8%
|
40,3%
|
Clinton 3,5
|
Pure Polling
|
46,6%
|
42,1%
|
Clinton 4,5
|
Real Clear Politics
|
45,8%
|
43,4%
|
Clinton 2,4
|
270 to win (1) (2)
|
45,6%
|
42,8%
|
Clinton 2,8
|
(1) Prend en
compte 3 candidatures (+ Gary Johnson – Libertarian party)
(2) Prend en
compte un mois de sondage alors que les autres prennent
en compte autour de 15 jours
de sondages
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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Présidentielle USA 2016
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