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Barack Obama & Merrick Garland |
Si on l’avait oublié, Barack Obama est un centriste assumé
qui souhaitait que la vie politique américaine, sous sa présidence, devienne
«post-partisane», c’est-à-dire que le gouvernement se fasse sur des majorités
consensuelles d’idées selon les cas et non plus sur des blocs antagonistes,
même s’ils pouvaient faire des compromis sur certains sujets de manière
«bipartisane».
Ce consensus d’un nouveau genre a été enterré par les
républicains dès après l’investiture d’Obama en janvier 2009.
A la place, lors d’une réunion à Washington, les leaders
républicains ont décidé d’une guérilla de tous les instants, d’un blocage
systématique et d’attaques qui ont permis la création du mouvement Tea party
qui a réuni ensemble tous les populistes et les extrémistes de droite que
compte l’Amérique, aboutissant aujourd’hui à ce que le primaire républicaine
soit dominée par un populiste démagogue, Donald Trump, et un conservateur
proche de l’extrême-droite, Ted Cruz.
Une sorte de retour à l’envoyeur qui met l’establishment
républicain dans tous ses états…
Il faut rappeler ici que cette stratégie de la terre brûlée
a été adoptée en premier lieu pour faire échec à ce président à la popularité
alors énorme et qui menaçait, par sa main tendue, tout l’édifice que les
ultraconservateurs républicains avaient patiemment mis en place depuis la
présidence Reagan dans les années 1980, voire depuis la présidence Nixon dix
ans plus tôt, pour déporter définitivement l’Amérique à droite toute et
délégitimer le plus possible les démocrates mais également tous les centristes,
qu’ils soient démocrates ou républicains.
Dans le même temps, Barack Obama a du, faute d’ouverture, se
rabattre sur l’unique Parti démocrate pour gouverner, ce qui l’a parfois légèrement
déplacé au centre-gauche notamment après 2010 lorsque les démocrates ont perdu
la majorité à la Chambre des représentants et, surtout, après 2012 avec la
perte du Sénat.
Néanmoins, il a gardé les fondamentaux de sa ligne politique
centriste, celle qu’il prêchait déjà dans ses ouvrages alors qu’il n’était même
pas candidat à la présidence.
C’est pourquoi, son choix du juge Merrick Garland, un
centriste reconnu, pour remplacer le juge d’extrême-droite Antonin Scalia à la
Cour suprême qui vient de décéder, ne peut qu’étonner ceux qui se sont toujours
trompés (ou trompent la population) sur Obama en le présentant comme un homme
de gauche et un activiste «liberal».
Ici aussi il faut faire un rappel en n’oubliant pas que le
sénateur socialiste Bernie Sanders, candidat à l’investiture démocrate face à
Hillary Clinton, a été maintes fois un critique d’Obama et qu’il souhaitait
même une primaire en 2012 avec un candidat de gauche face à ce dernier qu’il a
toujours considéré comme un centriste.
Bien entendu, le président des Etats-Unis savaient qu’il
devait choisir un homme modéré afin de tenter de lézarder puis de faire voler
en éclats le véto des leaders républicains sur toute nomination à la Cour
suprême, le Sénat, à majorité républicaine, devant confirmer le choix du président.
Le plus extraordinaire pour bloquer la machine démocratique
a été le motif utilisé par le Parti républicain.
Quittant la Maison blanche en janvier prochain, Barack Obama
ne devrait plus rien faire sauf gérer les affaires courantes!
Surtout, il ne devrait pas nommer un juge à la Cour suprême.
Une lecture totalement aberrante de la Constitution et
contraire à l’état de droit démocratique mais qui ne semble pas perturber du
tout la majorité des républicains, ce qui est sans doute le plus grave dans une
démocratie républicaine.
Toujours est-il que Merrick Garland, juge à la Cour d’appel
du district de Columbia, ne souffre d’aucun doute sur ses capacités, son
expérience et ses qualités.
En outre, sa réputation de centriste ne peut que renforcer
une institution que de plus en plus d’Américains estiment être devenue
totalement partisane et donc plus du tout au-dessus de la mêlée même si elle ne
l’a jamais vraiment été dans les faits.
Et même si l’on peut penser que le choix de M. Garland
n’aurait peut-être pas été celui du président s’il avait eu la majorité au
Sénat, il faut louer cette initiative.
Tout en ne jouant pas à l’ingénu.
Il est évident qu’Obama sait que son choix a mis le Parti
républicain dans l’embarras.
D’une part, parce que Merrick Garland avait été proposé
précédemment par certains républicains pour être juge à la Cour suprême.
D’autre part, parce qu’en fermant la porte à un homme de
qualité, les républicains vont une nouvelle fois apparaître comme des
idéologues bornés dont le seul but est d’empêcher les institutions de
fonctionner normalement.
Et ce en une année électorale où, non seulement, la
présidence du pays est en jeu mais également la majorité au Sénat qui pourrait
bien rebasculer en faveur des démocrates (cela semble beaucoup plus difficile
pour la Chambre des représentants dominée largement par les républicains grâce
à des redécoupages de circonscriptions qu’ils ont décidé et qui les avantage
outrageusement).
C’est pourquoi l’on a vu certains sénateurs républicains qui
vont se présenter à l’élection de novembre (le Sénat se renouvèle par tiers),
déclarer qu’ils s’entretiendraient avec le juge Garland, ce qui pourraient
préfigurer une ouverture dans l’examen de sa nomination, ce que veulent éviter
à tout prix les leaders du parti.
Pourquoi cet acharnement à tout bloquer, in fine?
Parce que la Cour suprême, avant le décès de Scalia, sur ses
neuf membres, en comptait cinq conservateurs ou ultraconservateurs et quatre
centristes ou de centre gauche, ce qui permettait souvent de dessiner une
législation et une jurisprudence très conservatrice voire réactionnaire ainsi
que de laisser la porte ouverte à toutes les initiatives que pourraient prendre
un président républicain élu en novembre, notamment sur l’annulation de la loi
sur l’assurance santé, sur l’interdiction de l’avortement, sur l’interdiction
du mariage gay, sur l’extension du droit de port d’arme, sur le retour en force
de la religion à l’école avec les théories créationnistes, etc.
Et la Cour suprême peut encourager ou autoriser toutes ces
mesures car sa compétence s’étend sur tous les cas relevant de la Constitution
et des lois du pays (fédérales et étatiques) ainsi que des traités conclus par
les Etats-Unis.
Concrètement, elle décide si une loi peut ou non s’appliquer
(elle ne peut l’abroger mais sa décision s’impose à tous les tribunaux du pays)
en la déclarant constitutionnelle ou non.
De même, elle décide si une situation de fait ou un jugement
d’un tribunal, en l’absence d’une loi, est conforme aux droits fondamentaux des
citoyens tels qu’ils sont définis par la Constitution si elle est saisie à cet
effet.
On voit donc son rôle crucial, dénoncé dès sa création par
certains comme inconstitutionnel et aboutissant à un gouvernement des juges, et
la raison pour laquelle les républicains tiennent tellement à y rester
majoritaires.
Mais quoi qu’il arrive dans cette affaire, Barack Obama sera
demeuré tout au long de son mandat, un président centriste, non pas par
nécessité comme beaucoup l’on fait aux Etats-Unis et ailleurs, mais par
conviction.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC