Le séisme politique de la victoire de Donald Trump à la
présidentielle américaine du 8 novembre pose évidemment de nombreuses questions.
Elles peuvent néanmoins toutes se résumer à celle-ci:
comment les Etats-Unis ont-ils bien pu passer de Barack Obama à Donald Trump en
une élection?
Comment les Américains ont-ils pu remplacer le premier
président noir et centriste convaincu, qui plus est au sommet de sa popularité,
par un clown extrémiste, dangereux, populiste, démagogue aux diatribes contre
un système «pourri», admirateur de Vladimir Poutine et quelques autres
autocrates, amis des leaders d’extrême-droite européens?
Comment, en faisant l’histoire positivement en 2008 puis en
2012 – et qu’ils furent admirés pour cela dans le monde entier – peuvent-ils le
faire à l’envers en 2016 dans un vote qui va les hanter pour un bon moment?
On pourrait jouer l’ahurissement et l’incompréhension totale
mais ce serait une malhonnêteté intellectuelle.
Car on oublierait alors que les Etats-Unis ont élu Ronald
Reagan en 1980, ancien acteur au programme plutôt manichéen et au slogan nationaliste,
surtout ancien soutien du candidat extrémiste Barry Goldwater en 1964, puis
George W Bush en 2000 avec son âme damnée et vice-président, Dick Cheney, ultraconservateur
et va-t-en-guerre, et que sur le ticket républicain de 2008, aux côtés de John
McCain, il y avait Sarah Palin, une imbécile aux idées courtes mais dangereuses
qui a d’ailleurs soutenu Trump de toutes ses forces.
On oublierait le serment début 2009 du leader républicain au
Sénat, Mitch McConnell, qui était de paralyser le Congrès et l’action du
président – ce qui a eu pour effet de faire détester le personnel politique par
toute une frange de la population – pour faire de Barack Obama un «one-term»
president c’est-à-dire le président d’un seul mandat.
On oublierait également le mouvement d’extrême-droite du Tea
party, affilié au Parti républicain, né courant 2009 et dont la spécialité
était de dépeindre Barack Obama en Hitler ou Staline avec des propos racistes
et séditieux.
On oublierait qu’on été élus au Congrès des dizaines et des
dizaines de politiciens républicains extrémistes aux capacités intellectuelles minimum
et à l’acrimonie maximum et ce grâce à un redécoupage des circonscriptions électorales
sur-mesure.
On oublierait les idéologues radicaux du même Parti
républicain qui ont jeté continuellement de l’huile sur le feu comme un Ted
Cruz, un Scott Walker ou un Rand Paul, jouant le clivage plutôt que le
consensus, l’affrontement agressif plutôt que le compromis apaisé.
On oublierait les nominations d’idéologues à la Cour suprême
dont le tristement célèbre Antonin Scalia mais aussi John Robert ou de Samuel
Alito dont le but avoué était de faire passer un agenda ultraconservateur et de
défaire les législations progressistes.
On oublierait le succès de la chaîne d’extrême-droite Fox
news avec ses mensonges et toute sa ribambelle de chroniqueurs ces «haters» (haineux)
complotistes, de Rush Limbaugh à Glenn Beck en passant par Sean Hannity.
On oublierait tous les personnages douteux qui sévissent sur
internet avec leurs déchainements haineux et leurs théories du complot, l’un d’eux
étant le directeur de campagne de Trump, le sinitres Stephen Bannon.
On oublierait que Donald Trump irrigue la sphère médiatique
de sa haine et de ses mensonges depuis qu’il est devenu une star de la
téléréalité, depuis que les médias, dans une course à l’audience aussi effrénée
qu’irresponsable, ont relayé en les amplifiant ses propos scandaleux, bien avant
le début de la campagne présidentielle l’année dernière.
On oublierait la couverture médiatique indécente de Trump
par les chaînes de télévision notamment celles d’information en continu et en
particulier de CNN, qui a légitimé au-delà de toutes ses espérances, ses
délires antidémocratiques et complotistes.
Non, Donald Trump n’est pas arrivé là, tout d’un coup, sans
qu’il y ait eu des alarmes et des signes.
Il est ainsi l’aboutissement d’un dysfonctionnement majeur de
la démocratie orchestré par les républicains dès les années 1990 lors de la
présidence de Bill Clinton et qui a atteint son paroxysme lors de la présidence
Obama.
Dans le même temps et au secours de cette stratégie du
pourrissement et de la paralysie des institutions, la démocratie,
parallèlement, a viré lentement, depuis les années 1980.
Si l’on adopte cette perspective à plus long terme, le
phénomène Trump se comprend plus facilement ainsi que cette incohérence de
premier abord qui est de voir un promoteur newyorkais incompétent et dangereux
succéder à Barack Obama.
Mais cela n’explique pas tout.
Depuis des années, les experts nous disent en effet que la
démographie américaine avantage les candidats démocrates aux élections
présidentielles, qu’une population de plus en plus métissée, de plus en plus
diverse où les blancs, notamment ceux de la classe inférieure ou de la classe
moyenne inférieure, soutiens traiditonnels des républicains, sont en voie de
disparition, en tout cas, de marginalisation.
Or, cette élection prouve le contraire.
A moins que les Américains n’aient pas voulu d’une femme
comme présidente alors que l’on aurait pu penser qu’ils seraient moins enclins
à élire un président noir
Ils seraient plus misogynes que racistes…
Mais, bien sûr, la victoire de Donald Trump est d’abord l’échec
d’Hillary Clinton qui avait en main toutes les cartes pour l’emporter
facilement face à un adversaire aux multiples failles.
Centriste comme Obama, elle se réclamait de son bilan tout
en ayant apporté, tout au long de sa campagne, des correctifs pour contenter
une population angoissée qui, malgré une croissance économique réelle et une
baisse importante du chômage, voyait l’avenir en noir, bombardée qu’elle est
depuis des années des messages négatifs venue de la Gauche – voir la campagne
de Bernie Sanders lors des primaires démocrates – et surtout de la Droite…
Néanmoins, elle n’a pas su faire passer ce message et,
surtout, elle n’a pas réussi à évacuer la montagne d’insultes et de calomnies
qui ont été déversés sur elle, plombant son image.
Alors que Donald Trump a fait des choses bien pires qu’elle,
c’est elle qui a fini la campagne en accusée et il faudra analyser si l’intervention
du directeur du FBI, un républicain, sur la réouverture de l’enquête sur sa
boite e-mail du temps où elle était secrétaire d’Etat, a joué un rôle dans les
derniers jours avant le scrutin à son détriment.
Hillary Clinton disparait donc de la scène politique par la
petite porte, ce qui est une injustice notoire, elle, une des politiques les
plus compétentes que les Etats-Unis aient jamais eu mais un animal électoral
trop tendre et pas assez charismatique.
Toujours est-il que la victoire de Trump ainsi que la
défaite de Clinton (et celle d’Obama par extension) démontrent un pays
complètement désuni où, après les appels à la révolution violente des
supporters de Trump pendant la campagne, se succèdent les appels à la
résistance des adversaires du populiste démagogue.
L’avenir est donc trouble et peu propice à une réunion du
pays, d’autant qu’il est important de noter que la victoire de Donald Trump s’accompagne
d’une victoire du Parti républicain aux Congrès (au Sénat et à la Chambre des
représentants) et qu’avec une nomination pendant à la Cour suprême, cette
formation, aura tous les pouvoirs à Washington alors même qu’il est possible qu’elle
demeure minoritaire en voix.
Dès lors, les programmes les plus controversés du candidat
Trump et des républicains peuvent avoir une chance d’aboutir.
Rappelons que ceux-ci concernent la suppression de l’assurance
santé (Obamacare), la construction d’un mur entre les Etats-Unis et le Mexique avec
le renvoi de 11 millions d’immigré clandestins, une baisse des impôts drastique
pour les plus riches qui creusera un immense déficit public, l’interdiction de
l’avortement, la prière obligatoire dans les écoles, le port d’arme autorisé
dans tous les lieux publics notamment ces mêmes écoles, les poursuites
judiciaires et un procès contre Hillary Clinton que Trump veut mettre en
prison, on en passe et des meilleurs.
De côté se faire retourner dans leurs tombes les Pères
fondateurs de la nation américaine et rédacteurs de la Constitution qui
voulaient un gouvernement modéré et consensuel…
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
Présidentielle USA 2016
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