Donald Trump, Michael Bloomberg, Bernie Sanders |
Les médias américains sont en émoi.
Ils ne comprennent pas bien le phénomène Donald Trump qui
continue à rallier un nombre important de sympathisants républicains,
d’«independents» d’extrême-droite et de personnes ayant refusé de voter aux
élections sous le prétexte du fameux «tous pourris».
De même, ils sont interrogatifs sur la capacité du
socialiste Bernie Sanders à résister face à Hillary Clinton même s’il est loin
derrière la centriste en intentions de vote des sympathisants démocrates pour
la primaire.
Car Donald Trump et Bernie Sanders sont les enfants d’un
même mouvement populiste et démagogique qui vient d’un rejet de la classe
politique de Washington sur lequel les politiciens jonglent dangereusement
depuis des décennies (Barack Obama s’était fait élire en 2008 en se présentant
comme un «outsider» du jeu politique, c’est-à-dire quelqu’un qui ne fait pas
partie du sérail et donc, pas corrompu ni faisant ses petites affaires secrètes
avec ses congénères washingtoniens).
Ce mouvement est beaucoup plus prégnant chez les
républicains où il a été attisé sans relâche par les extrémistes haineux du Tea
Party depuis 2009 mais il existe également chez les démocrates.
Il s’est d’ailleurs transformé ces dernières années en rage
contre l’establishment comme vient de le montrer un récent sondage de la chaîne
NBC et du magazine Esquire.
Rage chez les républicains les plus à droite d’un pays qui
serait sur le déclin définitif (qui est une angoisse profonde qui revient à
périodes répétées aux Etats-Unis) avec l’arrivée de hordes d’immigrants comme
le martèle Donald Trump et rage chez les démocrates les plus à gauche d’une
société qui ne serait accueillante que pour les riches, les «milliardaires»
comme le répète à l’envie Bernie Sanders.
Ainsi, 77% des républicains et 67% des démocrates se disent
en colère au moins une fois par jour, 49% des sondés estimant qu’ils sont plus
en colère qu’il y a un an.
Même s’il est difficile de savoir si cette colère est autre
chose que des mouvements d’humeur plus ou moins importants, notamment envers les
politiques ou les milliardaires, cela se traduit par exemple chez une majorité
d’Américains (52%) par l’affirmation que le rêve américain (différent de nature
chez les républicains et les démocrates) n’existe plus (11% pensant qu’il n’a
jamais existé contre 36% qu’il existe toujours).
Dès lors, le phénomène Trump mais également le phénomène
Sanders ne sont pas une surprise mais la résultante d’une atmosphère où l’inquiétude
pour l’avenir se mêle à l’angoisse du présent et trouve son exutoire dans le
ressentiment envers la classe politique qui ont fait le succès de certains
médias comme Fox news, la chaîne d’info en continu de droite extrême de Rupert
Murdoch.
Reste à savoir s’ils pourront faire autre chose que de
perturber le début des primaires de chaque camp avant que les électeurs ne
remettent de l’ordre en choisissant la centriste Clinton du côté démocrate et
un conservateur plus ou moins modéré du côté républicain (style Jeb Bush, Chris
Christie ou John Kasich, ce qui n’est pas gagné avec la présence des deux
autres trublions extrémistes, Ted Cruz et Marco Rubio).
Mais, dans ce magma où il est difficile de savoir ce que
représentent vraiment ces courants populistes et démagogiques dans les deux
grands partis américains, il se pourrait bien que Donald Trump (qui l’a maintes
fois évoqué) et/ou Bernie Sanders se présentent en indépendants.
Bien entendu, ils savent tous les deux qu’une telle
candidature n’a jamais permis à quiconque de s’installer à la Maison blanche,
même lorsque l’ultra-populaire et ancien président Theodore Roosevelt s’est
présenté comme progressiste en 1912.
Néanmoins, ils pourraient être tentés de parier sur la
profondeur de cette rage qui serait à même de redéfinir les contours de la
politique américaine plus longtemps qu’on ne le pense pour l’instant.
Certains observateurs sont tentés de le croire alors que d’autres
font justement remarquer que les scores importants de Trump ou de Sanders aux
primaires républicaines et démocrates doivent être minimisés quand on les
transpose au niveau d’une élection générale.
Pour autant, un changement en profondeur n’est pas à exclure
même s’il ne sera sans doute pas majoritaire en 2016, tout comme le Front
national ne devrait pas pouvoir remporter l’élection présidentielle française
en 2017 (la rage américaine ayant bien des traits identiques à celle qui porte
Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon).
De ce point de vue, il est intéressant de voir que le
centriste Michael Bloomberg regarde la situation avec intérêt.
Lui qui a affirmé qu’il était impossible de remporter la
présidentielle si l’on était pas investi par l’un des deux grands partis et que
cela ne lui permettait pas de se présenter pour gagner, a fait faire, selon le
New York Times, un sondage pour évaluer ses chances en tant que troisième
homme.
Si l’on ne connait pas le résultat de celui-ci, l’ancien
maire de New York estime sans doute que, si Donald Trump obtient l’investiture
républicaine ou s’il se présente en indépendant, il aurait une chance en tant
que centriste de récupérer une bonne partie du vote républicain mais aussi du
vote démocrate si Hillary Clinton se déporte trop vers sa gauche pour contrer
Bernie Sanders (ou si celui-ci crée une improbable surprise en étant le
candidat démocrate).
Toujours est-il que ce soit Donald Trump, Bernie Sanders ou
Michael Bloomberg, voire une autre personnalité, il se pourrait bien que le
troisième homme de la présidentielle ait un rôle beaucoup plus important que
ses prédécesseurs dans l’élection présidentielle américaine.
Nous n’en sommes pas encore là mais il faudra bien, quoi qu’il
arrive, analyser en profondeur cette colère d’une partie des Américains et l’augmentation
inquiétante de leur défiance vis-à-vis du système démocratique et républicain.
D’autant que cette rage et cette défiance se voient également
dans d’autres démocraties républicaines et posent bien des questions sur ce
régime politique et son fonctionnement actuel.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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