Plus l’élection présidentielle se rapproche, plus François
Bayrou se prépare à être candidat en répétant à l’envie qu’il fera ce qu’il
faut si Alain Juppé ne l’est pas.
Et s’il ne met sans doute pas un cierge à l‘église
Saint-Jacques de Pau pour que le maire de Bordeaux se ramasse à la primaire de
LR, tout son comportement montre qu’il ne serait pas mécontent d’aller
ferrailler contre les Sarkozy, Hollande et autre Le Pen.
La baisse de Juppé dans les sondages, notamment ceux sur la
primaire, donne désormais de plus en plus de raisons d’espérer au président du
Mouvement démocrate.
Car la fidélité à l’ancien premier ministre de Jacques
Chirac est loin d’être en béton.
Il s’appuie en grande partie sur des chiffres.
Si Juppé est candidat, Bayrou n’a strictement aucune chance
de bien figurer dans la compétition présidentielle.
Il serait laminé, nettement derrière tous les candidats
sérieux et perdrait, du même coup, tout pouvoir de négociation avec Juppé pour
l’après-présidentielle.
Personne de sérieux ne pense que si Bayrou distançait Juppé
dans les sondages, il ne se présenterait pas.
Donc, il faut que Juppé trébuche face à Sarkozy pour
permettre l’envol de Bayrou.
Bien sûr, les sondages ne sont guère encourageants pour ce
dernier, avec une baisse inquiétante ces dernières semaines.
Reste que dans ce domaine comme dans d’autres, voire plus,
rien n’est figé.
Mais ce qui est le plus important pour notre démonstration,
c’est d’abord la déclaration d’amour que François Bayrou a fait à propos de
l’élection présidentielle.
Lors d’une interview sur la chaîne Public Sénat, il s’est
lâché en déclarant:
«Oui et c’est une expérience utile, croyez-moi! Je vais vous
répondre simplement. Est-ce que j’aime cette élection? Oui! J’ai vécu ce qu’est
la rencontre d’un candidat et d’un peuple de citoyens. Ceci est tout à fait
exaltant et enthousiasmant. Cela dit je ne suis pas là pour me faire plaisir.
C’est important de montrer, dans un moment où nous sommes, que quelqu’un qui a
un socle de voix et d’opinions positives, est capable de dire: «je suis prêt à
soutenir quelqu’un d’autre.» Je trouve que ça apporte quelque chose. A la
question: ‘redoutez-vous cette élection?’, ma réponse est non. Et à la question
‘aimez-vous cette élection?’, ma réponse est oui.»
Cette tirade n’est pas aussi surprenante qu’on pourrait le
penser.
Toutes les analyses concernant la présidentielle montrent
que les électeurs choisissent avant tout quelqu’un qui veut absolument le
poste, quelqu’un qui se bat pour l’avoir, quelqu’un qui aime cette compétition pour
le pouvoir et qui veut plus que tout exercer ce dernier.
Mine de rien, Bayrou fait ici un acte de candidature évident
nonobstant sa «fidélité» à Juppé.
Quant au portrait du candidat Bayrou modelé petit à petit
par le non-candidat Bayrou, écoutons comme il émerge au fil de ses
interventions médiatiques.
Toujours sur le plateau de Public Sénat, la «grande question
qui doit être posée», selon lui, «c’est le renouvellement de notre démocratie
française. L’idée qu’il faille à tout prix saisir les prochaines échéances pour
que quelque chose de fondamental change dans la manière dont les français
puissent jouer leur rôle pour l’avenir du pays, faire entendre leur voix et être
considérés».
Néanmoins, attention, il ne faut pas mal interpréter ses propos, ce
«renouvellement» ne passe pas par une cure de jouvence du personnel politique,
en tout cas de celui qui se présente à la présidentielle car «c’est comme si
vous disiez: ‘c’est dommage que sur une route extrêmement dangereuse il n’y ait
pas des gens nouveaux pour conduire le car dans lequel il y a des enfants’.»
Traduction, pour celui qui en serait à se quatrième campagne
pour l’Elysée « La politique dans la fonction de Président de la République
exige d’avoir des gens qui renouvellent le système avec une pensée neuve mais
qui aient assez d’expérience, de maturité et de capacité de rassemblement (…) Ce
n’est pas une question d’âge. C’est une question de capacité à penser l’avenir
et une question de vision, et en même temps d’expérience de l’Etat dans toutes
ses couches car ce n’est pas tout à fait rien d’avoir la maitrise de l’avenir
d’un pays par délégation des citoyens».
Celui qui répond à cette définition: François Bayrou, bien
sûr.
Au micro de RTL, après le Brexit, «c’est le moment des
hommes d’État, c’est le moment des gens qui ne passent pas leur temps à ruser
et à faire du slalom entre les différents piquets pour que l’on ne sache pas ce
qu’ils pensent ou bien qui choisissent d’aller à tous les coups dans le sens de
l’opinion et vers ce qui flatte les gens. C’est un moment où on a besoin de
gens qui aient une vision, qui puissent l’exprimer (…)».
Voilà qui ressemble beaucoup à l’image que François Bayrou
veut donner de lui.
Comme le portrait de Michel Rocard dressé dans le communiqué
qu’il a publié après son décès
Ce dernier a nombre de points communs avec le président que
voudrait être Bayrou une fois à l’Elysée celui d’«un innovateur politique et un
homme de rassemblement».
Un homme qui choisit «de rompre avec les idéologies fermées
et l'esprit de sectarisme» et qui souhaite «constamment (…) que la vie
politique prenne en compte les réalités économiques et sociales et (qui) très
souvent choisi(t) de faire des pas en direction de ceux qui partageaient les
mêmes valeurs sans avoir les mêmes étiquettes».
Et il en a rajouté une couche lors de son passage du BFMTV
en étant encore plus direct dans sa comparaison entre Rocard et lui-même.
Pour lui l’ancien leader de la deuxième gauche représentait
une sorte de «part d’idéal aux prises avec le réel».
«Jamais l’idéal qui était le sien n’a été mis de côté. Il a
toujours pensé que l’on pouvait avoir un idéal et le faire entrer dans la
réalité. J’ai toujours pensé que là était la véritable ligne et que notre
effort à tous devrait aller dans ce sens-là».
Et à savoir si avec la disparition de l’ancien premier
ministre de François Mitterrand, on a perdu la «capacité d’y croire», il répond
«Moi, je n’ai rien perdu de cette exigence-là».
Et il se sent dans «le même esprit c’est certain, l’esprit
de ceux qui refusent d’abandonner les choses les plus précieuses auxquelles ils
croient simplement parce que les réalités de sondages ou l’intérêt électoral ou
les règles des institutions les en empêchent. Il faut comprendre que l’on a
entre les mains, quand on est un militant civique – la plus haute idée que l’on
puisse se faire de la politique est la citoyenneté – la responsabilité de
l’évolution du monde, on ne doit jamais renoncer à changer le monde, il me
semble que c’est la preuve la plus évidente d’un engagement civique réel».
Et l’on pourrait prendre d’autres déclarations de François
Bayrou qui vont toutes dans le même sens: le meilleur président de la
république a beaucoup de traits qu’il s’attribue.
En tout cas beaucoup plus que ceux d’Alain Juppé.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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