Macron, Bayrou, Lagarde, Morin |
A trois jours du deuxième tour de la primaire LR, l’espace
centriste est en pleine ébullition.
D’un côté, on a une UDI au bord de la rupture qui, une
nouvelle fois, est scindée en deux avec, d’une part, le clan Jean-Christophe
Lagarde qui soutient Alain Juppé et, de l’autre, celui d’Hervé Morin qui soutient
François Fillon.
De l’autre côté, on a François Bayrou qui se prépare à se
présenter à l’élection présidentielle si, comme c’est sans doute le cas,
François Fillon sera le candidat de LR à la présidentielle.
Et puis, quelque part, il y a Emmanuel Macron qui a déjà
annoncé sa candidature et qui vient de publier un livre «Révolution», le jour
même du débat entre Juppé et Fillon.
Essayons d’y voir un peu clair, même s’il est possible que
la situation change d’autant qu’elle n’est pas seulement basée sur le
politique, et c’est un euphémisme de le dire, mais aussi sur l’affectif et des
places à prendre et à occuper.
L’élimination de Nicolas Sarkozy dès le premier tour de la
primaire a rebattu les cartes pour les centristes.
La possible victoire de l’ancien président de la république
était une sorte d’épouvantail pour la quasi-totalité d’entre eux et était
partagée par les sympathisants de l’UDI et du MoDem.
L’élimination selon toute vraisemblance d’Alain Juppé par
François Fillon va néanmoins provoquer si ce n’est de nouvelles ruptures, en
tout cas élargir celles qui existent déjà.
Du côté de l’UDI, l’opportunisme allié à la faiblesse du
parti devrait faire en sorte que la très grande majorité de ses membres se
rallient au vainqueur de dimanche quel qu’il soit.
Ce qui devrait éviter son implosion qui sera remise à plus
tard.
En d’autres termes, si Alain Juppé est le plus
centro-compatible et que François Fillon s’est positionné sur les terres du
conservatisme et de l’ultralibéralisme, très éloignée sur certains points du
Centrisme, l’UDI sera derrière l’un des deux et donc, a priori, de François
Fillon.
Cette droitisation de fait de l’UDI posera sans doute
quelques états d’âme aux militants et aux sympathisants mais devrait être
digérée dans la fièvre de la campagne où il faudra battre l’autre camp, celui
de la Gauche.
Sans oublier qu’il y aura un accord en vue des législatives
où, en retour du soutien de l’UDI à Fillon, la formation centriste se verra
accorder un certain nombre de circonscriptions gagnables pour les législatives
ainsi que celles où elle a déjà des députés.
Pour François Bayrou l’envie de se présenter est évidente,
il le dit à voix haute et à voix basse devant ses partisans et les
journalistes.
Le problème est de savoir ce qu’il peut peser face à
François Fillon, c’est-à-dire s’il peut avoir une base électorale large et
solide en récupérant la grande masse des électeurs centristes mais aussi une
partie des électeurs de droite modérée ainsi que l’ensemble des «déçus» de
François Hollande, ce qui lui donnerait la possibilité de bien figurer, en d’autres
termes de jouer pour le deuxième tour.
Même si Fillon n’est pas Sarkozy, il va certainement cliver,
notamment au centre, ce qui peut permettre à Bayrou de s’attacher une grande
partie de cette base électorale dont il a besoin.
Reste que ceci serait vrai s’il n’y avait pas Emmanuel
Macron.
Le fondateur d’En marche a, en effet, besoin exactement de
la même base électorale et, en plus, dans les sondages, semble l’avoir déjà
séduite en partie, en tout cas en plus grand nombre que François Bayrou.
Sans oublier qu’il aura également avec lui une partie des électeurs
de gauche qui se définitif, comme lui, comme sociaux-libéraux, et peut-être un
partie des sociaux-réformateurs si Manuel Valls ne se présente pas.
Tout cela donne aujourd’hui l’avantage à Macron face à
Bayrou pour être le candidat de l’espace centriste ou central le mieux placé.
Mais, l’exemple de la primaire LR le montre à nouveau, une
campagne est longue et les favoris du départ sont souvent les perdants à
l’arrivée.
De ce point de vue, François Bayrou semble persuader,
au-delà de ses déclarations agressives, que la bulle Macron va éclater et qu’il
sera le seul candidat du Centre.
Cette analyse du président du Mouvement démocrate ne peut
être réfutée en l’état mais on peut lui opposer cette montée de la vague
antisystème qui devrait bénéficier à Emmanuel Macron dont les éléments
populistes de son discours sont bien en phase avec cette atmosphère de défiance
des élites installées dans les démocraties républicaines.
Mais au cas où il se débarrasserait de Macron, François
Bayrou pourrait retrouver Manuel Valls face à lui.
Même si le premier ministre ne devrait pas chasser sur les
mêmes terres, il pourrait lui prendre l’électorat de la gauche modérée, une partie
des déçus de François Hollande et peut-être même un nombre significatif d’électeurs
centristes.
Et cela pourrait l’empêcher de batailler pour la seconde
place.
Reste évidemment un élément important pour François Bayrou
dans la décision qu’il va prendre: s’il ne se présente pas en 2017, il ne se
présentera sans doute plus jamais.
C’est sa dernière chance de devenir président de la
république, d’autant que la relève qu’il essaye d’éliminer en la personne d’Emmanuel
Macron mais aussi d’autres personnalités politiques qui émergent ou pourrait
émerger dans les cinq ans qui viennent, devrait, sinon le ringardiser, en tout
cas le faire apparaître comme un homme du système depuis quarante ans.
Pour synthétiser, il faut s’attendre, en regard de la
situation actuelle, à une UDI qui se rangera derrière le vainqueur de la
primaire LR, que ce soit Juppé ou Fillon, un François Bayrou qui devrait se
présenter et un Emmanuel Macron qui profitera de la droitisation de LR si
Fillon est le candidat LR.
Mais demain est un autre jour…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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