L’UDI est une confédération de partis et la réunion de
plusieurs personnalités qui partagent, avant tout, la volonté de faire vivre un
Centre indépendant de la Droite et de la Gauche.
Mais ce plus petit dénominateur commun semble être la seule
chose réellement partagée et aboutit à une accumulation de contradictions et d’ambiguïtés
au fur et à mesure que le parti se trouve confronté à la réalité.
Aujourd’hui deux lignes politiques s’affrontent: celle
d’Hervé Morin qui est de plus en plus droitière et proche des positions de
Nicolas Sarkozy face à celle de Jean-Christophe Lagarde qui est
centro-centriste et sur une ligne d’indépendance dans l’alliance avec la Droite
(celle représentée par Alain Juppé).
Se superpose évidemment le ressentiment voire la haine entre
les deux hommes qui, souvent, entretient des différences factices par le simple
fait que l’un se positionne uniquement par rapport à ce que l’autre a dit.
Cette situation recèle en elle-même un fort risque
d’implosion qui atteindra un premier pic le 20 mars prochain lors du congrès
qui décidera s’il y aura un candidat du parti à la présidentielle de 2017
(Morin est totalement contre, Lagarde est plutôt pour).
Et il faut y ajouter cette hésitation constante entre
indépendance et union avec LR.
La dernière interview de Jean-Christophe Lagarde dans le
quotidien Le Monde par Alexandre Lemarié (daté du 11 décembre 2015) est, à cet
égard, très représentatif de ce dilemme qui anime l’UDI entre s’allier sans
états d’âme avec la Droite pour avoir le maximum d’élus et participer le plus
possible au pouvoir en cas d’alternance en 2017 et une alliance conditionnelle
aux positions et aux propositions de LR qui créerait une concurrence et des
divergences au risque d’une alliance a minima voire, cas extrême, de pas
d’alliance du tout.
Ainsi, Jean-Christophe Lagarde, dans la même interview,
explique que les stratégies de l’UDI et de LR pour lutter contre le FN sont
différentes en pointant que ce n’est pas en se rapprochant des idées de
l’extrême-droite comme le fait selon lui Nicolas Sarkozy, qu’on la combat le
plus efficacement.
«Ce que je partage avec Nicolas Sarkozy, dit-il, c'est qu'il
combat clairement le FN.»
«Là où il y a une divergence entre nous, c'est sur la façon
de le combattre.»
«Moi, je considère que ce n'est pas en se rapprochant des
valeurs de l'extrême droite qu'on la combat efficacement.»
«Quand des idées sont fausses, on les attaque.»
«On ne s'en rapproche pas.»
Mais quand le président de l’UDI déclare un peu plus loin:
«La ligne jaune entre LR et l'UDI, c'est l'alliance avec le
FN.»
«Si Les Républicains le faisaient, cela remettrait en cause
les possibilités d'alliance.»
On comprend qu’il exclut de la ligne jaune le cas de figure
d’une droitisation radicale du parti de Nicolas Sarkozy sans qu’il y ait
alliance formelle avec celui de Marine Le Pen.
Si on le suit, la droitisation actuelle de LR ne peut
remettre en cause l’alliance Droite-Centre.
Pourtant, il poursuit en estimant que «L'alliance consiste à
rassembler des gens différents sur des projets communs.»
«Elle n'est pas possible quand nos idées sont trop
divergentes.»
«On refusera toujours la soumission aux Républicains.»
Une contradiction avec sa définition de la ligne jaune mais
qui s’accorde avec un autre passage de l’interview où il affirme la «fidélité»
de l’UDI aux valeurs centristes:
«A l'UDI, nos règles et nos principes sont clairs: quand on
a une situation dangereuse, on doit s'en tenir à ces principes, qu'elles que
soient les conséquences.»
«Les principes sont plus importants que les places.»
En outre, Jean-Christophe Lagarde semble introduire un
nouvel élément dans l’alliance avec LR.
Selon lui, «L'union se fait élection par élection, projet
par projet.»
«Ce n'est pas un automatisme.»
«Cela n'avait pas été possible aux européennes car notre
approche sur l'Europe était trop différente: nous sommes fédéralistes et ils ne
le sont pas.»
«Cela a été possible aux départementales et aux régionales
sur des projets communs.»
Sauf qu’il ajoute tout de suite une dimension électoraliste
à son propos:
«Si on n'avait pas noué une alliance avec LR pour ce
scrutin, les électeurs de l'UDI n'auraient souvent pas eu la possibilité de
voter pour nous au second tour, car nous nous serions retrouvés parfois en
troisième ou en quatrième position.»
Sous-entendu, c’est l’alliance avec LR qui nous fait exister
auprès des Français, donc elle est indispensable pour nous, UDI.
Comment dès lors la remettre en cause sans risquer la
disparition du parti?
Enfin, pour 2017, Jean-Christophe Lagarde indique que rien
n’est encore décidé:
«La position de l'UDI dépendra de plusieurs paramètres, dont
l'issue des régionales et la situation politique du pays.»
«Ce qu'il se passe actuellement montre qu'il y a un problème
de renouvellement des idées, des logiciels, des équipes.»
«Au printemps, les adhérents de l'UDI trancheront la
question de la manière dont notre parti portera son projet à la présidentielle.»
Au vu de ce qui précède, on peut se demander s’il ne s’agit
pas uniquement d’une posture d’indépendance pour rassurer et calmer une partie
des militants de son parti, voire d’entamer des négociations dans une position
de force puisqu’il semble bien, au vu des résultats du premier tour des
régionales, que seule une alliance avec l’UDI peut permettre au candidat LR
d’être présent au second tour de la présidentielle.
Néanmoins l’ambiguïté, ici comme ailleurs demeure.
Comme celle de la relation avec le Mouvement démocrate de
François Bayrou qui n’est pas cité une seule fois alors que l’alliance pour les
régionales a bien été constituée par trois partis, LR, UDI et MoDem (ce dernier
étant, par ailleurs, l’allié de l’UDI aux européennes qui a permis de ne pas y
aller avec l’UMP d’alors, LR d’auourd’hui).
Sans doute que l’ambiguïté de l’UDI (et du MoDem) s’explique
par le rapport de force entre la Droite et le Centre ainsi que dans la volonté
des centristes de ménager la chèvre et le chou.
Mais c’est de clarté dont ont besoin les Français et l’on ne
peut être constamment pour tout en étant contre et contre tout en étant pour.
En général on en paye le prix fort, politiquement et
électoralement parlant.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC