Le nombre de gens de gauche qui ont tourné casaque et ont
fini à droite n’est pas négligeable ainsi que Jacques Brel l’a si bien chanté
dans «Les Bourgeois».
L’opposé est beaucoup plus rare, Mitterrand étant sans doute
un des seuls cas notable, s’il est réellement devenu un homme de gauche…
Bizarrement, moins nombreux sont ceux qui se sont encartés
dans un parti centriste.
Quoiqu’il en soit, on peut évidemment et pertinemment
s’interroger afin de savoir si ce mouvement touchera Emmanuel Macron?
Sa «dérive droitière» saluée par les uns, condamnée par les
autres, va-t-elle le rapprocher du Centre, voire de la Droite dans les années
qui viennent?
A périodes répétées, les leaders de l’UDI, à la fois par jeu
politique mais également par proximité avec ses positionnements, l’appellent à
rejoindre leurs rangs.
On pourrait dire que l’hostilité de François Bayrou à
l’encontre d’Emmanuel Macron en est une preuve supplémentaire.
Le leader du MoDem voit dans le ministre de l’Economie un
rival qui pourrait piétiner les plates-bandes qu’il a patiemment entretenues
ces dernières années en vue de son objectif final, l’Elysée.
L’exemple d’un des pères politiques du ministre de
l’Economie peut nous servir pour répondre à cette question.
Michel Rocard, «vrai» socialiste, ce qui n’est pas
exactement le cas de Macron, malgré ses «dérives droitières» et ses critiques
répétées sur l’irresponsabilité, et l’archaïsme du PS ainsi que son programme
économique chimérique, n’a jamais franchi le pas alors même qu’il aurait pu
trouver dans le Centre, l’espace politique bien mieux adapté à ses thèses.
Et, pour appuyer la pertinence de cette comparaison, il faut
avouer qu’Emmanuel Macron a toujours affirmé qu’il était de gauche, notamment
lors de son grand meeting de La Mutualité à Paris, le 12 juillet dernier.
Sans mettre en doute ses déclarations, son positionnement en
tant que «social-libéral» contredit, pour une large part, ses dires sur son solide
ancrage à gauche de l’échiquier politique.
Sa défense du libéralisme – qu’il prétend être de gauche
comme le philosophe John Rawls – ainsi que de la responsabilité individuelle et
de la réussite entrepreneuriale sans oublier évidemment sa base idéologique qui
privilégie la liberté sur l’égalité, cette dernière étant une égalité d’opportunités
et non de condition comme la vision égalitariste du PS, le rend nettement plus
centro que socialo-compatible.
Même son progressisme (et sa condamnation du conservatisme),
qui est le moteur de son action politique, ressemble plus à un réformisme
centriste que de gauche.
Néanmoins, sa volonté de moderniser la Gauche, but qu’il
partage avec Michel Rocard, le ramène vers le PS.
D’autant qu’il trouve là un parti politique autrement mieux
structuré et autrement plus influent que les formations centristes.
Et puis, très concrètement, son ambition politique est trop
grande pour ce que sont ces formations centristes aujourd’hui.
Aurait-il pu hésiter, comme l’a fait Laurent Fabius dans les
années 1970, entre rejoindre le PS ou l’UDF (l’ancien premier ministre de
Mitterrand choisit en définitive la gauche parce que les places étaient plus
faciles à prendre…), si un parti centriste fort et puissant existait
aujourd’hui?
Sans doute que oui mais nous ne sommes pas dans la politique
fiction.
Pourrait-il alors créer à partir de son mouvement En marche,
une structure partisane qui prendrait place entre le PS et l’UDI et le MoDem,
de centre-gauche voire du Centre tout court?
Il semble que ce soit un des possibles qui s’offre à lui,
peut-être même le plus évident.
Ainsi, sans rejoindre formellement le Centre, il se
positionnerait de facto au centre tout en continuant à évoquer ses racines de
gauche ce qui lui permettrait de réaliser ce que son mentor, Rocard, n’a jamais
réussi à faire: moderniser la Gauche mais aussi l’ensemble du paysage politique
français.
C’est un pari risqué, pas du tout assuré de succès ni même
de trouver un espace suffisant pour s’épanouir et devenir une force qui compte
dans les années à venir.
Cependant, à moins de pouvoir prendre le pouvoir au PS, ce
qui semble être de l’ordre du fantasme actuellement, il ne lui reste que
l’espace à droite de celui-ci à investir.
Et il n’est pas très éloigné du Centre.