Donald Trump |
Il fut un temps où le Parti républicain avait une aile
centriste puissante, capable de rivaliser et d’affronter avec succès à la fois
l’aile conservatrice et l’aile réactionnaire.
Petit à petit, sous la pression idéologique de la droite du
parti ainsi que de sa nouvelle stratégie, la récupération de tous les
démocrates du Sud du pays, très conservateurs, voire très réactionnaires et
racistes, qui ne voulaient plus voter pour la Parti démocrate qui avait enfin
fait sa mue en devenant le parti des droits civiques, le Parti républicain a
définitivement viré à la droite de la Droite.
Le premier virage à droite d’après guerre, assez soft, fut
celui de Nixon en 1968.
Ici, on ne parle que de ces virages qui ont connu le succès
sachant que la droite républicaine tenta dès après la Deuxième guerre mondiale
de solder, sans y parvenir, l’héritage de Roosevelt et que Barry Goldwater,
homme d’extrême-droite, fut le candidat des républicains à la présidentielle de
1966 face à Johnson où il fut battu à plate couture.
Bien qu’il théorisa la récupération des démocrates du Sud et
qu’il fut un représentant de l’aile conservatrice dure, Richard Nixon gouverna
plus ou moins au centre, ne remettant pas en cause les avancées sociales et
politiques issues du New deal de Franklin Roosevelt.
Le deuxième virage à droite, plus sec, fut celui de Ronald
Reagan en 1980.
Bien que très conservateur et ancien soutient de Barry
Goldwater, héraut des démocrates d’extrême-droite, il gouverna souvent de
manière assez modérée même si la fameuse «révolution conservatrice» qu’il mit
en branle tenta d’imposer aux Etats-Unis l’ultralibéralisme thatchérien alors
en vogue au Royaume Uni.
Le troisième virage à droite, plus dur, survint en 1994 avec
l’élection d’une majorité républicaine à la Chambre des représentants du
Congrès avec l’arrivée d’idéologues très rigides et ambitieux comme Newt
Gingrich, le «speaker» (président) de cette assemblée et dont le but était de
consolider et d’étendre cette révolution conservatrice de l’ère Reagan.
Malgré tout, il put y avoir, parfois, une collaboration
assez positive entre cette majorité très à droite et le président d’alors, Bill
Clinton.
Même s’il ne faut surtout pas l’oublier, c’est de cette époque
que date cette idée chez les républicains que tout président démocrate est
illégitime à être au pouvoir avec cette tentative de destituer Bill Clinton
grâce à la procédure de l’«Impeachment».
Le quatrième virage à droite eu lieu au cours de la
présidence de George W Bush et, surtout, lors de l’élection de Barack Obama.
En 2009, lors de la prise de fonction du premier président
afro-américain qui souhaitait mettre en place sa stratégie post-partisane (des
majorités d’idées et de circonstances sur chaque projet qui seraient
transversales aux lignes politiques traditionnelles qu’elle ringardiserait),
les chefs républicains se réunirent pour décider de jouer une obstruction dure,
générale et totale, qui fut résumée par le chef des républicains au Sénat,
Mitch McConnell: faire d’Obama un «one-term president», un président à un
mandat, c’est-à-dire d’empêcher au maximum sa réélection en 2012.
Le projet échoua mais pas l’obstruction a continué jusqu’à
aujourd’hui et s’est faite d’autant plus forte que les républicains ont conquis
la majorité au Sénat en 2012.
Lors de ces multiples virages à droite, les républicains ont
perdu, à chaque fois, un nombre plus ou moins importants de centristes jusqu’à
la situation présente où il n’y en a plus qu’une poignée, et encore, pendant
que des conservateurs bien trempés tentent d’accréditer qu’ils sont le nouveau
centre du parti, voire de la vie politique américaine (comme par exemple Marco
Rubio actuellement).
Le grand paradoxe qui a pu faire croire que le Parti
républicain possédait encore une aile centriste fut leurs quatre derniers
candidats à la présidentielle, George H Bush, George W Bush, John McCain et
Mitt Romney, tous des conservateurs bon teints mais ouverts à un certain
consensus ainsi qu’à la possibilité de compromis et qui furent choisis pour
leur «electability», leur propension à se faire élire dans un pays où l’électorat
modéré a été jusqu’à présent majoritaire.
Mais ce choix d’un modéré ne sera pas celui des républicains
de 2014 au vu des résultats des quatre première primaire dont la dernière,
celle du Nevada, a mis en dernière position le conservateur le moins éloigné du
Centre (mais néanmoins très loin de celui-ci), John Kasich, un des grands
législateurs de l’ère Reagan.
Car le mach devrait se jouer entre le populiste démagogue Donald
Trump (qui a remporté plus de 45% des voix au Nevada) et le conservateur sans
état d’âme mais opportuniste Marco Rubio (deuxième avec plus de 22% des voix)
et, peut-être, l’homme de l’extrême-droite, Ted Cruz (troisième avec un peu
plus de 21% des voix).
Et si c’est Trump qui l’’emporte, comme le prédisent
désormais des spécialistes, le Parti républicain qui a attisé sans cesse la
haine et le ressentiment vis-à-vis du monde politique de son électorat et de
ses militants ces dernières décennies ne pourra s’en prendre qu’à lui-même.
Ce serait d’ailleurs un sacré pied de nez que les
républicains se voient débordés par Donald Trump dont les fondamentaux
populistes sont souvent loin des positions conservatrices de l’establishment du
parti.
Mais à force de jouer avec le feu, cet establishment ne
pourra s’en plaindre même si cela éloigne le parti encore un plus du centre de
l’échiquier politique et, peut-être, de la Maison blanche pour longtemps.
A moins que la rage des Américains, réelle en 2016, puisse
vraiment renverser les montagnes en sa faveur.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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