Les réactions des centristes français à la sortie de la
Grande Bretagne de l’Union européenne ont été quelque peu différentes même si
toutes pointent la nécessité d’initiatives en faveur d’un projet renforcé.
- Jean-Christophe Lagarde (président de l’UDI) est demeuré
fidèle à sa vision fédéraliste de l’Europe et à sa demande d’une UE à deux
vitesses, l’une basée sur le grand marché unique, l’autre sur ce grand marché
avec une union politique renforcée.
Il a même, dans un tweet, appelé à laisser la porte ouverte
à l’Ecosse qui a voté très majoritairement en faveur de l’Union européenne et qui
devrait organiser un référendum dans les deux ans qui viennent pour proclamer
son indépendance mais aussi à l’Irlande du Nord dont l’UE est garante des
accords de paix passé entre les communautés protestantes et catholiques et qui
a également voté fortement en faveur d’un maintien.
Mais il a également publié un long «appel» intitulé «L’Europe
au pied du mur» (voir le texte en entier ici):
«(…) Que le Brexit l'ait emporté ou pas est relativement
secondaire, car l'Europe était de toute façon au pied du mur. Alors que l'UDI a
toujours défendu une vision fédéraliste de l'Europe, le bal des hypocrites
s'ouvre aujourd'hui sur son avenir. Mais que de temps et d'occasions perdus. Avec
ou sans la Grande Bretagne, 27 ans après l'effondrement du rideau de fer, 24
ans après le Traité de Maastricht, 14 ans après la naissance de l'Euro,
l'Europe est menacée de mort. (…) Les extrémistes de droite et de gauche, les
europhobes en tout genre et ceux qui ne s'étaient que résignés à subir
l'Europe, en profitent pour faire croire que l'achever rendrait à nos peuples
liberté, prospérité et sécurité. C'est un énorme mensonge! Mais surtout ce serait
une faute tragique que paieraient très cher les deux ou trois générations à
venir. (…) Dés 1995, le Président Giscard d’Estaing montrait clairement que le
changement de dimension de l'Europe devait changer sa nature. Elle devait
nécessairement devenir double, une Europe espace (économique) et une Europe
puissance (politique). (…) Tout est-il perdu ? Non! Car l'Europe reste la
condition absolue pour garantir la paix sur notre continent, l'instrument
indispensable pour ne pas subir la loi des grands ensembles mondiaux qui nous
font face, l'outil nécessaire pour nous protéger contre les dangers que nous
font courir nos voisins géographiques, le seul projet qui donnerait à chacun de
nos pays le poids nécessaire pour ne pas subir la mondialisation mais en
profiter. (…) La famille politique que je dirige a toujours porté un projet
fédéraliste qui est aujourd'hui devenu une nécessité urgente. (…) L'Europe peut
être remise sur les rails si un nouveau traité définit clairement qu'en plus de
l'espace économique créé par l'Union Européenne, nous créons une Europe fédérée
destinée à nous protéger et nous rendre plus fort face au reste du monde. (…) L'Europe
n'est pas morte, mais elle peut mourir et nous entraîner dans sa chute si on ne
lui donne pas désormais sa vraie signification, sa réelle légitimité, celle de
nous donner les moyens de défendre nos intérêts, notre sécurité et nos modes de
vie.»
- François Bayrou (président du Mouvement démocrate) est
apparu dans l’ambivalence voire le paradoxe, comme il l’est depuis plusieurs
années vis-à-vis de l’Union européenne, appelant à la renforcer grâce à «des
réactions d’hommes d’Etat, pas des gens qui veulent suivre l’opinion, mais des
gens qui regardant les choses en face, qui proposent un chemin et un projet»
tout en expliquant qu’il n’avait «pas peur de l’expression du peuple, il y a
beaucoup de gens qui craignent le peuple, moi non».
Et de poursuivre en ce sens: «Si j’étais élu Président de la
République, je dessinerais avec et pour les Français un projet européen qu’un
jour où l’autre il faudrait soumettre aux Français. L’idée dans laquelle on
s’est enfermé depuis des décennies, le péché originel de cette immense,
positive et grande aventure historique que les nations européennes ont décidée
après s’être faits la guerre, l’idée était que cela devait se passer sans que
les peuples n’y interviennent trop parce que l’on n’avait pas confiance dans
les peuples».
- Laurent Hénart (président du Parti radical) a publié un
communiqué dans lequel il estime que «Ce vote fragilise une Europe en proie au
populisme et nous devons réagir pour qu'elle n'en soit pas la victime. Les
négociations de sortie du Royaume-Uni doivent être rapides et fermes pour
consolider l'Europe et non la déliter. Deux erreurs lui seraient en effet
fatales: rester dans la confusion ou faire comme si de rien n'était. Il doit
être clair qu'il n'est pas possible d'être en dehors de l'Union Européenne et
de vouloir bénéficier des avantages de ceux qui y appartiennent».
- Philippe Vigier (président du groupe UDI à l’Assemblée
nationale et membre du Nouveau centre) a déclaré que «Ce résultat va
malheureusement nourrir la défiance à l'égard de l'Union européenne, les
égoïsmes nationaux et conforter celles et ceux qui, en France comme partout en
Europe, prônent la sortie de l'Europe et le repli sur soi. (…) Malgré le choix
du Royaume-Uni, l'Union européenne reste, pour la France, le seul moyen pour
mieux protéger les Françaises et les Français des crises que nous traversons. Aussi,
ce résultat exige que la France soit de nouveau le moteur de la construction
européenne (…). Il y a urgence à doter l’Union européenne d’un véritable
leadership clairement identifié et désigné de manière démocratique : un
président de l’Europe doit être choisi par les citoyens et les citoyennes
européens. Il faut également faire le pari du fédéralisme avec les pays qui y
sont prêts. Nous considérons qu’il y a urgence dans quatre domaines: une
politique étrangère et de défense commune, afin de mettre sur pied une force
d'intervention européenne, une politique commune de sécurité intérieur, une
politique migratoire et d'asile commune et une politique économique et
budgétaire commune».
- Sylvia Pinel (présidente du PRG) a été la plus européenne
du lot en déclarant qu’«Il est temps désormais d'emprunter la voie du
fédéralisme, aux côtés de nos partenaires partageant cette même volonté. Le
processus d'intégration par cercle doit donc être lancé au plus vite autour
d'un noyau dur composé du couple franco-allemand et des pays fondateurs. La
France doit, plus que jamais, assumer ses responsabilités et redevenir un élément
moteur».
- Jean-Pierre Raffarin (centriste de LR) a estimé, lors d’une
interview, «que c’est une décision d’une extrême gravité. Je pense que c’est un
coup d’une grande puissance porté à l’Europe. Il est tellement plus facile de
déconstruire que de construire, que je suis inquiet sur les capacités de
refondation de l’Europe. (…) Les conséquences pour la France sont les mêmes que
pour l’Europe. C’est le risque de perdre une crédibilité internationale forte,
d’abord par l’échec politique de la construction européenne pour lequel la France
n’est pas innocente. (…) Je pense que l’Europe paie surtout le fait que les
politiques, les élus de chaque pays n’assument pas la construction européenne.
Le fond de l’affaire, c’est que l’Europe c’est nous. Mais ce nous n’est pas
assumé par les Etats membres. (…)Je souhaite qu’on ait vraiment un élan
bâtisseur. Il faut trouver un lien avec les peuples, de l’efficacité
économique, la paix, de la solidarité européenne, il y a les questions de
sécurité. Nous avons clairement besoin d’une Europe solidaire (…)»
- Jean-Marie Cavada (président du Mouvement européen France)
a précisé qu’«On voyait bien que depuis plusieurs années, un mouvement assez
profond s'organisait un peu partout en Europe. On voyait bien qu'il y avait une
fracture énorme entre une partie de la population et ce que l'on pourrait
appeler les institutions européennes. (…) Si vous voulez remuscler l'Europe, il
faudra que ce sujet soit dans la prochaine campagne électorale extrêmement
exigeante. Il faut mettre de l'ordre. Nous sommes profondément européen, mais
c'est maintenant l'Europe en mieux qu'il nous faut et pas l'Europe des normes
et tatillonne que nous avons depuis une vingtaine d'années.»
- Jean Arthuis (président de l’Alliance centriste) avait
déclaré, juste avant le vote que «Quoi qu’il arrive, il va falloir que l’Europe
cesse d’être un nain politique. L’urgence c’est de renforcer la zone euro, lui
donner un gouvernement économique, financier, budgétaire, une direction du
trésor, une chambre de la zone euro et puis viendra qui voudra. L’urgence,
c’est de permettre aux Européens de prendre en main eux-mêmes le devenir de
l’Union européenne».