Emmanuel Macron en marche... |
Tant à droite qu’à gauche et au centre, Emmanuel Macron a
d’abord été accueilli avec bienveillance.
Puis il a été considéré avec un petit sourire moqueur aux
lèvres avant de commencer à agacer.
Aujourd’hui, le sentiment qui domine l’entière classe
politique est plutôt l’inquiétude d’où une montée de l’agressivité qui va
souvent de pair à son encontre.
Car si certains prédisent un flop de son initiative
En-marche – c’est-à-dire qu’il le souhaite ardemment! – c’est plutôt à un
barrage anti-Macron que l’on assiste ces dernières semaines afin de contrer son
ascension dans les sondages et la réalité même de l’espace politique qu’il veut
incarner.
C’est le cas, d’abord, chez les gardiens des temples que
sont les partis politiques où le «Macron bashing» est désormais la règle.
Ainsi, au Parti socialiste, les critiques, voire les
anathèmes qui venaient jusque là essentiellement de la gauche radicale et de
l’extrême-gauche, envers le ministre de l’Economie sont nettement plus nombreux
que les éloges qui sont désormais du passé.
Même chose au gouvernement où Manuel Valls ne se cache même
plus pour lui envoyer des piques et des rappels à l’ordre pendant que nombre de
ses collègues ne sont guère avares de petites phrases pour se désolidariser de
ses dires et de ses initiatives.
A droite, après avoir tenté d’abord la stratégie des
compliments afin de semer la zizanie à gauche puis avoir essayé de le
débaucher, on en est désormais à la phase où sa personne et son action sont
constamment et systématiquement blâmées.
Il faut dire que le nombre de sympathisants de droite qui
ont une bonne opinion de Macron, qui estiment que son bilan est positif et
qu’il serait un bon président de la république ne cesse de progresser ce qui a
de quoi inquiéter les dirigeants de LR.
Ce qui est nouveau, c’est que le Centre s’y est mis
également avec un François Bayrou qui est devenu un de ses plus grands
contempteurs alors que l’UDI continue à jouer sur les deux tableaux en lui
faisant des appels du pied tout en attaquant son bilan.
Là aussi, la grande popularité de Macron auprès des
sympathisants des partis centristes sonnent comme une alarme auprès des
dirigeants du MoDem et de l’UDI qui voient arriver sur leurs plates-bandes un
nouveau venu qui les ringardise et menace leurs prés carrés.
Mais les attaques contre Macron proviennent également des
gardiens des temples de la sphère médiatico-intellectuelle par le biais d’attaques
contre l’axe central et donc également le Centre et le Centrisme.
Tout ce que le pays compte de conservateurs, de
réactionnaires et d’idéologues bornés de gauche et de droite montent au créneau
pour critiquer l’initiative controversée du ministre de l’Economie qui leur
apparaît un progressisme libéral, un courant très largement honni dans notre
pays par les intellectuels.
Car ce qui est en jeu c’est la mise en cause de leur représentation
surannée et poussiéreuse d’une vie politique limitée à l’affrontement entre la
Gauche et la Droite.
Macron, bien sûr, n’est pas le premier à parler d’une
scission bien plus profonde entre progressistes et conservateurs.
Mais, comme ses prédécesseurs, cela suffit à faire sortir de
leurs gongs journalistes, politologues et intellectuels des deux bords qui,
depuis la fondation de la V° République, défendent la réalité de cet unique affrontement
qui les arrange dans cette obsession binaire de la politique d’une pauvreté
souvent abyssale, basée sur des idées d’un autre âge et une résistance au
progrès et à la modernité qu’ils jugent dangereux.
Une obsession qui fait fi de l’histoire comme on peut le
lire dans les colonnes des quotidiens comme Le Figaro ou Le Monde, des
journalistes et autres experts qui ont la mémoire courte ou la science
historique limitée.
Pour eux, la réalité d’un axe central ne serait rien d’autre
que la revitalisation de l’idée molle de l’union nationale ou, pire, de la
volonté de brouiller les pistes pour des raisons bassement électoralistes et
d’ambitions personnelles sur fond de pauvreté des idées et du personnel
politiques.
Or si le «ni gauche, ni droite» est sans doute une faute de
langage de la part d’Emmanuel Macron, en revanche, la proximité de plus en plus
évidente d’un axe central, défenseur de la démocratie républicaine libérale et
représentative et d’une société ouverte face au raidissement d’une gauche et
d’une droite radicales qui lorgnent plus vers les extrêmes que vers les modérés
légitime sans l’ombre d’une ambiguïté le combat du ministre de l’Economie.
Au fond, l’ensemble des gardiens des temples espère
secrètement que Macron ne sera qu’un phénomène politico-médiatique qui
s’autodétruira comme ce fut le cas pour d’autres phénomènes.
Ce sera peut-être le cas mais cela ne fera pas disparaître
la justesse de nombre de ses diagnostics ainsi que de sa volonté de refonder le
débat politique sur des oppositions véritables.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC