lundi 26 septembre 2016

Une Semaine en Centrisme. Quand il parle de Juppé, Bayrou parle en réalité de lui

François Bayrou & Alain Juppé
En clôturant les «universités de rentrée» de son Mouvement démocrate par un discours fleuve, François Bayrou s’est lancé dans une longue présentation de ses positions politiques ainsi que dans une justification lyrique du soutien qu’il accorde à Alain Juppé pour la présidentielle de 2017.
Ce sont les arguments traditionnels que Bayrou utilise largement depuis des mois qu’il a resservi aux militants de son parti mais en les étoffant de plus en plus avec son propre – programme électoral? – projet politique.
Ce soutien apparaît alors pour ce qu’il est, une présentation de ses propres positions en vue de sa possible candidature (qui sera effective au cas où Juppé sera battu à la primaire par Sarkozy).
Mais le portrait qu’il fait de Juppé, parfois un tantinet dithyrambique, ressemble à s’y méprendre à un autoportrait, à celui qu’il vendra s’il est «obligé» de se présenter en cas de défaite du maire de Bordeaux.
Bien sûr, François Bayrou nie toute volonté de jouer au billard à plusieurs bandes, selon l’expression qu’il a employé lui-même, et ne manque pas une occasion de jouer l’indigné lorsque l’on évoque devant lui son soutien en trompe l’œil ou sa propre promotion derrière ses serments de fidélité à Juppé.
Pour autant, personne n’est véritablement dupe que ce soit du côté des politologues que de celui de l’équipe de campagne d’Alain Juppé mais aussi de celui de ses militants dont beaucoup ne souhaitent pas soutenir un homme venu du RPR et, surtout, créateur de l’UMP, cette machine anti-centriste voulue par Chirac au sortir de la présidentielle de 2002 sous couvert de construire un parti afin d’endiguer la montée de ce Front national qui culmine désormais dans les sondages et gagne des élections...
Ainsi, dans un raisonnement que l’on pourrait prendre pour spécieux voire fumeux, il fait de la candidature de Juppé la condition du renouveau du Centre (un peu comme il l’avait fait lors de son soutien à Edouard Balladur, avec le succès que l’on sait…).
Sauf si on comprend derrière les lignes que c’est évidemment de sa possible candidature en cas d’échec de Juppé qu’il parle et de l’unité des centristes qu’elle provoquera selon lui.
Qu’on en juge:
«C’est une chance sans précédent de changer la vie politique du pays, de réunir des forces jusque-là éparses, de faire renaître en même temps le grand courant du Centre français. Car j’en ai la conviction, tous ceux qui appartiennent à ce grand courant du centre, et qui l’aiment, tous ceux-là vont soutenir Alain Juppé. C’est un ferment d’unité pour le pays, et pour la famille du Centre que nous avons la mission de reconstruire».
Dans cette envolée lyrique, il faut remplacer «Alain Juppé» par «François Bayrou» sinon on ne peut comprendre la ferveur avec laquelle il en parle, qui ne sied pas à un soutien politique pour un homme d’un autre parti sauf à un militant de base au zèle proche de la dévotion.
De même pour les qualités de Juppé qui ressemblent étrangement à celles dont Bayrou se parent depuis des années: homme d’Etat et d’honneur, courageux, volontaire, de parole, solide, responsable, qui parle vrai et fait passer l’intérêt général avant son intérêt particulier.
Aujourd’hui, oui, le leader du MoDem doit être irréprochable dans son soutien à Juppé.
Non pas pour une quelconque morale politique mais parce qu’il a tout à y gagner électoralement parlant.
Si demain Juppé gagne la primaire, il pourra dire que c’est en partie grâce à lui et demandera beaucoup pour l’après-présidentielle, tant en matière de places au gouvernement qu’au Palais Bourbon.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il a redit que les principaux soutiens du maire de Bordeaux à la primaire étaient les centristes, sondages à l’appui.
Et au cas où Juppé perd la primaire, il pourra apparaître aux yeux des électeurs LR et de droite de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac – qui sont très nombreux à être très fortement anti-Sarkozy et qui pourraient rallier un candidat qui l’est tout autant qu’eux – comme un homme à la fidélité sans faille qui se propose de reprendre le flambeau de leur héraut avec un positionnement proche, donc droito-compatible comme Juppé est centro-compatible.
La conclusion du discours qu’il a prononcé à Guidel, avec la référence obligée au Général de Gaulle, est d’ailleurs un habile exercice où Juppé n’est plus cité, remplacé par un «nous» et qui pourrait être, sans aucun problème, la conclusion d’une déclaration de candidature:
«Notre mission est le retour de la confiance dans notre pays. Je crois que la confiance est la clef du débat public, la clef de l’adhésion des citoyens, la clef du développement, la clef de l’investissement, la clef de l’économie, la clef de l’innovation. C’est la clef qui ouvre toutes les serrures dans un pays. Il se trouve que lorsque le Général De Gaulle est revenu aux affaire en 1958, en quatre ans il a rebattit la confiance du pays. Je suis persuadé que nous pouvons le faire. Il suffit d’identifier les questions et de s’engager pleinement, sans faux semblant, sans masque, sans ruse, dans la résolution de ces questions. On a besoin de femmes et d’hommes publics qui croient à leur mission, qui font passer l’intérêt général avant leur intérêt particulier, qui parlent vrai, qui parlent clair, qui n’ont pas peur du jugement de leurs concitoyens. Et j’en suis sûr il n’en faudra pas davantage pour le regard change. Il n’en faudra pas davantage pour que renaisse l’estime des citoyens par rapport à ceux qui les représentent et à qui ils confient la charge de les gouverner. Et c’est l’estime qui ramène la confiance. Et c’est cela notre mission, et c’est cela notre engagement. Voilà notre contrat avec les français, voilà sur quoi nous avons décidé de mener le combat, et de rendre à la France, si souvent déçue, si souvent trahie, ce dont elle a besoin pour vivre et pour se redresser, son espoir, et sa confiance.»

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC



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