Dès la fermeture des bureaux de vote et des premières
estimations sur les vainqueurs de ces élections régionales qui viennent de se
terminer, l’ensemble des politiques de Droite et de Gauche ont délivré un
message, «ça ne peut plus continuer comme ça».
De Manuel Valls à Nicolas Sarkozy, de Jean-Christophe Cambadélis
à Bruno Le Maire, la même promesse devant la montée du FN qui, s’il ne remporte
aucune région, n’a jamais eu autant d’électeurs que lors de ce scrutin.
Les leaders centristes ont eux aussi entonné la même
musique, Jean-Christophe Lagarde (UDI) plaidant pour «un changement de
paradigme» et François Bayrou (Mouvement démocrate) appelant à la
«reconstruction de la vie politique et de la famille du Centre».
Alain Juppé, de son côté, en a profité, pour lancer sa
campagne présidentielle avec un discours où revenait sans cesse l’expression
«mon idée de la France».
Pendant ce temps, Marine Le Pen fustigeait cette classe
politique à laquelle elle appartient pleinement et délivrait un nouveau slogan
sur le mode «eux et nous» qui est la marque de fabrique du FN entre les
patriotes (nous) et les mondialistes (eux, tous les autres).
Un accaparement du qualificatif de «patriote» qui ferait
rire s’il l’on ne se rappelait pas les compromissions de l’extrême-droite lors
du régime de Vichy avec les occupants du pays.
Mais là où elle a raison est qu’il y a bien une différence
entre les tenants d’une société fermée auxquels elle appartient et ceux d’une
société ouverte auxquels appartiennent, entre autres, les centristes.
Quoi qu’il en soit, les élections régionales auront, une
bonne fois pour toute, démontrer l’évidence d’une nouvelle donne partisane et
la nécessité dans ce cadre de rebâtir l’espace politique.
Car, la grande leçon politique qui ressort de ces régionales
est l’existence d’un paysage politique
partagé entre trois grands blocs qui ne sont pas les trois grands pôles qui
étaient proposés aux électeurs le 13 décembre.
Et quand je dis pôles, c’est parce qu’il est faux de parler
de tripartisme sachant que si le FN est le seul représentant du pôle
extrême-droite, il y avait trois partis pour le pôle Droite-Centre et trois
partis pour le pôle gauche socialiste, même si LR à droite et le PS à gauche étaient
évidemment les moteurs de ces deux derniers pôles.
De même, ces trois pôles ne représentent même plus la
réalité politique d’aujourd’hui.
Ainsi, c’est un paysage politique de tricoalition qui émerge
à nouveau comme après les départementales et les européennes mais avec encore
plus de clarté.
Le terme de tricoalition s’impose parce qu’à l’évidence, les
réelles proximités partisanes actuelles traversent désormais les trois blocs
principaux, l’extrême-droite avec le FN, l’union Droite-Centre (avec LR, l’UDI
et le MoDem), la gauche socialiste (avec le PS, les Radicaux de gauche et
l’UDE).
Les trois coalitions sont celle de droite (extrême, radicale
et «droite de la Droite»), celle des démocrates républicains libéraux et celle
de gauche (extrême, radicale et «gauche de la Gauche»).
Il convient donc pour la transparence politique due aux
électeurs mettre sur pied ces tricoalitions qui reflètent les trois blocs que
nous venons de présenter et non les trois pôles actuels.
De même, de ce constat, c’est la nécessité pour les
centristes (les libéraux sociaux), de la mise sur pied d’un axe central en
compagnie des sociaux-libéraux de gauche et des gaullo-réformistes de droite
qui s’impose.
Les déclarations de Jean-Pierre Raffarin, ancien premier
ministre de Jacques Chirac, membre de LR et centro-libéral appelant, entre les
deux tours des régionales, les républicains à reconstruire la démocratie en
s’alliant face aux radicaux et aux extrémistes, les «déconstructeurs» de la
république selon ses termes, sont justes.
- La tricoalition
Qu’on le veuille ou non, nous sommes dorénavant dans un tripartisme,
c’est-à-dire dans une situation où trois partis dominent la scène politique: le
Front national, le Parti socialiste et Les républicains.
Mais ce tripartisme est miné de l’intérieur car, à part pour
le FN qui est un parti uni autant par une idéologie d’extrême-droite que par la
volonté de s’accaparer le pouvoir, il n’y a pas de cohérence au PS et à LR
entre les divers courants sauf d’être des sortes de cartels électoralistes.
Ainsi, au PS cohabitent des sociaux-libéraux, des
sociaux-démocrates et des socialistes radicaux, ces derniers étant proches du
Front de gauche et de l’extrême-gauche.
Chez LR cohabitent des libéraux sociaux, des
gaullo-réformistes et des droitistes radicaux.
On comprend bien que ces différents courants dans chacun des
deux partis ont plus tendance à s’éloigner qu’à se rapprocher, les radicaux
étant attirés par l’extrême-droite et l’extrême-gauche et les autres par
l’espace centriste libéral.
Dès lors, il est rationnel d’affirmer qu’il faudrait que LR
et le PS se scindent en deux.
D’une part leurs modérés et libéraux, d’autre part leurs
radicaux.
Cela donnerait quatre formations dont deux s’allieraient
avec leurs extrêmes respectifs et les deux autres s’allieraient avec les
centristes, formant l’axe central.
Il est préférable de parler d’alliances actuellement plutôt
que de fusions aboutissant à la fondation de trois nouveaux partis.
Ce dernier cas de figure qui serait plutôt un frein à la
recomposition du paysage politique par tous les problèmes humains et
organisationnels qu’il créerait certainement mais aussi par des différences de
positionnement alors que des coalitions électorales et gouvernementales sont
plus faciles à mettre sur pied, voire même plus démocratiques, en tout cas
apportant une meilleure transparence qui ne peut être que bénéfique pour le
citoyen.
- L’axe central
Dans le cadre d’un paysage à trois coalitions que l’on vient
de présenter, une de ces coalitions serait un axe central allant d’Alain Juppé
(l’homme de droite le plus populaire actuellement) à François Hollande en
passant par François Bayrou (l’homme du centre le plus populaire actuellement)
et Emmanuel Macron et Manuel Valls (les hommes de gauche les plus populaires
actuellement).
Voilà une hypothèse qui va en faire hérisser plus d’un à
commencer par certains de ceux que l’on vient de citer.
Pour autant, les indices sont là: un discours politique de Macron
et Valls nettement social-libéral voire libéral-social à la centriste; un
positionnement de plus en plus central d’Alain Juppé; une radicalisation d’une
partie de LR vers la droite de la Droite et d’un partie du PS vers la gauche de
la Gauche qui inquiète les modérés de chaque camp.
Cette nouvelle architecture politique au centre de la vie
politique française aurait le mérite de la clarification et d’éviter les grands
écarts ridicules auxquels plus aucun électeur ne croit réellement lorsqu’un
Nicolas Sarkozy ou un Manuel Valls prétendent s’adresser à toute la droite ou à
toute la gauche républicaines alors que les différentes composantes de
celles-ci ne partagent plus, concrètement, les mêmes objectifs, ni les mêmes
références politiques et, parfois, les mêmes valeurs.
En outre, cela éviterait aux centristes de devoir critiquer
les bonnes mesures venues des sociaux-libéraux de gauche tout en actant leur
vraie proximité – et non seulement électorale – avec cette partie de la droite
réformiste sans pour autant accepter à contrecœur le discours de la droite
radicale conservatrice.
D’aucuns prétendront que cette nouvelle donne politique sera
difficile à mettre en œuvre.
C’est fort probable que si elle accouche, ce sera dans la
douleur.
D’autres estimeront que la présence d’éléments modérateurs
au PS et à LR est préférable à des blocs plus radicaux tant à droite qu’à
gauche.
C’est vrai que ces modérés du PS et de LR empêchent
souvent ces deux partis de dériver vers la radicalité dure et de défendre des
positions idéologiques extrêmes, démagogiques, populistes et clientélistes.
Néanmoins, l’on peut voir cela différemment en estimant que
les deux radicalités qui existent tant à LR qu’au PS seraient, dans le cas
de la tricoalition, des éléments modérateurs s’ils s’alliaient (et non se
fondaient) avec le Front national et le Front de gauche, permettant au débat
démocratique d’y gagner en transparence et en rationalité, ce qui serait un
plus pour les citoyens et les électeurs.
Si l’évidence de la tricoalition et la nécessité de l’axe
central ne font aucun doute si l’on veut refonder la vie politique sur des
bases saines, leur mise en œuvre sera bien plus compliquée.
Mais si elle échoue, c’est bien la démocratie républicaine
qui sera en danger.
Voilà qui devrait faire réfléchir tous ceux qui parlent sans
arrêt d’un sursaut indispensable et qui ne font rien pour le faire naître
concrètement.
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