Il s’est résolu à ne pas se présenter à l’élection
présidentielle pour ne pas donner un avantage à Donald Trump et parce
qu’Hillary Clinton sera la candidate du Parti démocrate.
Mais cela n’empêche pas le centriste Michael Bloomberg de
continuer son combat contre le populisme et la démagogie que représentent selon
lui, et Donald Trump du côté républicain, et Bernie Sanders du côté démocrate.
Ainsi, dans une tribune publiée sur «Bloomberg view»,
adaptée d’une adresse aux nouveaux diplômés de l’université du Michigan,
l’ancien maire de New York estime que «Nous assistons à un changement
inquiétant dans la nature de la politique américaine: une hausse de l'esprit
partisan extrême et de l'intolérance sur d'autres points de vue.
» En politique, je suis un ‘indépendant’, mais au cours de
ma vie, pour des raisons non idéologiques, j’ai été républicain et démocrate. Donc,
je peux vous le dire: aucun des partis n'a le monopole des bonnes idées, et chacun
diabolise l'autre de façon injuste et malhonnête.
» Ce ne sont pas des phénomènes nouveaux, mais ils ont atteint
un nouveau niveau dangereux. George Washington avait mis en garde contre les
dangers des partis, mais nous avons survécu plus de 200 ans aux partis
politiques essentiellement parce que les Pères fondateurs avaient créé des
freins et contrepoids pour tempérer les feux de l’esprit partisan. Bien sûr,
ils ont également exclu la plupart des Américains de leur vision de la démocratie
parce qu'ils craignaient ce que la démocratie pourrait produire. Mais au cours
des deux derniers siècles, à travers les sacrifices de tant de leaders des
droits civiques et de soldats, la promesse de l'égalité des droits s’est diffusée
dans les domaines du revenu, de la religion, de l’égalité entre les races et les
sexes ainsi que de l'orientation sexuelle.
» Nous avons encore un long chemin à parcourir, et ce serait
une erreur de penser que notre progrès est irréversible. Démocratie et
citoyenneté auront toujours besoin d'une vigilance constante contre ceux qui
attisent les flammes de l’esprit partisan d'une manière qui nous consument et
conduisent à, selon les termes de Washington, ‘les ruines de la liberté
publique’.
» Nous avons déjà vu ces situations dans les deux partis. Dans
les années 1930, il y avait le despotisme d’Huey Long en Louisiane et le père
Coughlin dans le Michigan, qui blâmait les ‘conspirateurs juifs’ pour les
troubles qui se déroulaient en Amérique. Puis vint Charles Lindbergh dans les
années 40, Joe McCarthy dans les années 50, George Wallace dans les années 60
et Pat Buchanan dans les années 90. Chaque génération a dû faire face à ses
propres démagogues. Et chaque génération a résisté et les a tenus à l'écart de
la Maison Blanche. Au moins jusqu'à présent.
» Dans l'élection présidentielle de cette année, nous avons
vu plus de démagogie issue des deux partis que je peux me rappeler en avoir vu
dans ma vie. Notre pays est confronté à des défis sérieux et difficiles. Mais
plutôt que d'offrir des solutions réalistes, les candidats des deux partis rejettent
nos problèmes sur des cibles faciles afin de susciter le ressentiment. Pour les
républicains, ce sont les Mexicains qui sont ici illégalement et les musulmans.
Et pour les démocrates, ce sont les riches et Wall Street. La vérité est: nous
ne pouvons pas résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés en
blâmant quiconque.
» Alors, pourquoi est-il devenu si difficile de trouver des
dirigeants qui mèneront le combat en première ligne, plutôt que de suivre le
mouvement?
» Voici la raison, sur la base de mon expérience: aujourd'hui,
les élus qui décident de soutenir une politique controversée ne vont pas
seulement recevoir des lettres d’insultes, des appels téléphoniques et des fax.
Ils reçoivent également des millions de tweets et de messages Facebook de
colère qui les dénoncent dans les termes les plus durs. Ceci est la démocratie
en action. Mais ce genre de condamnation instantanée a comme conséquence
également que les élus ont peur de faire des choses qu’ils savent pourtant, au
fond d’eux-mêmes, être les bonnes.
» Une démocratie en action qui peut réellement produire
beaucoup d'inaction, comme nous le voyons tous les jours à Washington mais
aussi à d’autres niveaux du gouvernement. Lorsque les gouvernements ne
parviennent pas à répondre aux besoins de la population, les électeurs des deux
partis se mettent en colère et certains politiciens exploitent cette colère en
offrant des boucs émissaires au lieu de solutions.
» Si nous voulons arrêter les démagogues, nous devons
commencer à gouverner à nouveau, ce qui nous oblige à être plus civils afin de
soutenir les politiciens qui ont le courage de prendre des risques, et de
récompenser ceux qui parviennent à trouver des compromis.
» Faire cela ne sera pas facile, en partie parce que ce ne
sont pas seulement les médias sociaux qui ont changé le dialogue public. Le
bombardement constant de nouvelles que nous consultons sur nos téléphones, nos
ordinateurs et nos téléviseurs nous donne l'impression que nous faisons l'acquisition
de connaissances. Pourtant, la plupart des sources, des faits et des
interprétations sont douteuses ou partisanes ou des mensonges.
» Je suis le propriétaire d'une société de médias qui a vu
comment le marché a changé. Aujourd'hui, les gens choisissent les chaînes de
télévision par câble et les sites Web qui vont dans le sens de leurs propres
convictions politiques plutôt que ceux qui informent et remettent en question
leurs croyances. En conséquence de quoi, nous avons grandi politiquement plus
cloisonnés et plus intolérants vis-à-vis de ceux qui ont des opinions
différentes.
» Réfléchissez à ceci: en 1960, seulement 4% à 5% des
démocrates et républicains déclaraient qu'ils seraient en colère si un membre
de leur famille épousait quelqu'un du parti adverse. En 2010, une personne sur
trois côté démocrate et une sur deux côté républicain affirment qu'ils
désapprouvent un tel mariage. En 1960, la plupart des gens n’auraient jamais
cru que le mariage interpartis susciterait une telle résistance, tandis que le
mariage interracial et celui de personnes de même sexe seraient largement
acceptés.
» Face à tous les progrès que nous avons fait sur la
tolérance sociétale, en ce qui concerne la tolérance politique, nous allons
dans la mauvaise direction – avec des meetings électoraux qui se transforment en
confrontation violente, avec des discussions sur les médias sociaux qui
tournent au vitriol, et sur les campus universitaires, avec des étudiants et des
professeurs qui tentent de censurer leurs opposants politiques.
» Aussi résistant que le système américain de gouvernement ait
été, la démocratie demeure fragile – et les démagogues sont toujours tapis. Les
arrêter commence par donner une prime à l'ouverture d’esprit, au vote, tout en
exigeant que les politiciens offrent des solutions pratiques, et non pas des
boucs émissaires ou des promesses irréalisables.
En 1928, les républicains avait promis un ‘poulet dans
chaque marmite et une voiture dans chaque arrière-cour’. Ils ont gagné le
contrôle du Congrès et de la Maison Blanche, et un an plus tard, au lieu d'un
poulet et d’une voiture, nous avons eu la Grande Dépression.
» Aujourd'hui, quand un candidat populiste promet la
scolarité gratuite à l’université et des soins de santé gratuits ou qu’un
autre candidat promet de faire payer d'autres pays pour nos besoins,
rappelez-vous: ceux qui vous promettent un repas gratuit sont toujours ceux qui
vous mangeront pour le petit déjeuner.»
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
Présidentielle USA 2016
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