Alain Juppé, François Bayrou, Emmanuel Macron |
S’il y avait un baromètre permettant de calculer l’impact
d’un coup médiatico-politique par les réactions négatives qu’il suscite auprès
des principaux concurrents de celui qui l’a réalisé, alors Emmanuel Macron a
réussi le sien avec la création de son mouvement En-marche qu’il a positionné
au «ni gauche, ni droite».
Alain Juppé avait ainsi déclaré, «Un de nos principaux
ministres, celui qui est chargé de l'Economie, qui a un très bon bilan à son
actif depuis qu'il est ministre (...), eh bien ce ministre, au lieu de
s'intéresser à son métier de ministre (...), il vient de créer un nouveau
parti, pour préparer sa future trajectoire politique. (…) Vous pensez que c'est
à ça qu'un ministre doit consacrer son temps aujourd'hui? Créer un nouveau
parti plutôt que de faire son boulot de ministre?».
C’est maintenant au
tour de François Bayrou de monter au créneau sur le plateau de Public Sénat.
Dans une longue tirade qui est tout autant une critique de
Macron qu’une défense de sa ligne politique, il dit d’abord que «le vocabulaire»
entre lui est le ministre de l’Economie «est le même» pour, tout suite après s’en
prendre au «ni droite, ni gauche» de Macron et à l’absence de fond de son projet:
«Dans cette affaire deux choses. La première est que l’on
peut au moins voir que cette bipolarisation que j’ai depuis si longtemps
diagnostiquée comme étant en fin de course, mourante et paralysante, bouge.
Cette bipolarisation s’effondre sous nos yeux et que ce soit un ministre du
gouvernement de gauche qui dise que ça n’a peu de sens d’une certaine manière
accrédite le diagnostic que j’ai porté depuis longtemps. Et puis il y a une
deuxième chose: quel est le fond de tout cela? Ou cela mène-t-il? Je suis un
homme du Centre, je n’ai jamais pensé que la Droite et la Gauche n’existaient pas.
J’ai dit que ce clivage ne pouvait plus être le clivage dans lequel nous
pouvions nous reconnaître. Je crois qu’il y a un projet original au centre. Il
y a une phrase que j’avais dite il y a longtemps, lorsque l’UMP a été créée et
que les gens disaient «On pense tous à la même chose». J'ai répondu que si nous
pensions tous la même chose, nous ne pensions plus rien! Il y a l’idée
qu’indifféremment tout le monde se retrouve sans connaitre le projet, car ce
que l’on entend n’a pas de sens ni de profondeur et ce qu’il me manque est un
projet de société dans tout cela... L’absence de fond, l’absence de projet
construit est pour moi une interrogation. Ce dont j’ai besoin est de savoir où
l’on va. Par exemple, le sentiment qu’il n’y aurait que l’économie financière
qu’il faudrait servir et qu’au fond tout le monde serait obligé de passer par
là est une petite musique que l'on entend et qui ne correspond pas à ce que moi
j’attends.»
Et, tout en affirmant qu’il ne fait pas un «procès» à Macron,
il enfonce le clou, en ajoutant, «J'ai bien regardé ces derniers temps les lois
proposées par monsieur Macron, je ne peux pas dire que je ressente qu'il y ait
eu ces derniers mois des changements profonds sur la manière dont le pays est
organisé».
Tout autant que les critiques de Juppé, celles de Bayrou
s’adressent à un électron libre qui vient se positionner sur leurs
plates-bandes, celle de la «centralité» pour Juppé et celle d’une «majorité centrale»
et du «ni-ni» de Bayrou.
Car Emmanuel Macron peut bien être celui avec qui l’on veut
bâtir une nouvelle majorité, même que l’on veut attirer dans son camp (voire
dans son parti comme pour Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin pour l’UDI),
il est surtout devenu un adversaire pour prendre le leadership de ce qu’on
appelle l’axe central qui va des réformistes de droite au sociaux-libéraux de
gauche en passant par les libéraux sociaux du Centre.
Un axe central qui se trouve, par ailleurs, légitimé par
toutes ces réactions qui montrent, en outre, qu’il est bien une force qui
pourrait s’imposer dans les années à venir sous forme d’une coalition
électorale et gouvernementale.
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