Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à
cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Certaines images qu’ont mes confrères journalistes ont
autant la vie dure qu’elles sont fausses.
Depuis la décision de la Grande Bretagne de sortir de
l’Union européenne (tout en demeurant à l’intérieur, quel courage politique,
messieurs les Anglais!), les médias se pressent pour interviewer François
Bayrou, «le plus europhile des présidentiables» selon l’Express ou, comme le
dit avec son emphase habituelle, Claude Askolovitch sur iTélé, «François
Bayrou, s’il est un Européen, c’est vous!».
Or, tous les compagnons de route du président du Mouvement
démocrate savent bien que ce n’est pas vrai et que cela ne l’a jamais été.
Il suffit d’évoquer le sujet avec eux pour qu’ils en parlent
en long et en large pour dénoncer cette supercherie de Bayrou chef des
pro-européens.
De tous temps, même s’il est pour la construction
européenne, il a été un des centristes les plus tièdes vis-à-vis de l’Union
européenne.
Et il suffit de reprendre sa campagne lors du référendum de
2005 sur la Constitution européenne ou celle lors de la présidentielle de 2012,
pour voir son peu d’appétence pour une Europe qui va de l’avant vers un projet
fédéral.
En 2005, comme il l’a confié récemment à un journaliste, il
savait que le non allait l’emporter et donc il a décidé de ne pas s’afficher en
Européen convaincu ce qui ne l’avait pas empêché de s’en prendre à ce même
journaliste qui, à l’époque, lui avait demandé lors d’un de ses meetings
pourquoi sa campagne en faveur du oui était aussi inaudible, surtout aussi peu
enthousiaste…
Et le voilà maintenant qui, comme Marine Le Pen et Jean-Luc
Mélenchon, joue la carte populiste et démagogique en affirmant que ce sont les
élites qui sont responsables du délitement d’une Union européenne que le
peuple, ce bon peuple qui a toujours raison, n’en veut plus et qu’il est
favorable à l’organisation d’un référendum pour savoir si les Français veulent
y demeurer.
De même, il s’en prend au fédéralisme européen, la marque de
fabrique des centristes, en le jugeant carrément «inacceptable» et lui
préférant le terme «coopératif», une affirmation que n’aurait pas rejeté le
général de Gaulle, ni même certains partisans du brexit!
Quand on compare ses propos avec ceux, par exemple, de
Jean-Christophe Lagarde on est saisi par la différence de ton et de contenu.
Autant on a, en la personne du président de l’UDI, un
Européen convaincu qui martèle ses convictions en la matière à chacune de ses
interventions depuis toujours et encore plus depuis le vote de la Grande
Bretagne, autant on a, en celle du président du MoDem, un homme politique qui
regarde les sondages et qui se place pour la présidentielle.
Et sa prévention de l’Union européenne ressort, à la fois, d’une
conviction d’être le représentant du terroir français, continuateur d’une
vision gaulliste en la matière, et d’une ambition politique.
Celle-ci n’a pas grand-chose à voir avec l’idée centriste de
l’Europe développée par des Maurice Schuman, Jacques Delors (voire Jean Monnet
même s’il n’était pas du Centre) ou Jean Lecanuet et aujourd’hui des
Jean-Christophe Lagarde, des Jean Arthuis ou des Hervé Morin.
Car les vrais Européens actuellement en France, ce sont ces
derniers et ils seraient bons que leurs propos soient mieux relayés par les
journalistes au moment où l’on doit redynamiser l’Union européenne, voire même
la réanimer!
Que François Bayrou ait compris depuis longtemps que pour
gagner une présidentielle en France il faut se revendiquer de la nation avant
tout et ne pas apparaitre trop fédéraliste ou trop mondialiste, c’est son
droit.
Mais il faut alors qu’il est l’honnêteté politique de ne pas
se faire le porte-parole des plus europhiles dont il ne fait pas partie et n’a
sans doute jamais fait partie.
Car c’est sans doute avec des défenseurs de l’Europe comme
monsieur Bayrou que le rêve européen stagne depuis des décennies, pire, que les
peuples n’y voient plus guère qu’une machine bureaucratique.
Jean-François Borrou
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