Il y a le feu dans la maison du Parti républicain.
Cette fois-ci ce ne sont pas les quelques centristes qui y
sont encore qui sonnent le tocsin, ni même les «modérés», ceux qui n’ont pas
encore été atteints par le syndrome aigu d’extrémisme de la grande majorité du
parti.
Non, ce sont les conservateurs, les durs, mais réalistes et
pragmatistes, qui s’inquiètent de la raclée sans précédent que pourrait prendre
les républicains en 2016 si leur candidat à la présidentielle se nomme Donald
Trump.
Néanmoins, ils semblent tétaniser à l’idée de s’attaquer de
front au promoteur newyorkais.
Comme l’explique le New York Times, «Beaucoup d'officiels républicains
ainsi que des stratèges et des donateurs importants disent qu'ils craignent»
Donald Trump.
Selon eux sa nomination comme candidat des républicains «mènerait
à un anéantissement électoral, une défaite radicale qui pourrait détruire
certains des gains récents des républicains au Congrès, dans les élections
municipales ou d'état. (…)»
«Certains des républicains de haut rang au Congrès et
certains des donateurs les plus riches et les plus généreux du parti ont hésité
fortement à essayer de mettre à terre Trump parce qu'ils craignent une querelle
publique avec cette figure médiatique et ses vomissements d’insultes.»
«D'autres avertissent que le faire pourrait impliquer des problèmes
face à la colère qui monte en flèche contre les politiciens.»
«Tout cela mène à une impasse de sorte que presque tout le
monde dans les échelons supérieurs du parti reconnaît que quelque chose doit
être fait mais que presque personne n'est enclin à le faire.»
Pourtant le temps presse pour la direction du parti car
Donald Trump, après avoir semblé adopter un style et un ton plus civils plus en
phase avec l’image d’un candidat sérieux à la plus haute fonction du pays, s’est
de nouveau vautré dans la fange des insultes, des mensonges et des programmes
soit extrémistes comme en matière d’immigration ou d’armes à feu, soit
totalement ineptes comme en matière économique où ses «propositions» qui vont d’une
politique protectionniste d’un autre temps à une baisse drastique des impôts
qui augmenteraient de manière abyssale le déficit des finances publiques (à
moins que tout cela soit annulé par cet impôt sur les plus riches sont
qualifiées de «cacophonie» par le New York Magazine.
Ce n’est pas forcément qu’il soit très éloigné des positions
de la majorité des républicains, candidats «sérieux» à la candidature compris.
C’est plutôt son comportement caricatural qui a le don de
montrer dans toute sa crudité et sa brutalité le programme radical des
républicains qui rend quasiment inéligible son candidat sauf si c’est un
politicien capable de l’enrober dans de fausses promesses consensuelles et avec
un ton modéré (voire d’être connu pour utiliser une rhétorique extrémiste mais
de gouverner plutôt au centre)…
Se met donc en place des structures plus ou moins
informelles pour empêcher Trump d’être le candidat républicain ou pour faire
des projections sur ce que serait une présidence Trump.
Par ailleurs, le Washington Post a publié un mémo
confidentiel qu’un membre éminent du Parti républicain a adressé aux candidats
aux sénatoriales qui auront lieu en même temps que la présidentielle afin de leur
donner des conseils si jamais Donald Trump gagnait les primaires.
Il qualifie d’abord ce dernier «de missile mal guidé».
Puis il enchaîne:
«Soyons réalistes.»
«Trump dit ce qu’il a à l’esprit et c’est un problème.»
«Si ça continue nos candidats devront passer tout leur temps
à le défendre ou à le condamner.»
«Et c’est une chose que nous ne voulons jamais, vraiment
jamais avoir à faire.»
«C’est certain que tous les candidats du Parti républicain
seront liés d’une manière ou d’une autre à notre nominé (ndlr: le vainqueur des
primaires), mais nous ne devons pas être liés à lui de manière si proche que
nous serons engagés à un nettoyage permanent ou à des manœuvres de
distanciation de ses propos.»
Il recommande ensuite aux candidats, si les propos misogynes
de Trump viennent sur le tapis, d’affirmer que leurs femmes et leurs filles ont
été choquées par ceux-ci puis de passer immédiatement à autre chose!
Oui, avant d’être un atout, Trump est bien un problème pour
le Parti républicain.
Et les républicains, angoissés, de se rappeler les vestes
prises en 1940 face à Franklin Roosevelt par l’inconnu Wendell Wilkie, qui se
présentait pour la première fois à une élection tout comme Trump, et en 1964 face
à Lyndon Johnson par Barry Goldwater, un populiste démagogue et extrémiste dont
les propos ressemblaient beaucoup à ceux de Trump aujourd’hui et qui plaisaient
beaucoup à une majorité de militants républicains, tout comme ceux de Trump.
Comme l’écrit le New York Magazine, qu’il semble loin le
temps (2012) où les républicains choisissaient comme candidat le modéré Mitt
Romney.
Reste que se débarrasser de Donald Trump ne sera pas aussi
facile.
D’une part parce qu’il continue à être en tête de la course
à la l’investiture républicaine malgré toutes ses gaffes, malgré toutes ses
insultes, malgré toutes les attaques de ses adversaires et des médias, malgré
les incohérences de ses propositions.
Ou peut-être grâce à tout cela!
D’autre part, parce que malgré son serment de ne pas se
présenter en candidat indépendant (qui ferait à coup sûr perdre le candidat
républicain officiel), il n’a pas renoncé à le faire et son argument pour ne
pas respecter sa parole serait justement d’être ostracisé par la direction du
Parti républicain.
L’espoir secret de celle-ci est que Trump se torpille
lui-même.
Pour l’instant, ce n’est pas vraiment le cas.
Le dernier sondage CNN/ORC donne ainsi Trump à 36% des
intentions de vote pour la primaire républicaine, largement devant Ted Cruz (16%), Ben Carson(14%)
et Marco Rubio (12%).
Quant à Chris Christie, il obtient 4% des intentions de vote,
Jeb Bush et Carly Fiorina, 3% chacun.
Pour le site Politico, «le mystère de la raison pour
laquelle les électeurs républicains aiment encore plus Donald Trump quand il invente
une histoire sur les musulmans dansant sur les toits après les attentats du 11
septembre ou qu’il se moque d’un journaliste handicapé n'est pas vraiment très
mystérieux après tout».
«Tout ce montage scandaleux n'a rien à voir avec les faits, la
politique ou le message, cela concerne d’être en accord avec les émotions de
ses fans et ce sont des fans, pas des partisans politiques dans un sens
conventionnel.»
«Personne d’autre n'a une poigne plus ferme sur l’amygdale
(ndlr: noyau situé dans le lobe temporal et jouant un rôle dans les émotions et
le conditionnement) du parti républicain - peut-être personne n'en a jamais eu
autant – ou n’est autant la voix du sentiment de déclin rampant si intensément ressentie
par l’Amérique blanche.»
Et Politico d’affirmer, «la question n’est plus de savoir si
Trump peut remporter les primaires, il le peut».
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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