Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur
une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une
vision centriste. Septième numéro consacré à la réponse du Centrisme aux
questions essentielles de la justice et de l’injustice, de l’égalité et de
l’inégalité, de la ressemblance et de la différence.
- Le Centrisme est pour l’égalité politique mais pour la
justice et non l’égalité sociale et économique, c’est-à-dire pour une égalité
d’opportunité mais non de condition.
Tout être humain est en effet égal à un autre nonobstant
leurs différences ontologiques qui créent leur exceptionnalisme.
En revanche, si chacun a le droit à une égalité
d’opportunité, il ne serait question, pour le Centre que cela se transforme en
égalité sociale et économique, au nom même de la différence mais aussi, tout
simplement, de l’efficacité d’une société où les plus capables et les plus
travailleurs méritent d’être récompensés plus que les autres qui, eux, ne
doivent pas, au nom de la solidarité, être à la merci de difficultés
matérielles et psychiques.
En cela, le Centrisme prône une méritocratie solidaire.
Pour atteindre cet état d’égalité politique et d’égalité
d’opportunité, le Centrisme compte sur le principe de juste équilibre.
Le Centrisme n’est donc pas un égalitarisme mais un «méritocratisme».
- Les trois égalités et le Centre
On distingue trois égalités: l’égalité naturelle, l’égalité
ontologique et l’égalité sociale.
La première, l’égalité naturelle n’existe pas et n’existera
jamais.
On peut même dire que l’on est, dans ce cadre, dans une
a-égalité qui aboutit à une a-justice mais qui sont à la base de ce qui est le
plus cher à chaque être humain, sa différence ontologique, le fait qu’il est
unique.
C’est même pourquoi il faut souhaiter qu’elle n’existe
jamais.
La deuxième est l’égalité ontologique, l’égalité de
condition humaine, qui est primordiale (que certains libéraux appellent
faussement la liberté naturelle en ce qu’elle préexiste à la naissance même de
l’individu, ce qui est vrai, mais qui n’est garantie que par la vie en société,
société qui, elle, est le contraire de la nature ou, en tout cas, son
prolongement organisé).
C’est celle qui fait que tout être humain est égal à un
autre, que la société dans laquelle il vit doit lui garantir, au nom de cette
égalité ontologique, l’accès aux mêmes droits que les autres et aux mêmes opportunités
que les autres de réussir dans sa vie.
Bien entendu, cela signifie qu’il est assujetti également
aux mêmes devoirs.
Sans cette égalité ontologique, pas de respect, pas de
démocratie républicaine.
C’est, en outre, pour les centristes, cette égalité qui est
indispensable pour que tout individu inséré dans une société dispose du statut
de personne.
Cette égalité est aussi égalité politique ou l’égalité de
condition (que Tocqueville regroupe en deux sortes d’égalité, l’égalité des
statuts juridiques et l’égalité des droits politiques).
La troisième est l’égalité sociale ou l’égalité des besoins
(que Tocqueville appelle égalité des conditions de l’existence matérielle), là
où est le terrain de prédilection de l’idéologie de l’égalitarisme.
Elle n’est pas donnée et pas souhaitable parce que la
condition sociale d’une personne dépend du mérite, c’est-à-dire de la mise en œuvre
effective des qualités de chacun grâce à son travail.
Et ceci est également primordial pour l’avancée de la
société, le progrès de toute la communauté.
Car c’est parce que cette égalité se mérite et que la
liberté est la règle en la matière que le progrès a été possible au cours des
âges.
C’est ici que se place une des critiques de l’égalitarisme.
L’autre se trouve dans la différence entre les «droits de»
et les «droits à».
L’égalitarisme qui voudrait que tout le monde puisse faire
la même chose au nom des «droits à» est souvent catastrophique si elle est mise
en pratique.
Reste qu’évidemment la société doit apporter des correctifs
à cette inégalité sociale en mettant en œuvre des mécanismes pour garantir au
mieux à tous ses membres l'accès aux besoins de base (nourriture, boisson,
logement, accès au savoir et à la santé, possibilité de trouver un travail,
etc.).
- En démocratie républicaine, il y a une évidence politique:
tous les nouveaux nés naissent égaux en droits.
Mais il y a une autre évidence,
sociale celle-là: tous les nouveaux nés, avant même d’être dans un quelconque
environnement social spécifique, n’ont pas la même chance de réussir dans la
vie.
De même, tous les enfants n’ont
pas la chance de se retrouver dans un environnement où ils peuvent s’épanouir
et être à même de réussir leur vie.
Reste que l’idée du Centrisme
n’est pas de prendre la chance de certains pour la donner aux autres, encore
moins de jouer le statu quo au nom d’une réalité inchangeable, mais bien
d’augmenter les chances des enfants vivant dans les familles les plus démunies
pour qu’elles soient de plus en plus proches des enfants vivant dans les
familles les plus aisées sans pour autant diminuer les chances de ces derniers.
Car l’important n’est pas de nier
la méritocratie, c’est-à-dire la possibilité pour les plus méritants de réussir
mieux que les autres mais de donner à chacun la même opportunité qu’à tous les
autres de pouvoir réussir.
Si chacun a réellement et
concrètement sa chance, alors, en tant qu’adultes, tous les individus doivent
s’assumer même s’ils doivent être aidés par la société en cas d’accidents de la
vie.
Bien sûr, l’égalité des
opportunités, c’est-à-dire de réussir grâce à son mérite, cela pose la question
de savoir si ce sont les familles que l’on doit aider ou les individus.
Car un enfant vit dans une
famille et en faisant en sorte qu’il possède une chance de réussite, on agit
sur le milieu familial.
Pour autant, pour les centristes,
il s’agit d’aider l’enfant en premier lieu et la famille seulement par ricochet.
Mais que l’enfant puisse
développer toutes ses potentialités passe évidemment par un environnement le
meilleur possible et le premier et indispensable cercle qui est fondamental
dans le plein exercice de ses capacités est la famille.
Dès lors, à côté d’une politique
exclusivement dédiée à l’enfant, il faut également une politique familiale qui
assure le socle nécessaire à l’épanouissement de l’enfant.
- Ne pas confondre inégalité et injustice ainsi que l’égalité
des chances avec l’égalité de résultat.
Ce n’est pas l’inégalité sociale le problème principal mais
bien l’injustice sociale.
Ainsi, s’il est important que chaque individu soit égal à un
autre, qu’il naisse égal et que la méritocratie lui permette de se faire la
place qu’il mérite dans la société tout en lui permettant de vivre ses
différences, c’est bien le juste que la société doit permettre et non l’égal.
La justice est bien plus importante socialement parlant que
l’égalité qui demeure prégnante en matière politique.
C’est l’ordre juste et non l’égalitarisme qui est important,
tout autant par une vision humaniste qu’utilitarisme, c’est-à-dire d’efficacité
de la société dans ce qu’elle doit permettre, la réalisation du maximum des
potentialités de chacun afin que non seulement celui lui permette de vivre sa
vie harmonieusement mais que sa réussite personnelle permette à la société
d’être plus équilibrée et plus harmonieuse.
En revanche, l’égalité de condition est la base à une
justice sociale qui n’est pas synonyme d’égalité sociale.
Car la justice est de donner à chacun selon son mérite.
Par exemple, il est juste que celui qui veut travailler ait
un revenu supérieur à celui qui ne veut pas travailler.
C’est une simple question d’équité.
En revanche, celui qui peut travailler ne peut pas se
prévaloir de cette aptitude pour refuser à celui qui ne peut pas travailler
d’obtenir une aide de la société.
Mais, dans l’un ou l’autre cas, c’est de justice sociale
qu’il s’agit et non d’égalité sociale.
Tout cela découle de l’absence d’égalité naturelle qui est
la conséquence de l’a-justice du monde.
Une a-justice qui, si elle induit des inégalités naturelles
dommageables, est à la base de notre différence qui fonde notre bien le plus
précieux, notre individualité, le fait que nous sommes, chacun de nous,
uniques.
De même, si la société doit assurer l’égalité des chances,
elle ne peut être comptable de l’inégalité des résultats.
- Actuellement, dans les démocraties républicaines, les
sociétés montrent leur incapacité à être juste en donnant un revenu décent à
tout le monde et à récompenser mieux la méritocratie et moins le capital.
Pour autant, quelle importance s’il y a des richissimes et
de fortes inégalités de revenus s’il n’y a plus de pauvres et moins
d’injustices sociales qui ne se conçoivent pas comme des inégalités.
Ensuite, le problème de l’inégalité se pose mais seulement
après.
D’ailleurs, les Français ne sont pas contre l’inégalité mais
contre l’injustice
- L’injustice sociale, c’est l’inégalité de condition et des
chances à la naissance mais ce n’est pas l’inégalité sociale qui, elle, est, si
les deux premières n’existent pas, la résultante de la méritocratie par rapport
au travail que l’on a fourni grâce à cette inégalité naturelle qui est la
condition même de notre différence, base de notre individualité irréductible.
De ce point de vue, on peut opposer injustice et inégalité
dans le domaine social sachant qu’il faut lutter contre les injustices sociales
mais qu’il faut encourager l’inégalité sociale issue de la méritocratie et de
l’unicité de chaque individualité.
- L’ordre juste qui qualifie l’injustice sociale est celui
qui permet à tous d’avoir les mêmes chances au départ et qui permet aussi à
chacun de pouvoir réussir par rapport à ses mérites et à tous de pouvoir vivre
dans leurs différences.
- Le Centrisme s’il rejette l’égalitarisme de la Gauche
radicale, rejette également cette idée défendue par la Droite radicale selon
laquelle c’est en donnant aux plus riches (grâce aux mécanismes de l’impôt) que
la croissance économique sera boostée ce qui permettra à toute la société d’en
profiter avec la création de richesses et d’emplois dans une sorte de
redistribution a posteriori.
Cette thèse encore professée aujourd’hui a été totalement
contredite par la réalité avec, ces dernières décennies, une augmentation
indécente de la fortune des plus riches et un appauvrissement du reste de la
population, des classes défavorisées aux classes moyennes.
Ainsi, en même temps qu’il veut donner l’égalité et permettre
aux énergies de se libérer, le Centrisme veut également dans le même temps de
faire en sorte d’instituer une solidarité dans la communauté et non que
celle-ci ne tombe du ciel, voire du bon vouloir des plus riches.
- Pour que l’égalité d’opportunité existe vraiment, faut-il
qu’il y ait un continuel réajustement des conditions et doit-on mettre en place
un revenu universel?
En ce qui concerne le premier point qui est défendu par le
philosophe américain John Rawls, il est évident que les individus ne sont pas
égaux socialement à la naissance et que leur attribuer les mêmes droits à la
réussite est une mission de la société.
Pour autant, on voit bien que l’existence de ces droits
sociaux plus ou moins automatiques, pus ou moins personnalisés, peut conduire à
une dérive qui s’est déjà manifestée par le passé.
Néanmoins, tout autant que par justice que par efficacité
sociale et économique, permettre à tous de réaliser leurs potentialités permet
sans aucun doute à une communauté de vivre mieux et en meilleure sécurité.
Reste à trouver cette alchimie si difficile à constituer qui
ferait que ce réajustement des conditions sociales et la dynamique économique
fonctionnent ensemble pour le bien de tous.
En ce qui concerne le second point, le revenu universel, c’est-à-dire
une allocation versée à tous les citoyens, il est défendu par des penseurs
autant de droite que de gauche.
Devant le chômage de masse que connaissent nos sociétés postindustrielles
et la montée en puissance de la robotisation dans les entreprises, il semble
que les traditionnels emplois rémunérés sont de plus en plus en voie de
disparition.
Dès lors, sur cette richesse à disposition et par rapport à
la difficulté de fournir un emploi à tout le monde, donner un revenu de base
permettrait à chacun de se prendre en charge et de développer des projets
professionnels qui seraient bénéfiques à toute la société.
On est ici en plein dans l’égalité des opportunités.
Sans oublier que ce pouvoir d’achat nouveau doperait la
consommation et donc la croissance.
De même, les diverses allocations qui sont versées aujourd’hui
seraient supprimées pour la grande majorité, ce qui fait que ce revenu ne
coûterait pas aussi cher qu’on le pense et pourrait rapporter gros.
Les modèles développés semblent montrer l’intérêt d’un tel
revenu mais si cette idée devait être mise en pratique, il faudrait sans aucun
doute des expérimentations et un large débat dans la société.
Etude du CREC sous la direction d’Alexandre Vatimbella
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