Alain Juppé & Jean-Christophe Lagarde |
Le courrier d’Alain Juppé à Jean-Christophe Lagarde et le
silence de Nicolas Sarkozy après que le président de l’UDI se soit plaint de
l’attitude de LR envers son parti est emblématique de la course à la
présidentielle au sein de la Droite et des enjeux de la primaire.
De prime abord, on pouvait être étonné que Nicolas Sarkozy
qui prône depuis longtemps une primaire commune de la Droite et du Centre ne
réponde pas à la lettre qui lu a envoyé au début de l’année Jean-Christophe
Lagarde en vue de négocier la participation de l’UDI à la désignation d’un
candidat commun pour 2017.
L’étonnement ne venait pas par rapport à la proximité entre
Sarkozy et les centristes – il n’y en a jamais eue – ni même qu’il ait besoin d’eux
pour gagner la primaire, il sait que les centristes voteront massivement pour
Alain Juppé et qu’ils ne veulent pas de lui comme prochain président de la
république.
Non, il venait plutôt de tous les efforts qu’il avait
consentis, en particulier, lors des régionales pour faire des listes communes
afin de s’attacher les votes centristes au premier tour de la présidentielle
face au candidat socialiste, s’il était le candidat de LR.
Efforts qui lui ont été vivement reprochés par l’aile droite
de LR mais pas seulement.
C’est justement là la raison première de son silence.
Alors qu’il voulait une négociation rapide avec l’UDI sur la
base d’un programme commun, il s’est vite aperçu qu’aucun candidat à la primaire
sauf lui ne désirait conclure un pacte de gouvernement avant la fin de la
primaire.
En outre de profondes résistances existent au sein de
l’appareil de LR mais aussi des militants sur les cadeaux électoraux,
considérés comme trop importants, à faire à l’UDI alors que celle-ci ne
représente qu’environ 5% de l’électorat.
Dès lors, Nicolas Sarkozy n’a aucune raison d’attirer à lui
les centristes actuellement, sachant en plus que ceux-ci, en regard de la
situation actuelle, sont quasiment obligés de se rallier à un moment ou à un
autre au candidat LR avant le premier tour de la présidentielle sauf à prendre
le risque d’une implosion de l’UDI ou à ne recueillir que quelques pourcents de
voix à la présidentielle, se ridiculisant mais empêchant dans le même temps le
candidat LR de se retrouver au second, devenant alors les responsables d’une
défaite catastrophique pour la Droite.
En revanche, Alain Juppé, lui, a besoin de l’UDI dès
maintenant.
D’une part, parce que dans la logique de sa candidature
au-delà de LR, il lui faut montrer qu’il est un rassembleur des Français, donc
un candidat beaucoup plus solide que Nicolas Sarkozy qui est plutôt un diviseur
et a une image excessivement clivante dans l’opinion.
D’autre part, parce qu’il sait qu’il récupérera la
quasi-totalité des voix centristes lors de la primaire et que celles-ci
pourraient bien faire, in fine, la différence, les écarts ayant tendance, à l’approche
d’un scrutin, à se réduire mécaniquement.
De plus, Alain Juppé a besoin de cultiver une image de
modéré – même s’il a durci son discours récemment – pour apparaître comme le
futur président de l’unité afin d’opérer, cette fois-ci, un large rassemblement
des Français pour gouverner mais, surtout, pour réformer.
D’autant que d’avoir les centristes avec lui peut aussi lui
permettre une ouverture vers les sociaux-libéraux du Parti socialiste, ce qui
ne sera peut-être pas du luxe si une scission ou des mouvements d’humeurs
agitent LR, notamment une possible fronde de son aile droite.
C’est en prenant en compte ces éléments que l’on peut
comprendre le courrier qu’il a envoyé à Lagarde dès que celui-ci eut déclaré que
«la primaire de la Droite aura lieu sans nous», une affirmation quelque peu
péremptoire quand on sait les divisions internes de l’UDI sur ce sujet, entre
autres mais qu’i vient de répéter, encourageant les militants du parti à dire
non à la primaire LR dans leur vote en vue de la position des centristes
vis-à-vis de la présidentielle qui sera arrêtée le 20 mars prochain loes d’un
congrès à Versailles.
Une lettre où il affirme qu’il respectera le choix du parti
centriste mais qu’il est ouvert à toutes les discussions pour un accord «dès
aujourd’hui».
«Si vous deviez décider de ne pas participer à la primaire,
ce qui me désolerait, ces principes pourraient néanmoins trouver application
après le premier tour de la présidentielle», ajoute-t-il, ou bien «dès le 28
novembre» s’il gagne cette même primaire.
Tout ceci en déclarant qu’il «approuve» les orientations
politiques de l’UDI: «Sur nombre de ces points, j'ai déjà pris des positions claires,
qui me semblent en harmonie avec les vôtres»
Néanmoins, en ce qui concerne les législatives et le nombre
de circonscriptions à réserver à l’UDI, Juppé botte en touche estimant «prématuré,
voire déplacé, de procéder dès à présent à des investitures nominatives».
Enfin, il assure qu’il veillera à «l'équilibre des
différentes composantes d'une future majorité présidentielle».
Mais il serait étonnant que Juppé aille plus loin pour ne
pas apparaître comme à la remorque ces centristes, ce qui lui ferait perdre
beaucoup de crédibilité dans une partie importante de l’électorat de droite.
Le problème qui peut se poser à l’UDI, c’est que n’ayant pas
pu négocier un bon accord dès maintenant, elle soit obligés d’en conclure un,
nettement moins avantageux en décembre prochain, voire juste avant le premier
tour de la présidentielle ou après celui-ci.
Néanmoins, la formation centriste peut aussi trouver là une
dynamique pour y aller seule, en tout cas dans les mois qui viennent, et voir
si une appétence pour une candidature centriste existe et ce alors que François
Bayrou est bloqué dans sa promesse faite à Juppé de ne pas se présenter s’il
était candidat, c’est-à-dire l’empêchant de se déclarer avant le 28 novembre prochain
si le maire de Bordeaux échouait à la primaire.
Ce scénario est une chance pour l’UDI de savoir si elle a
une base électorale solide dans le pays mais il n’est vraiment pas sûr du tout
qu’elle en profite au vu de ses divisions internes.
Alexandre Vatimbella
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