Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à
cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Vladimir Poutine & François Fillon |
Dressons d’abord le tableau.
D’un côté, on a un personnage, autocrate, qui fait la guerre
à l’Ukraine, qui a annexé une partie du territoire de cette dernière, la
Crimée, et qui a abattu un avion civil rempli d’hommes, de femmes et d’enfants
innocents, dont la plupart partaient en vacances, sans le moindre regret ou
remord officiels.
Ce même personnage vient de faire bombarder la ville d’Alep
en Syrie, tuant encore des hommes, des femmes et des enfants innocents,
s’alliant à un des pires bouchers de la planète, Assad, et avec les milices
chiites les plus violentes au nom de valeurs «chrétiennes» qui font penser que
la traduction du Nouveau testament en russe est bien différente de celles des
autres langues du monde entier…
Un personnage qui vient de tenter avec une certaine réussite
de pirater et fausser les élections américaines avec l’objectif de faire battre
Hillary Clinton, surtout de mettre Donald Trump à la tête de ce qui était
considéré jusqu’à présent comme la première et plus importante démocratie du
monde.
Un personnage que ce même populiste démagogue qu’est Trump
admire et estime plus que Barack Obama.
Un personnage qui tue sans vergogne ses opposants dans son
propre pays et qui a été à l’origine de nombre de massacres de populations
civiles comme en Tchétchénie.
Un personnage qui menace constamment ses voisins, de la
Pologne à l’Estonie en passant par la Lituanie tout en cherchant des alliances
chez les pires régimes autoritaires et dictatoriaux, de la Chine de Xi Jinping
à la Turquie d’Erdogan.
Un personnage qui est un des hommes politiques les plus
corrompus du monde, avec une fortune estimée à 80 milliards de dollars,
uniquement amassée en tant que président de la Russise.
Ce personnage, bien évidemment, c’est Vladimir Poutine.
De l’autre côté, on a une bande de bras cassés centristes
français qui s’est fait une spécialité avec leurs amis de la droite radicale et
de l’extrême-droite, de défendre ce personnage nauséabond comme s’il était le
messie de la civilisation occidentale alors qu’il est un des fossoyeurs en chef
des valeurs de la démocratie républicaine.
Tel ce sénateur qui s’est affiché en Crimée occupée par l’armée
russe avec un t-shirt insultant Barack Obama ou cet autre membre du Sénat qui était
allé rendre visite au grand allié de Poutine, le président syrien, au moment où
celui-ci assassinait avec la même absence d’humanité que son père, ses
populations civiles.
Sans commentaire.
Ou plutôt si, celui de la spécialiste de la Russie, Cécile
Vaissié qui a publié récemment un ouvrage fort à-propos sur «Les réseaux du
Kremlin en France» qui estime, dans un entretien au Monde, que, dans notre
pays, «Moscou a développé plus qu’un soft power, une politique d’influence
ciblant les cercles politiques et économiques».
Un point de vue relayé et complété par celui de la
politologue Marie Mendras, également experte de la Russie qui expliquait,
toujours dans Le Monde qu’«En France, il existe un terreau favorable. Les
discours souverainistes qui revendiquent une France prospère et protégée des
étrangers si elle est libérée de la prétendue soumission à Berlin, Bruxelles ou
Washington, font le lit d’un poutinisme français qui dispose de puissants
réseaux».
Et à l’intérieur de ceux-ci se trouvent, aux côtés de
représentants de la droite radicale et de l’extrême-droite, un certain nombre
de centristes ou plutôt de soi-disant centristes qui affirment que l’alliance
avec Poutine va nous sauver du déclin et du terrorisme – ce qu’elle n’est même
pas capable de faire chez elle – et remettre l’Occident sur les bons rails.
D’autres, plus «réalistes» mais tout aussi complices,
estiment que se rapprocher de Poutine est une nécessité en ces temps troubles
où la politique du bâton du chef du Kremlin est bien meilleure que la politique
plus équilibrée de l’hôte de la Maison blanche jusqu’en janvier prochain,
Barack Obama.
Un peu comme si on s’alliait avec le diable pour sauver
Dieu!
Comme le dit Cécile Vaissié, «Ne pas aimer l’influence
américaine est une chose mais a-t-on envie de la remplacer par une dépendance à
un autre Etat, par ailleurs en pleine dérive autoritaire, qui inquiète ses
voisins et se révèle incapable de bâtir une économie solide?».
Et Marie Mendras de surenchérir: «Vladimir Poutine concentre
en sa personne tous les pouvoirs et dispose du feu nucléaire, mais il affaiblit
son pays et sa population, le déclin est inexorable», précisant que l’autocrate
«ne réussit pas à mettre en œuvre ses politiques» et que «le régime se sent de
plus en plus assiégé, il es donc prêt à toutes les fuites en avant».
Mais sans doute qu’aucun de ces fans poutiniens n’a jamais
réfléchi sur ce qu’une politique étrangère d’inspiration centriste devait être
en ce début de XXI° siècle.
Si l’on veut parler d’une vision centriste des relations
internationales, il vaut mieux aller chercher ses références chez Aristide
Briand, Robert Schuman ou Hillary Clinton que chez François Fillon ou Marine Le
Pen.
Les trois personnalités centristes précitées, lors de leur
passage à la tête de la diplomatie de leurs pays, ont été des humanistes attachées
à la démocratie et recherchant la paix et le rapprochement des peuples dans une
communauté mondiale unie et non tiraillée et en conflit perpétuel.
Leur action a été guidée par une propension au compromis,
plus grand chez Briand et Schuman, et une défense des valeurs humanistes, plus
agressive chez Clinton, tout en voulant établir le consensus le plus large
possible entre les Etats.
Chez tous les trois, il y avait, d’un côté, une haine
farouche des régimes autoritaires, autocratiques et dictatoriaux, et de l’autre,
une volonté sans faille de défendre sans relâche des sociétés démocratiques et
républicaines ouvertes.
Ils n’ont jamais été dans le renoncement et la faiblesse.
En revanche, ils ont développé une vision où le cynisme et l’absence
de règles n’avaient pas leur place.
Voilà ce que devraient méditer tous les centristes poutiniens,
si tant est que ces deux mots puissent se suivre, au moment où le gouvernement
russe vient de publier un décret dans lequel il accuse les occidentaux de mener
une politique conduisant «à une plus grande instabilité dans les relations
internationales et au renforcement des turbulences globales».
Bien le bonjour au retour de la propagande soviétique!
Jean-François Bourrou
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