Juppé & Macron, futurs alliés ou adversaires? |
La réaction agressive d’Alain Juppé à la création du
mouvement En-marche d’Emmanuel Macron montre que les deux hommes labourent le
même terrain politique, ce fameux axe central allant des gaullo-réformistes de
droite aux sociaux-libéraux de gauche en passant par les libéraux-sociaux du
Centre.
Ainsi, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac et favori
des sondages pour succéder à François Hollande à l’Elysée en 2017 a déclaré:
«Un de nos principaux ministres, celui qui est chargé de
l'Economie, qui a un très bon bilan à son actif depuis qu'il est ministre
(...), eh bien ce ministre, au lieu de s'intéresser à son métier de ministre
(...), il vient de créer un nouveau parti, pour préparer sa future trajectoire
politique. (…) Vous pensez que c'est à ça qu'un ministre doit consacrer son
temps aujourd'hui? Créer un nouveau parti plutôt que de faire son boulot de
ministre?».
Pourquoi de tels propos?
En lançant son mouvement le 6 avril dernier à Amiens, Macron
a invité tous les Français qui se reconnaissent dans son combat à la rejoindre.
Pour ce faire, il a notamment pris comme exemple des
personnes encartés à Les républicains, expliquant que la multi-appartenance
était tolérée dans son mouvement et ne lui posait aucun problème.
En cela, il dit pour les modérés de droite ce que Juppé dit
pour les modérés de gauche, le maire de Bordeaux ayant plusieurs fois fait des
appels du pied aux «déçus de François Hollande».
Or si l’axe central est assez large, il n’y a sans doute pas
la place pour Juppé et Macron, deux chefs aux dents si longues, comme dans tout
espace politique.
Dans ce contexte, on peut comprendre que l’initiative de
Macron agace Juppé, qui devient petit à petit, un concurrent direct.
Surtout s’il venait à l’idée du ministre de l’Economie d’accélérer
son calendrier et de se mettre «En-marche» dès la présidentielle de 2017 où il
pourrait, non seulement, séduire nombre d’électeurs centristes mais aussi des
électeurs LR modérés comme l’ont montré de récents reportages à la télévision,
c’est-à-dire le cœur de l’électorat juppéiste.
Et quand Jean-Pierre Raffarin, soutien du maire de Bordeaux,
affirme qu’il ne «voit aucune incompatibilité entre Alain Juppé et Emmanuel
Macron» et qu’il pense que Macron pourrait devenir le premier ministre de
Juppé, pas sûr que ce dernier soit très content d’une telle déclaration venant
de son propre camp.
Sans parler des déclarations récurrentes de leaders
centristes, tels Jean-Christophe Lagarde ou Hervé Morin, pour une fois d’accord
entre eux (!), qui ont invité Macron a prendre sa carte à l’UDI.
C'est sans doute pourquoi, certains à LR et à droite ont
déjà accusé le ministre de l’Economie de n'être qu'un sous-marin d'Hollande
contre Juppé, voire même de Fillon et Le Maire...
Evidemment, le sondage (*) que vient de réaliser Odoxa pour
iTélé et Paris Match va alimenter cette inquiétude et cette paranoïa chez Alain
Juppé et ses amis.
Ainsi, 64% des Français estiment qu’Emmanuel Macron est plus
proche d’Alain Juppé que de François Hollande (35%).
Plus préoccupant pour Juppé, 78% des électeurs de droite et
du Centre sont de cet avis.
Et 59% de ce dernier électorat soutien le lancement de
En-marche alors qu’ils ne sont que 35% de l’électorat de gauche à le faire.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
(*) Sondage Odoxa réalisé en ligne les 7 et 8 avril 2016 sur un échantillon de 1012 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points
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