gouvernement Rocard en 1988 avec de nombreux centristes |
Personnalité socialiste brillante et aux idées originales
voire iconoclastes dans les années 1960-1980, il avait réussi à être le premier
ministre de François Mitterrand, ce dernier ayant été obligé de le nommer alors
qu’il n’avait que haine et mépris pour l’homme qui avait osé vouloir lui
prendre le Parti socialiste.
Il faut dire que Rocard n’avait pas hésité à traiter
Mitterrand d’archaïque et avait osé le défier en se présentant à la
présidentielle de 1981 avant de piteusement se retirer lorsque ce dernier
s’était déclaré candidat.
Michel Rocard restera sans doute celui qui aura tenté et
réussi en partie à réformer la gauche en faisant du courant socialiste qu’il
représentait – une «deuxième gauche» attachée au marché – un courant politique
plus proche du réel que d’une idéologie étriquée et à influencer plus ou moins
le vieux socialisme.
Il traversa le premier septennat mitterrandien complètement
marginalisé et dut son retour en grâce à la volonté de Mitterrand de gagner la
présidentielle de 1988 au centre.
Devenu Premier ministre, il accueille dans son gouvernement
de très nombreux centristes comme Michel Durafour, Jacques Pelletier, Olivier
Stirn, Lionel Stoléru, Jean-Pierre Soissons, Bruno Durieux, Hélène Dorlhac ou
Jean-Marie Rausch.
Ce qui prouve bien que le Centre n’est pas inféodé
«naturellement» à la Droite même dans la V° République…
Mais cette ouverture au centre qui était la promesse faite
par Mitterrand aux électeurs lors de la campagne présidentielle, fut sans
lendemain (même si certains centristes demeurèrent dans les gouvernements
d’Edith Cresson et de Pierre Bérégovoy) et apparut in fine pour une large part
comme une opération politicienne.
Ce qui plaisait chez Rocard aux centristes, c’était cette
volonté de se confronter au réel et de vouloir réunir le marché et la justice
sociale.
D’où beaucoup de démocrates chrétiens catholiques qui furent
séduits par ce protestant.
Malgré tout, Rocard est toujours resté bien ancré à gauche
avec, ces derniers temps, des relents doctrinaires qui lui faisaient critiquer
ses héritiers déclarés comme Emmanuel Macron et, surtout, Manuel Valls qui
pourtant fut un rocardien 100% jusque dans les contradictions de cette pensée
politique.
Il faut dire que Valls et surtout Macron n’hésitent pas à s’attaquer
de front et avec courage à cette gauche surannée et périmée alors que Rocard
demeura toujours un militant discipliné dans les faits.
In fine ses maladresses politiques et ses incapacités à être
un vrai leader n’ont pas permis à la gauche de vraiment quitter son archaïsme ainsi
que son cynisme envers le pouvoir, illustrés jusqu’à la caricature par un
François Hollande qui louvoie constamment en mitterrandisme et rocardisme…
L’amertume de la fin de sa carrière politique et de sa vie
ternit un peu le personnage.
Lui qui avait voulu défier la vieille gauche en la personne
de François Mitterrand s’était fait rouler dans la farine par ce dernier qui
avait récupéré, en partie, ses idées pour se faire réélire en 1988.
Il lui en vouait une rancœur immature et une détestation
inextinguible, se répandant en constante récriminations tout en se posant en victime
innocente d’un système que pourtant, lui aussi, utilisait pour ses visées
personnelles mais qu’il n’a pas toujours maitrisé correctement et c’est un
euphémisme de dire cela.
Ce comportement est bien dommage vu ses capacités mais
montre les limites d’une stratégie et d’une ambition.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeurs des études du CREC