François Bayrou & Alain Juppé |
En clôturant les «universités de rentrée» de son Mouvement
démocrate par un discours fleuve, François Bayrou s’est lancé dans une longue
présentation de ses positions politiques ainsi que dans une justification
lyrique du soutien qu’il accorde à Alain Juppé pour la présidentielle de 2017.
Ce sont les arguments traditionnels que Bayrou utilise
largement depuis des mois qu’il a resservi aux militants de son parti mais en
les étoffant de plus en plus avec son propre – programme électoral? – projet
politique.
Ce soutien apparaît alors pour ce qu’il est, une
présentation de ses propres positions en vue de sa possible candidature (qui
sera effective au cas où Juppé sera battu à la primaire par Sarkozy).
Mais le portrait qu’il fait de Juppé, parfois un tantinet
dithyrambique, ressemble à s’y méprendre à un autoportrait, à celui qu’il
vendra s’il est «obligé» de se présenter en cas de défaite du maire de Bordeaux.
Bien sûr, François Bayrou nie toute volonté de jouer au
billard à plusieurs bandes, selon l’expression qu’il a employé lui-même, et ne
manque pas une occasion de jouer l’indigné lorsque l’on évoque devant lui son
soutien en trompe l’œil ou sa propre promotion derrière ses serments de
fidélité à Juppé.
Pour autant, personne n’est véritablement dupe que ce soit
du côté des politologues que de celui de l’équipe de campagne d’Alain Juppé
mais aussi de celui de ses militants dont beaucoup ne souhaitent pas soutenir
un homme venu du RPR et, surtout, créateur de l’UMP, cette machine
anti-centriste voulue par Chirac au sortir de la présidentielle de 2002 sous
couvert de construire un parti afin d’endiguer la montée de ce Front national
qui culmine désormais dans les sondages et gagne des élections...
Ainsi, dans un raisonnement que l’on pourrait prendre pour
spécieux voire fumeux, il fait de la candidature de Juppé la condition du
renouveau du Centre (un peu comme il l’avait fait lors de son soutien à Edouard
Balladur, avec le succès que l’on sait…).
Sauf si on comprend derrière les lignes que c’est évidemment
de sa possible candidature en cas d’échec de Juppé qu’il parle et de l’unité des
centristes qu’elle provoquera selon lui.
Qu’on en juge:
«C’est une chance sans précédent de changer la vie politique
du pays, de réunir des forces jusque-là éparses, de faire renaître en même
temps le grand courant du Centre français. Car j’en ai la conviction, tous ceux
qui appartiennent à ce grand courant du centre, et qui l’aiment, tous ceux-là
vont soutenir Alain Juppé. C’est un ferment d’unité pour le pays, et pour la
famille du Centre que nous avons la mission de reconstruire».
Dans cette envolée lyrique, il faut remplacer «Alain Juppé»
par «François Bayrou» sinon on ne peut comprendre la ferveur avec laquelle il
en parle, qui ne sied pas à un soutien politique pour un homme d’un autre parti
sauf à un militant de base au zèle proche de la dévotion.
De même pour les qualités de Juppé qui ressemblent
étrangement à celles dont Bayrou se parent depuis des années: homme d’Etat et
d’honneur, courageux, volontaire, de parole, solide, responsable, qui parle
vrai et fait passer l’intérêt général avant son intérêt particulier.
Aujourd’hui, oui, le leader du MoDem doit être irréprochable
dans son soutien à Juppé.
Non pas pour une quelconque morale politique mais parce
qu’il a tout à y gagner électoralement parlant.
Si demain Juppé gagne la primaire, il pourra dire que c’est
en partie grâce à lui et demandera beaucoup pour l’après-présidentielle, tant
en matière de places au gouvernement qu’au Palais Bourbon.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il a redit que les principaux
soutiens du maire de Bordeaux à la primaire étaient les centristes, sondages à
l’appui.
Et au cas où Juppé perd la primaire, il pourra apparaître
aux yeux des électeurs LR et de droite de l’ancien premier ministre de Jacques
Chirac – qui sont très nombreux à être très fortement anti-Sarkozy et qui
pourraient rallier un candidat qui l’est tout autant qu’eux – comme un homme à
la fidélité sans faille qui se propose de reprendre le flambeau de leur héraut
avec un positionnement proche, donc droito-compatible comme Juppé est
centro-compatible.
La conclusion du discours qu’il a prononcé à Guidel, avec la
référence obligée au Général de Gaulle, est d’ailleurs un habile exercice où
Juppé n’est plus cité, remplacé par un «nous» et qui pourrait être, sans aucun
problème, la conclusion d’une déclaration de candidature:
«Notre mission est le retour de la confiance dans notre
pays. Je crois que la confiance est la clef du débat public, la clef de
l’adhésion des citoyens, la clef du développement, la clef de l’investissement,
la clef de l’économie, la clef de l’innovation. C’est la clef qui ouvre toutes
les serrures dans un pays. Il se trouve que lorsque le Général De Gaulle est
revenu aux affaire en 1958, en quatre ans il a rebattit la confiance du pays.
Je suis persuadé que nous pouvons le faire. Il suffit d’identifier les
questions et de s’engager pleinement, sans faux semblant, sans masque, sans
ruse, dans la résolution de ces questions. On a besoin de femmes et d’hommes publics
qui croient à leur mission, qui font passer l’intérêt général avant leur
intérêt particulier, qui parlent vrai, qui parlent clair, qui n’ont pas peur du
jugement de leurs concitoyens. Et j’en suis sûr il n’en faudra pas davantage
pour le regard change. Il n’en faudra pas davantage pour que renaisse l’estime
des citoyens par rapport à ceux qui les représentent et à qui ils confient la
charge de les gouverner. Et c’est l’estime qui ramène la confiance. Et c’est
cela notre mission, et c’est cela notre engagement. Voilà notre contrat avec
les français, voilà sur quoi nous avons décidé de mener le combat, et de rendre
à la France, si souvent déçue, si souvent trahie, ce dont elle a besoin pour
vivre et pour se redresser, son espoir, et sa confiance.»
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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