jeudi 6 octobre 2016

Vues du Centre – Jean-François Borrou. UDF: quand nostalgie rime avec amnésie…

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.

C’est vrai.
Il y a peu d’occasion de se réjouir pour les centristes au cours de cette V° République où ils ont été plus spectateurs qu’acteurs.
Alors, quand on célèbre à la fois l’Europe, Valéry Giscard d’Estaing et l’UDF, trois mots magiques chez eux, ils se pressent tous dans les salons du Sénat pour un dîner du souvenir.
Et ils étaient tous là… ou presque.
Et ils semblaient vraiment contents de se retrouver entre eux alors qu’ils n’arrêtent pas de se tirer dans les pattes l’entière journée.
Pour le coup, d’ailleurs, journalistes présents oblige, ils tombaient tous dans les bras des uns et des autres, se faisaient de larges sourires en se remémorant le bon vieux temps, ayant chacun un compliment pour tous les présents, réunis autour d’un Valéry Giscard d’Estaing qui n’aime jamais autant que d’être le centre de toutes les attentions
Sans doute, sa contribution la plus évidente au Centrisme...
On sentait cette atmosphère d’anciens combattants, heureux de se retrouver après bien des guerres… perdues.
Mais cette réunion de la nostalgie pose plusieurs questions.
La première: fallait-il que les leaders centristes répondent à l’invitation de cet institut Lecanuet?
Organisme au financement assez mystérieux et dont la filiation politique avec Lecanuet est plus que discutable, il est présidé par un certain Yves Pozzo di Borgo, sénateur improbable de Paris.
Ce personnage aux idées plutôt courtes et aux tweets inconséquents mais à l’entregent assez grand, est un véritable admirateur de Vladimir Poutine, n’hésitant pas à se rendre en Crimée occupée par les troupes russes et à poser dans un t-shirt insultant un authentique centriste, Barack Obama, sourire aux lèvres.
Et le voilà qui organise un événement fêtant une Europe incapable d’agir dans la crise ukrainienne et d’empêcher les bombes russes de tomber sur Alep en tuant des civils innocents, dont beaucoup d’enfants, pendant que se déroulait ce dîner entre amis.
On ne pouvait s’empêcher de penser que tout ce beau monde présent dont de nombreux centristes, n’étaient guère regardant sur l’identité de l’hôte et ses prises de position pourtant publiques.
La deuxième: fallait-il célébrer un Valéry Giscard d’Estaing pour sa création de l’UDF – avec d’autres, en particulier Jean Lecanuet et Jean-Jacques Servan-Schreiber – alors qu’il la quitta avec pertes et fracas pour prendre sa carte à l’UMP, la machine à broyer les centristes?!
Si Giscard a certainement été le plus centriste des présidents de la république, il n’a jamais été un centriste, loin de là.
Et son élection en 1974 marque, pour la première fois, le constat d’un Centre incapable d’aller à la bataille présidentielle comme il le fit en 1965 avec Lecanuet et en 1969 avec Poher.
Ces dernières années, VGE a d’ailleurs pris de très grandes distances avec le Centre, préférant se rapprocher de Nicolas Sarkozy.
D’ailleurs, il n’a jamais appelé à voter pour François Bayrou, celui qui lui a piqué à la hussarde son enfant, l’UDF.
Quant à son affirmation comme quoi «L’UDF n’est pas née d’un calcul politicien ni de considérations électorales mais de la conviction de gens qui se rejoignaient au centre», il vaut mieux prendre ce gros mensonge comme un symptôme de son grand âge, venant de quelqu’un qui, en plus, a toujours affirmé qu’il n’était pas centriste.
Et quand le fameux Pozzo di Borgo prononça cette phrase qui restera sûrement dans les livres d’histoire en sa direction, «Nous avons fait l’Europe parce que vous l’avez faite», il a oublié – mais le savait-il? – que le vrai père français de l’Europe s’appelle Robert Schuman, un vrai centriste celui-là, à qui l’on peut évidemment associer Jean Monnet, homme de gauche.
La troisième: fallait-il oublier le passé chaotique de l’UDF qui fait que le présent centriste est un champ de ruines?
Ces retrouvailles avaient en effet quelque chose de surréaliste mais aussi d’indécent.
Comment des gens qui s’ignorent, refusent de se parler et s’accusent mutuellement de ne pas être de vrais centristes pouvaient célébrer ensemble un parti qui, à partir de 1988, s’est effrité avant de s’effondrer, ayant perdu pratiquement tous ses députés et n’ayant plus aucune influence notable dans le paysage politique et cela principalement de leur faute.
On aurait préféré une fête annonçant la naissance d’un nouveau parti centriste, tourné vers l’avenir et uni avec un vrai projet et un programme présidentiel consistant.
Oui, là, on n’aurait pu s’embrasser et se féliciter du tour de force accompli en tournant le dos à un passé qui semble être la seule chose que beaucoup de centristes ont encore en commun et dont ils peuvent se vanter.

Jean-François Borrou



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