Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à
cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
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Donald Trump & Nicolas Sarkozy |
Comme pour les plébiscites ou le pouvoir absolu de la
majorité, les centristes se sont toujours méfiés des hommes providentiels.
C’est leur profond attachement à la démocratie libérale et à
la république.
En France, lorsque la V° République est devenu ce régime
présidentiel – certains parlent faussement de régime semi-présidentiel – après
l’adoption du suffrage universel pour élire le président (aidé en cela par le scrutin
majoritaire pour les législatives), beaucoup de centristes se sont inquiétés
pour le fonctionnement démocratique.
Aux Etats-Unis – régime présidentiel par excellence – même
si l’élection du président se fait au suffrage universel, il devait être, ce
que l’on oublie trop souvent, tempéré par le fait que ce sont des délégués qui,
dans un système à deux étages, élus par les Américains, votent pour élire le
président.
Si cette procédure est devenue obsolète tout autant que,
dans le même temps, la présidentialisation du régime s’est continuellement accrue
au cours de 240 ans de l’histoire du pays (on a parlé à l’époque de Nixon de la
«présidence impériale»), elle traduisait, de la part des Pères fondateurs des
Etats-Unis, dont beaucoup étaient des centristes, une très grande crainte
vis-à-vis du pouvoir d’un seul et ils souhaitaient que celui-ci soit très
encadré.
C’est pourquoi, également, les pouvoirs du Congrès et de la
Cour suprême devaient contrebalancer ceux du président.
Aujourd’hui, les présidents de la France et des Etats-Unis
ont de grands pouvoirs, trop grands sans doute même si le monde dans lequel
nous vivons impose un exécutif assez fort pour réagir assez vite à toute
situation délicate et/ou d’urgence.
Mais cette extension des pouvoirs présidentiels est d’autant
plus dangereuse quand des candidats au poste suprême de la république désirent
le pouvoir pour le pouvoir et sont capables de dérapages inquiétants pour le
conquérir ou pour le garder.
En cette année électorale aux Etats-Unis et pré-électorale
en France, les personnages de la trempe dont on vient de parler sont
malheureusement assez nombreux dans les deux compétitions.
Aux Etats-Unis où les primaires de chaque parti ont déjà eu
lieu, il y a évidemment Donald Trump mais il y a eu, côté républicain,
également Marco Rubio ou Chris Christie (Ted Cruz, si dangereux était-il avait
bien un projet politique construit).
En France, nous avons le duo d’extrémistes populistes,
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, Arnaud Montebourg, Jean-François Copé et
quelques sous-fifres de LR candidats à sa primaire ainsi que, bien sûr, Nicolas
Sarkozy qui vient de se déclarer candidat à la candidature.
Si l’on peut rapprocher les comportements et les positions
de Donald Trump et ceux de Marine Le Pen, tous deux populistes démagogues
surfant les sentiments les plus vils de leurs fans, le profil d’autolâtres
narcissiques et égocentriques fascinés par la gloire, le pouvoir et l’argent rapproche
sans conteste le magnat de l’immobilier américain et l’ancien président
français.
En outre, Trump comme Sarkozy – mais aussi Le Pen – jouent sans
vergogne et sans aucun problème de conscience sur les peurs et les angoisses de
leurs compatriotes pour tenter de gagner leurs votes.
D’autre part, comment oublier que Nicolas Sarkozy ait pu
déclarer à propos de Trump: «Regardez ce que donnent aux Etats-Unis les
candidats soutenus par l’establishment et les médias, ils sont balayés par les
candidats du peuple. (…) vous verrez ce que cela donnera en France en novembre
(ndlr: lors des primaires de LR)».
«Du peuple» et non «populiste», comme il se veut lui aussi,
ce candidat «anti-système».
Car, ajoutait-il, Trump «traduit le rejet d'une pensée
unique qui stérilise le débat aux Etats-Unis comme en France».
Et son sbire préféré, Brice Hortefeux, d’ajouter, en parlant
de la stratégie du candidat républicain: «Cela montre qu’on ne gagne pas au
centre, avec une campagne aseptisée, mais en clivant».
Les militants sarkozystes auront beau jeu de dire que leur
champion a mis – provisoirement? – de l’eau dans son vin à propos de Trump, le
critiquant pour ses propos outranciers.
Mais cela n’enlève rien à cette proximité dans l’approche d’une
élection et la vision du pouvoir.
C’est pourquoi, comme l’écrit si souvent Alexandre
Vatimbella, les centristes doivent faire barrage aux Etats-Unis à Donald Trump
et, en France, à Nicolas Sarkozy.
Pas pour ce qu’ils sont mais pour le danger qu’ils
représentent pour la démocratie dans leur fringale de pouvoir et dans leur assurance
absolue qu’ils sont supérieurs à tous leurs congénères humains qui fait, par
exemple, que c’est eux seuls qui feront le changement et non le pays ou même
une équipe gouvernementale, montrant ainsi leur volonté de toute-puissance et
leur proximité inquiétante avec la psychologie des autocrates.
Les centristes n’ont rien à faire avec ceux qui veulent
confisquer le pouvoir pour leurs ambitions personnelles d’un côté ou de l’autre
de l’Atlantique.
Jean-François Borrou