Pour ceux qui le connaissent ou qui le suivent, la décision
de Jean-Christophe Fromantin de quitter l’UDI n’est guère une surprise (voir
les raisons de son départ sur son
blog).
Même s’il a pris comme raison les tractations d’entre les
deux tours des régionales et son rejet du monde politicien, il n’était plus
guère membre de l’UDI de son fait.
Ce qui était une surprise, en effet, c’est qu’il fut
toujours membre du parti centriste tellement il s’en était éloigné (sans en
avoir été très proche) et qu’il ne se privait pas de le critiquer sans cesse avec
virulence et dureté.
Et puis, comme l’a révélé Jean-Christophe Lagarde, depuis la
création de la formation centriste, ce «marginal», dixit les propos du
président de l’UDI, n’avait payé sa cotisation qu’une seule fois, pour pouvoir
se présenter à la présidence du parti…
Député-maire de Neuilly-sur-Seine, Fromantin fait plutôt
partie des loups solitaires de la politique, des indépendants qui roulent
d’abord pour eux et pour leurs idées plutôt qu’un défenseur des positions d’un
parti politique.
S’ils veulent réussir, il leur faut donc quasiment toujours
créer leur propre parti totalement dévoué à leur personne et à leur projet.
1) Mais pourquoi donc avait-il décidé de prendre sa carte à
l’UDI?
Il faut se rappeler que Jean-Christophe Fromantin avait,
contre toute attente, enlever la mairie de Neuilly-sur-Seine en 2008 face au
clan Sarkozy en terre même du président de la république d’alors, lui
infligeant un véritables camouflet qui se répéta lors des législatives de 2012
puis lors des dernières municipales en 2014.
Cela ne faisait pas pour autant de lui un homme ni de
gauche, ni du Centre mais plutôt de tendance démocratie-chrétienne de droite,
conservateur en matières de mœurs et libéral en matière économique, qui souhaitait
trouver un lieu politique pour ses ambitions et ses idées ainsi que son
engagement religieux.
Une confédération du type de celle mise sur pied par
Jean-Louis Borloo en 2012 après l’échec de la Droite à la présidentielle et la
quasi-disparition du Centre, où les partis gardaient leurs structures et leurs
positionnements, avait de quoi séduire celui qui a toujours dit qu’il demeurait
libre.
Etrre dans l’UDI lui permettait de bénéficier d’une
organisation mais aussi, au niveau national, d’une exposition notamment
médiatique non-négligeable, pensait-il alors.
2) Pourquoi a-t-il décidé de partir?
Cinq raisons principales:
- Une ambition personnelle qui ne pouvait s’exprimer dans
l’UDI notamment depuis qu’il avait été largement battu à la présidence du parti
en 2014.
- Des relations difficiles avec les leaders du parti et tout
particulièrement Jean-Christophe Lagarde, bien content de le voir claquer la
porte.
- Des positionnements marginaux avec un fort engagement
religieux qui faisait de lui un des acteurs de premier plan de la Manif pour
tous et contre le mariage de couples homosexuels, un activisme qui l’avait fait
se retrouver aux côtés de personnalités d’extrême-droite dans des meetings et
des estrades, ce qui avait choqué une partie de l’UDI.
- Sa ghettoïsation progressive mais réelle à l’intérieur de
l’UDI où, après avoir été battu au premier tour de l’élection pour la
présidence du parti puis d’avoir appelé à voter pour Hervé Morin dont il ne
partage guère les idées, il se retrouvait de plus en plus seul face à un
Jean-Christophe Lagarde qui, à l’inverse de ce qu’il pensait, parvenait à
diriger la formation centriste et à y imprimer sa marque.
D’où une impossibilité à faire triompher ses idées mais même
à les faire progresser dans le parti.
- Son engagement politique, lui l’entrepreneur, venait d’une
volonté de faire de la politique «autrement», véritable mantra de la plupart de
ceux qui viennent de la société civile et qui s’investisse en politique.
Mais tout comme bien d’autres avant lui, cela ne peut
aboutir qu’à une frustration et une déception parce que la politique ne se fait
pas «autrement» pour être efficace, qu’elle obéit à des codes qui sont aussi
les garants d’un système démocratique et que ceux qui veulent révolutionner ses
pratiques ont souvent des idées inapplicables sans rapport avec la réalité
quant ils ne sont pas mus que par un intérêt quelconque, personnel ou
corporatiste, qui n’a souvent rien à voir avec un intérêt général ou le bien du
pays.
3) Est-ce le premier départ d’une longue liste à venir?
On ne peut guère répondre à cette interrogation actuellement.
Le départ de Jean-Christophe Fromantin est une décision
individuelle et, à ce titre, ne présage pas un délitement de l’UDI.
Mais, ce dernier maintes fois annoncé n’est pourtant pas du
passé car la confédération centriste est toujours un rassemblement hétéroclite
de petits partis et de petits chefs prêts à, de nouveau, se tirer dans les
pattes.
Après les régionales mais surtout après le congrès qui dira
s’il y aura ou non un candidat UDI à la présidentielle, la fragilité de la
formation centriste subira de nouveaux tests bien plus difficiles que le départ
du député-maire de Neuilly-sur-Seine et recelant un risque d’implosion évident.
4) Est-ce une perte pour l’UDI?
Le départ de Jean-Christophe Fromantin, Jean-Christophe
Lagarde a raison sur ce point, n’est en lui-même pas une grande perte pour
l’UDI dans le sens où celui-ci n’y était déjà plus, ni physiquement, ni
intellectuellement, depuis sa défaite à la présidence du parti.
En revanche, il montre que l’UDI est encore une formation en
construction et aux fondations fragiles.
Et puis, cela fait tout de même un député en moins pour
l’UDI qui n’en compte pas tant que cela.
Enfin, au-delà de certains de ses positionnements
iconoclastes, Jean-Christophe Fromantin est un homme politique de qualité avec
des convictions fortes et des idées intéressantes.
A ce titre, son départ n’est pas aussi anecdotique que
voudrait le faire croire Jean-Christophe Lagarde.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC