Il a quelques années de cela, étudiant, j’avais pris un
livre dans la bibliothèque de mon grand-père.
Publié par le ministère des Affaires étrangères, il
contenait les lettres et rapports qu’André François-Poncet, l’ambassadeur de
France à Berlin entre 1931 et 1938, avait envoyés à Paris et dans lesquels il
relatait avec une grande lucidité la montée en puissance d’Adolph Hitler et du
nazisme mettant en garde le gouvernement contre les risques à venir.
Pour moi, ce fut une sorte de révélation et de prise de
conscience.
Malgré ce que l’on disait à l’époque puis dans les années
d’après-guerre, non seulement on savait ce qui se passait en Allemagne mais on
avait bien conscience que l’apocalypse n’était pas impossible, pire, qu’elle
était prévisible.
Pourtant, cela n’a pas empêché la Deuxième guerre mondiale
et ses 50 millions de morts ainsi que la défaite cuisante des démocraties face
à un nazisme qui était arrivé au pouvoir tout à fait légalement.
A partir de ce moment, je compris avec quelle
irresponsabilité les politiques, les journalistes, les intellectuels, tout ce
qui compte comme leaders d’opinion, avaient agi et que cela pouvait revenir à
tout moment et que la lutte pour la démocratie et la liberté était un combat
quotidien contre tous leurs ennemis mais aussi contre tous les renoncements des
élites et du peuple en général.
Aujourd’hui, avec l’élection de Donald Trump à la présidence
des Etats-Unis, je ressens une profonde tristesse en tant que démocrate et
républicain mais aussi cette force intérieure qui m’appelle à me battre pour
éviter que la victoire d’un clown populiste et démagogue devienne notre
prochain cauchemar.
Evidemment, en tant que démocrate, je ne conteste pas la
victoire du promoteur newyorkais.
J’ai beau pensé que le système démocratique tel qu’il est
actuellement recèle de nombreux défauts, en tant que centriste de raison, j’ai
fait miennes les opinions d’Alexis de Tocqueville ou de Winston Churchill à son
sujet.
Oui la démocratie permet à un Hitler d’arriver au pouvoir
mais elle demeure le moins mauvais système de gouvernement et le meilleur pour
garantir la liberté.
Dès lors, tout en acceptant que Trump s’installe dans le
Bureau ovale de la Maison blanche et avant que, peut-être, Marine Le Pen prenne
ses quartiers à l‘Elysée de manière tout aussi démocratique, je dénoncerai sans
relâche ces personnages dangereux et leurs complices, notamment ceux qui, au
nom d’une bonne conscience de pacotille, ont ouvert les portes à cette
possibilité impensable voici tout juste un an.
Car la victoire de Trump, c’est aussi la défaite d’une
pensée lénifiante sur un traitement «équitable» pour ceux qui menacent la
démocratie et la ridiculisent.
Pendant toute cette campagne, le candidat républicain a pu
dire ce qu’il voulait,, quand il le voulait sans que les médias, en particulier
audiovisuels, ne prennent leurs responsabilités et dénoncent de manière
vigoureuse et sans aucune hésitation ses propos et ses comportements.
Aujourd’hui, nombre de journalistes américains vont avoir du
mal à se regarder dans une glace.
En faisant de lui une star, la télévision et internet ont
joué le jeu ultime de cette farce de la téléréalité qui menace la démocratie
bien plus que ce que veulent bien le dire ses promoteurs.
Cette «démocratie médiatique» est en effet un danger mortel
pour la vraie démocratie.
Cela a commencé dans les années 1980, lorsque l’on a
commencé à demander aux mannequins et aux sportifs de donner leur avis sur tout
et n’importe quoi.
Cela a continué, dans les années 1990-2000, lorsque la
téléréalité est arrivée avec son lot d’inepties et de crétins qui donnaient
leur opinion sur tout et qui se retrouvait à la une de la presse.
Donald Trump, vedette bling-bling et transgressif de
téléréalité et marié à un mannequin est bien son produit ultime, son Frankenstein.
Mais il est aussi un pur produit d'internet, de tous les informations abracadabrantes qui y circulent, de tous les haines qui s'y déversent quotidiennement, de toutes les thèses complotistes dont il est un des plus fervents propagateurs.
Il a permis, en outre, à toutes les haines, tous les
ressentiments, toutes les frustrations, vrais ou faux, tous les penchants les
plus obscures de se libérer.
Qu’un tel personnage ait pu séduire aussi facilement une
aussi grande partie des Américains montre l’état de délabrement des sociétés
démocratiques occidentales où des Le Pen, Farrage, Orban, Petry et autres
Michaloliakos déplacent les foules et engrangent les électeurs.
Et cela pose, évidemment, des questions essentielles sur le
présent et l’avenir de nos démocraties actuelles.
Aujourd’hui, beaucoup de gens proches de moi, dégoûtés et
révoltés, pleurent en ce triste jour pour la démocratie et je les comprends.
Moi, depuis la lecture des lettres d’André François-Poncet,
je me suis toujours dit que malheureusement tout était possible même la
victoire de Trump.
Car, l’histoire est un éternel recommencement, surtout quand
les peuples sont tellement ignorant de leur passé.
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