dimanche 7 août 2016

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Macron finira-t-il centriste?

Le nombre de gens de gauche qui ont tourné casaque et ont fini à droite n’est pas négligeable ainsi que Jacques Brel l’a si bien chanté dans «Les Bourgeois».
L’opposé est beaucoup plus rare, Mitterrand étant sans doute un des seuls cas notable, s’il est réellement devenu un homme de gauche…
Bizarrement, moins nombreux sont ceux qui se sont encartés dans un parti centriste.
Quoiqu’il en soit, on peut évidemment et pertinemment s’interroger afin de savoir si ce mouvement touchera Emmanuel Macron?
Sa «dérive droitière» saluée par les uns, condamnée par les autres, va-t-elle le rapprocher du Centre, voire de la Droite dans les années qui viennent?
A périodes répétées, les leaders de l’UDI, à la fois par jeu politique mais également par proximité avec ses positionnements, l’appellent à rejoindre leurs rangs.
On pourrait dire que l’hostilité de François Bayrou à l’encontre d’Emmanuel Macron en est une preuve supplémentaire.
Le leader du MoDem voit dans le ministre de l’Economie un rival qui pourrait piétiner les plates-bandes qu’il a patiemment entretenues ces dernières années en vue de son objectif final, l’Elysée.
L’exemple d’un des pères politiques du ministre de l’Economie peut nous servir pour répondre à cette question.
Michel Rocard, «vrai» socialiste, ce qui n’est pas exactement le cas de Macron, malgré ses «dérives droitières» et ses critiques répétées sur l’irresponsabilité, et l’archaïsme du PS ainsi que son programme économique chimérique, n’a jamais franchi le pas alors même qu’il aurait pu trouver dans le Centre, l’espace politique bien mieux adapté à ses thèses.
Et, pour appuyer la pertinence de cette comparaison, il faut avouer qu’Emmanuel Macron a toujours affirmé qu’il était de gauche, notamment lors de son grand meeting de La Mutualité à Paris, le 12 juillet dernier.
Sans mettre en doute ses déclarations, son positionnement en tant que «social-libéral» contredit, pour une large part, ses dires sur son solide ancrage à gauche de l’échiquier politique.
Sa défense du libéralisme – qu’il prétend être de gauche comme le philosophe John Rawls – ainsi que de la responsabilité individuelle et de la réussite entrepreneuriale sans oublier évidemment sa base idéologique qui privilégie la liberté sur l’égalité, cette dernière étant une égalité d’opportunités et non de condition comme la vision égalitariste du PS, le rend nettement plus centro que socialo-compatible.
Même son progressisme (et sa condamnation du conservatisme), qui est le moteur de son action politique, ressemble plus à un réformisme centriste que de gauche.
Néanmoins, sa volonté de moderniser la Gauche, but qu’il partage avec Michel Rocard, le ramène vers le PS.
D’autant qu’il trouve là un parti politique autrement mieux structuré et autrement plus influent que les formations centristes.
Et puis, très concrètement, son ambition politique est trop grande pour ce que sont ces formations centristes aujourd’hui.
Aurait-il pu hésiter, comme l’a fait Laurent Fabius dans les années 1970, entre rejoindre le PS ou l’UDF (l’ancien premier ministre de Mitterrand choisit en définitive la gauche parce que les places étaient plus faciles à prendre…), si un parti centriste fort et puissant existait aujourd’hui?
Sans doute que oui mais nous ne sommes pas dans la politique fiction.
Pourrait-il alors créer à partir de son mouvement En marche, une structure partisane qui prendrait place entre le PS et l’UDI et le MoDem, de centre-gauche voire du Centre tout court?
Il semble que ce soit un des possibles qui s’offre à lui, peut-être même le plus évident.
Ainsi, sans rejoindre formellement le Centre, il se positionnerait de facto au centre tout en continuant à évoquer ses racines de gauche ce qui lui permettrait de réaliser ce que son mentor, Rocard, n’a jamais réussi à faire: moderniser la Gauche mais aussi l’ensemble du paysage politique français.
C’est un pari risqué, pas du tout assuré de succès ni même de trouver un espace suffisant pour s’épanouir et devenir une force qui compte dans les années à venir.
Cependant, à moins de pouvoir prendre le pouvoir au PS, ce qui semble être de l’ordre du fantasme actuellement, il ne lui reste que l’espace à droite de celui-ci à investir.
Et il n’est pas très éloigné du Centre.