Les deux vedettes actuelles des sondages, l’un pour les
remporter systématiquement haut la main (Alain Juppé), l’autre pour avoir des
progressions impressionnantes (Emmanuel Macron), sont deux hommes politiques
qui ont décidé de se positionner au centre de l’échiquier politique (mais qui
ne sont pas du Centre) tout en demeurant fidèle à leurs familles politiques
d’origine, la Droite pour le premier, la Gauche pour le second, tout en
espérant les faire évoluer vers une vision plus consensuelle, plus apaisée et
plus réformiste, tout en esquissant une possible refondation de l’espace politique
avec un courant central qui défierait le paysage partisan actuel.
Le dernier baromètre BVA pour Orange et iTélé publié le 31
octobre confirme cet réalité en plaçant en première position des personnalités
dont les Français veulent qu’elles jouent un plus grand rôle, Alain Juppé avec
52% de réponses positives et en deuxième position Emmanuel Macron avec 42%, les
deux hommes étant en hausse d’un point par rapport aux résultats du mois
dernier.
Alain Juppé, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac et
actuel maire de Bordeaux, est non seulement en tête de tous les baromètres de
popularité ainsi que des souhaits des Français quant aux possibles candidats
pour la présidentielle de 2017 mais il
est le seul à avoir plus d’opinions positives que négatives dans tous ces
sondages.
Par exemple, si 52% des sondés selon une étude Elabe pour
BFM-TV souhaitent sa candidature, seuls 47% sont d’un avis contraire alors que
la seconde de la liste, Marine Le Pen obtient une balance nettement négative de
37%-62%.
De son côté, Manuel Macron, le ministre de l’économie, est
vu positivement à gauche et à droite, plusieurs de ses initiatives et de ses
positionnements faisant consensus dans l’ensemble de la population.
Et cette approbation montre que beaucoup de Français sont en
attente de réelles réformes, tant à gauche qu’à droite.
Pourquoi ces deux personnalités ont actuellement une telle
popularité?
Plusieurs raisons peuvent l’expliquer.
- Ils sont rassembleurs et consensuels avec un discours et
des propositions qu’une majorité de Français attendent et que les corporatismes
de tous bords bloquent depuis des années à leur grand dam.
- Ils proposent une politique au centre pragmatique qui
séduit et permet aux Français de désirer un changement profond dans la pratique
traditionnelle de la politique sans pour autant vouloir tomber dans une
démarche négative en se tournant vers les extrêmes populistes irresponsables.
- Ils portent une vision d’avenir apaisée et surtout qui fait
encore espérer que le pire n’est pas inévitable, que la déliquescence peut être
évitée et que le recours aux aventuriers démagogues n’est pas une fatalité.
- Ils donnent l’impression d’être rassurants et compétents,
ce qui est deux grandes qualités actuellement.
Cela va-t-il (peut-il) durer?
C’est la grande interrogation.
La question, à droite, est de savoir si l’effet Juppé va
aller jusqu’à la primaire LR puis à la présidentielle ou va-t-il s’abîmer dans
la rude bataille de chiffonnier qui se prépare entre le maire de Bordeaux et
Nicolas Sarkozy que ce dernier souhaite ardemment pour détruire l’image de
l’homme au-dessus de la mêlée que Juppé est en train de se forger et d’imposer?
La question, à gauche, est de savoir si l’effet Macron va
permettre une évolution majeure et en profondeur de la politique socialiste
vers un réel social-libéralisme ou si la présidentielle et un discours
gauchisant de circonstance qu’Hollande et Valls ont déjà commencé à pratiquer
en vue de réunir la gauche va-t-il sonner le glas de sa démarche moderniste
contre les archaïsmes?
Si c’est les deux hommes ont les reins assez solides pour
sortir vainqueurs de leur bras de fer avec leurs propres camps, alors la
recomposition du paysage politique sera possible et les conditions effectives
de la naissance d’un axe central autrement que par la proximité des propos,
c’est-à-dire dans les faits, seront réunies.
Mais rien n’est gagné et les forces conservatrices en
présence sont redoutables d’autant qu’elles s’appuient sur un clientélisme de
longue date et un pré carré partisan qui ne s’abandonne pas aussi facilement.
Néanmoins, le défi en vaut la chandelle car il permettrait
enfin de clarifier les positionnements politiques et mettrait fin à des
cohabitations contre-nature où des éléments radicalisés, tant à droite qu’à
gauche, partagent les mêmes formations politiques qu’avec les éléments modérés
et réformistes.
Alors on assistera à une vraie modernisation de la politique
en France.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC