Bernard Tapie & Donald Trump |
Dans une interview au JDD, Bernard Tapie vient d’annoncer
son retour en politique.
On se rappelle que dans les années 1990, il avait été député
des Bouches-du-Rhône ainsi que ministre de la Ville de François Mitterrand et
qu’il avait voulu briguer la mairie de Marseille avant d’être déclaré
inéligible.
Si son objectif est de faire à nouveau barrage au Front
national en se dressant sur la route de Marine Le Pen comme il l’avait fait
pour le père de celle-ci avec un certain succès ainsi que de proposer un plan
anti-chômage des jeunes en se targuant de sa réussite dans les affaires, il
laisse la porte ouverte à un avenir autrement plus grand avec la possibilité de
se présenter à la prochaine présidentielle en 2017.
Cette annonce ainsi que le profil de Bernard Tapie font tout
de suite penser à un autre homme d’affaires… l’Américain Donald Trump.
Tous les deux sont des hommes forts en gueule, narcissiques
et qui sont dans des challenges constants.
Même si Bernard Tapie a tâté de la politique avant que Trump
ne s’y lance vraiment (mais à chaque élection présidentielle américaine passée,
ce dernier déclarait qu’il allait être candidat), c’est bien aujourd’hui en
«Trump français» qu’il faut présenter l’ancien président de l’Olympique de
Marseille, d’autant qu’on ne peut pas écarter que son choix de revenir dans
l’arène publique n’a pas été confortée par le parcours actuel du promoteur
newyorkais en tête dans les sondages pour la primaire républicaine qui doit
désigner le candidat du parti pour 2016.
Voyons quelles sont les similitudes et les différences entre
les deux hommes.
1) Les similitudes
- Forts en gueule et disent ce qu’ils pensent: Bernard Tapie
et Donald Trump ont l’image médiatique de ceux qui parlent haut et fort, sans
tabous, et qui disent ce qu’ils pensent.
En outre, ce sont des bêtes médiatiques avec une capacité
évidente de maîtriser l’outil télévisuel à leur profit.
Même si la sincérité de leurs propos peut parfois être mise
en doute avec leur propension au populisme et à la démagogie, il s’agit, malgré
tout, de la vision que le grand public a des deux hommes.
- Hommes d’affaires qui ont fait plusieurs fois faillites et
qui ont réussi plusieurs fois: si Donald Trump est l’héritier d’un riche
promoteur et Bernard Tapie est l’homme qui vient du peuple, tous les deux ont
cultivé l’image de celui qui a réussi grâce à ses efforts et ses qualités.
De même, tous les deux sont vus comme des personnes qui
prennent des risques.
Tout comme Bernard Tapie (qui risque une nouvelle faillite),
Donald Trump a connu des revers de fortune (il a fait plusieurs fois faillite)
et a rebondi à chaque fois. Cette capacité de rebond est d’ailleurs une de
leurs caractéristiques qui les rendent populaires.
- Nomades politiques de la Droite à la Gauche en passant par
le Centre: les deux hommes ont des parcours politiques pour le moins
éclectiques pour ne pas dire opportunistes.
Donald Trump a été démocrate (soutenant Bill Clinton), il
est désormais républicain mais menace de se présenter comme «independent».
Son programme emprunte tant à la Droite, à la droite de la
Droite et à la Gauche qu’à la gauche de la Gauche, ce qui lui permet de
ratisser large même si ses opposants montrent que celui-ci n’a en réalité ni
queue, ni tête.
Tapie a été ministre du socialiste François Mitterrand en
1992 et 1993, a soutenu le droitiste Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de
2007 et a été à la tête d’une liste de centre-gauche aux européennes de 1994.
Sans oublier que son avocat personnel a été pendant des
années Jean-Louis Borloo, le fondateur du parti de centre-droit, l’UDI.
- Ils sont des hommes en dehors du système: Même si Bernard
Tapie a fait de la politique il a été rejeté globalement par le monde politique
tout comme l’est Donald Trump actuellement.
Ainsi, de la Droite à la Gauche, ils suscitent la même
hostilité, ce qui leur donne du crédit auprès d’une partie non-négligeable de
la population.
- Ils ont plus des fans que des soutiens politiques: tant
Bernard Tapie que Donald Trump sont l’objet d’un puissant rejet ou d’une tout
aussi puissante sympathie qui ressemble fort à celle d’un fan plutôt que celle
suscitée par une adhésion à leur vision ou leur programme politiques.
- Ils sont de la même génération: Bernard Tapie, né en 1943,
est l’aîné de trois ans de Donald Trump, né en 1946.
Ils font partie de cette génération des «baby boomers» et
leur parcours épouse tous les succès mais aussi tous les problèmes et les
contradictions qu’ont connus les sociétés occidentales au cours de
l’après-guerre jusqu’à nos jours.
2) Les différences
- Bernard Tapie n’a plus l’aura d’il y a quelques années
alors que Donald Trump a le vent en poupe: mais cette situation pourrait
changer avec l’annonce de Tapie de revenir en politique.
De même, Donald Trump pourrait demain disparaitre totalement
de la scène politique américaine, aussi vite qu’il est monté dans les sondages.
- Bernard Tapie a déjà occupé des fonctions politiques pas
Donald Trump: cette différence entre les deux hommes pourrait permettre au
Français d’éviter des gaffes que l’Américain a déjà commises même si elles ne
lui ont pas encore coûté sa crédibilité auprès de ses fans.
- Bernard Tapie a l’air moins dangereux que Donald Trump: si,
dans les années 1990, on s’est toujours posé la question de savoir ce que
ferait vraiment Bernard Tapie s’il parvenait au pouvoir, il semble malgré tout
bien moins dangereux que Donald Trump.
Si tous deux, comme on l’a dit, ont la fibre populiste et
une propension démagogique, Bernard Tapie l’a mise au service, jusqu’à présent
d’une vision politique plutôt «centriste» alors que Donald Trump flirte
beaucoup avec la droite radicale, voire l’extrême-droite.
Si, dans les mois qui viennent, les deux hommes parviennent
à relever leurs défis, les paysages politiques tant français qu’étasunien
pourraient bien être bouleversés en profondeur.
On en est, malgré tout, encore loin.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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