Depuis les attentats du 13 novembre à Paris, la question
politique s’est bien évidemment focalisée sur la solidarité avec les victimes,
la sécurité intérieure et extérieure du pays, une défense des valeurs de la
démocratie et de la république ainsi qu’une sorte d’union nationale autour de
ces thèmes entre la Gauche, la Droite et le Centre.
Mais l’on savait que cette réunion des forces politiques
démocratiques n’aurait qu’un temps très court.
D’une part parce que le débat politique, fondement même de
la démocratie, doit reprendre.
D’autre part parce que nous sommes à presque deux semaines
du premier tour des élections régionales et qu’il faut dire aux électeurs
pourquoi il faut voter pour son camp et pas pour l’autre.
Mais, bien entendu, il y a plusieurs manières de la faire.
Celle de la Gauche est de pointer qu’il faut se retrouver
derrière le président de la république et son premier ministre, sous-entendu
parce qu’ils font du bon travail pour protéger les Français, et que donc il
faut voter pour le parti qui les soutient, en l’occurrence le Parti socialiste.
Celle d’une grande partie de la Droite, autour de Nicolas
Sarkozy, est d’affirmer sa solidarité nationale mais de montrer que les mesures
prises pour protéger les Français étaient des demandes anciennes de sa part
qu’elles avaient faites, notamment après les attentats du 7 janvier, et que le
gouvernement, même s’il se reprend en matière de sécurité, a failli en n’étant
pas capable d’empêcher ceux qui viennent de se produire.
Une partie minoritaire, autour d’Alain Juppé a préféré jouer
la carte de ce qui rassemblait Gauche, Droite et Centre sans pour autant nier
les différences.
Attitude louée par François Bayrou, le président du
Mouvement démocrate.
En outre, nombre de membres de LR ont sifflé et hué le
gouvernement à l’Assemblée nationale le 17 novembre, soit seulement quatre
jours après l’assassinat de 130 personnes, comportements qui ont indigné la
grande majorité des médias et des Français et qui a nécessité un rétropédalage
des leaders du parti.
Ces manifestations d’opposition étaient en grande partie
électoraliste, les députés de LR se demandant alors et depuis si leur
solidarité nationale n’allait pas leur coûter des voix mais aussi des régions
aux prochaines régionales au profit de la Gauche mais surtout du Front national.
Sans doute que l’émotion des attentats ainsi que la bonne
gestion gouvernementale profitera quelque peu aux socialistes.
De même que la peur engendrée permettra au Front national de
gagner des voix et peut-être une région.
Néanmoins, il faut être si peu sûr de ce que l’on est et de
ce que l’on propose au pays pour craindre qu’un événement, aussi dramatique
soit-il, vous fasse perdre des élections alors même que l’on en est pas
responsable.
Reste le Centre.
Comme la Droite dont ils sont les alliés pour les
régionales, les centristes ont marqué leur solidarité et ont voté les mesures
de sécurité supplémentaires demandées par le président de la république.
Mais à l’inverse de nombre de droitistes à l’image d’un
Patrick Balkany à l’indécence coutumière, ils n’ont pas (ou peu…) hurlé contre
le gouvernement à l’Assemblée nationale.
C’est bien évidemment tout à leur honneur.
Reste qu’ils sont, à l’image des récents propos
Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, sur iTélé, dans un
positionnement délicat où l’on doit en faire mais pas trop, où l’on doit être
avec tout en étant contre.
Il leur faut être du côté de LR et pointer les insuffisances
du gouvernement en matière de sécurité tout en demeurant dans une logique
consensuelle.
De même, il leur faut faire campagne pour les régionales
tout en évitant d’apparaître trop politiciens.
On constate ainsi chez les centristes des postures et des
propos d’équilibristes qui ont le risque de mécontenter tout le monde et de les
faire passer, en plus, pour des indécis.
Dès lors, l’explication de Jean-Christophe Lagarde faite
lors de son discours du 19 novembre à l’Assemblée nationale est sans doute la
bonne:
«En tant que parlementaires, élus locaux et responsables
politiques, nous avons la responsabilité d’être unis dans l’épreuve. L’épreuve
que nous traversons n’efface rien de nos différences, de nos divergences face aux
autres défis que notre pays doit relever. Elle n’enlève en rien le droit de
débattre, même avec vigueur, dans les autres domaines de notre vie publique. Au
contraire même, c’est au nom de ce droit de débattre d’être différents, d’être
en désaccord tout en acceptant de vivre et de décider ensemble que nous devons
mener le combat commun contre ceux qui voudraient briser notre démocratie et
les valeurs humanistes qu’elle porte. Dans ces circonstances, seuls notre
raison, l’amour de notre pays et les valeurs que nous partageons doivent nous
guider dans notre impérieuse mission.»
Une explication bien dans la ligne centriste.
Au risque de dérapages, d’un côté, et d’interprétations
partisanes négatives de l’autre.
Quant à son efficacité électorale, les résultats du premier
tour des régionales, le 6 décembre, sont juges de paix en la matière.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC