En essayant de «prendre de la hauteur» lors de ses
déclarations, François Bayrou fait systématiquement un procès envers les partis
politiques et reprend la posture gaullienne de «l’homme seul face au peuple» de
sa campagne présidentielle de 2012, tout en rappelant sa volonté de réunifier le Centre.
Un Centre qui a toujours basé sa vision de la démocratie
républicaine sur le parlementarisme, donc sur une représentation des Français
par des partis politiques dans une assemblée.
Et un Centre qui a toujours refusé l’idée de l’homme
providentiel, d’où son opposition politique à Charles de Gaulle et sa méfiance
profonde, en quelque sorte «génétique», du chef qui voudrait tout diriger et
tout régenter, à commencer par l’espace centriste…
Voici les propos récents de François Bayrou sur les partis
et la fonction présidentielle:
- Contre la «classe politique» et la «partitocratie»
«Les classes
politiques ne sont pas à la hauteur par ce que généralement et trop souvent les
responsables politiques ne sont, non pas en avance, mais à la traine par ce
qu’ils se laissent mener et conduire par les sondages et l’opinion. Au lieu
d’avoir une vision qui puisse permettre au contraire d’entrainer leurs
concitoyens, de leur montrer où on va. Au contraire, ils se laissent trop
prendre par les petites querelles d’ambitions dérisoires et certainement mal
jugées par les Français». (Interview à France 2, le 23 mars)
«Les Français
aspirent à une autre façon de vivre leur démocratie, moins prisonnière des
partis usés. C’est la raison pour laquelle j’ai apporté mon soutien à Alain
Juppé car il est moins prisonnier de l’appareil que ne le sont ses
compétiteurs. Je veux rappeler à tous ceux qui se réclament du gaullisme
l’intention première du général De Gaulle qui était d’enlever aux partis
politiques le monopole du pouvoir. Jamais cela n’a été plus nécessaire.
Pourtant, on fait le contraire!»
Il faut sortir de «l’impuissance chronique, née d’un mode de
gouvernement qui fait que deux appareils de parti se partagent alternativement
le pouvoir depuis quarante ans. C’est cette 'partitocratie' à deux, PS et LR,
qu’il faut mettre en question».
(Interview aux Echos, le 21 mars)
- Posture gaullienne
«Les mesures détaillées dans les programmes sont nécessaires
mais ne sont pas l’essentiel. Depuis des lustres, on a appris que ces
engagements étaient la plupart du temps mensongers. Deux choses comptent pour
l’élection présidentielle. La plus importante, c’est le profil personnel de
celle ou de celui qui aspire à la fonction. Il faut qu’il ait un tempérament, une
crédibilité, de l’expérience, la capacité à rassembler. Et il faut qu’il ait
une vision. Car c’est cette vision qui permet de fixer les priorités qui vont
permettre de changer la vie du pays. C’est la deuxième exigence.»
«Quant à l’idée de transformer la préparation de l’élection
présidentielle en marchandage législatif, elle me met mal à l’aise. Je trouve
que cette période encourage trop les manœuvres. Cela ne ressemble pas à ma
vision de la V° République.»
«Pour moi, dans le jugement sévère des Français sur la
politique, il y a l’idée que les politiques ne pensent qu’à eux. Une espèce
d’égoïsme structurel. Je trouve intéressant au contraire de montrer qu’un
responsable politique (ndlr: François Bayrou), même pourvu d’un socle important
de soutiens et de souhaits de candidature, est capable de tendre la main et de
travailler avec quelqu’un qu’il considère comme bien placé pour changer la
manière de gouverner le pays».
(Interview aux Echos,
le 21 mars)
«Je ne veux pas me mêler des marchandages politiques. Nous
avons 6 millions de chômeurs, une société soumise à de graves menaces de
rupture, un système politique incapable de faire passer la moindre réforme…
Tout ça est plus important que des histoires de manœuvres et de négociations
électorales.»
La précipitation actuelle, la multiplication baroque des
prétendants ces derniers temps, tout cela est complètement décalé de la
réalité. Je ne veux pas participer à cette foire d’empoigne. Je pense qu’il est
rassurant pour les citoyens de voir un homme politique, qui a lui-même un socle
de souhaits de candidature et d’intentions de vote conséquent, dire qu’il est
prêt à en soutenir un autre. Quant au calendrier, une candidature qui
s’affirmerait en fin d’année (ndlr: la sienne, si Juppé n’est pas candidat)
serait largement suffisante pour convaincre les Français.
(Interview à Paris Match, le 22 mars)
«Il y a une chose importante et précieuse, il faut qu’il y
est un Président de la République en France en capacité de remplir sa fonction
et avec une majorité dans le pays. Je ne parle même pas dans les assemblées.
Une majorité dans le pays qui lui permette d’être soutenu, compris, et
d’entraîner les grands choix.» (Interview France Info, le 9 mars)