Certains maîtres-penseurs
autoproclamés soit sauveurs bien-pensants de l’humanité, soit champions antimodernistes
de la civilisation française, tous prophètes de l’apocalypse prochaine de nos
sociétés perdues, certains cathodiques, d’autres à la bonne vieille méthode Gutenberg
viennent nous faire la leçon de morale en nous expliquant comment ils vont nous
extirper, avec ou contre notre volonté, de la déshérence ou du déclin, au
choix, qui nous menacent au nom des valeurs éternelles d’une France qui se
noierait et se renierait sous leurs yeux horrifiés.
Oui, la patrie est en danger
vocifèrent-ils mais heureusement, selon eux, nous pouvons compter sur leur
clairvoyance, leur énergie, leur hargne même pour, au moins, nous le dire, à
défaut de se sacrifier pour elle.
Car les intellectuels crient au
feu mais répugnent toujours autant à se mettre les mains dans le cambouis pour
éteindre eux-mêmes l’incendie.
Ils ont leurs supporteurs, comme
au football, pour cela.
Ce sont ces groupes populistes et
démagogues qui déversent sans cesse leur haine de tout et n’importe quoi,
qu’ils soient de gauche ou de droite, pourvu qu’ils grappillent un plateau télé
puis des fans et enfin des électeurs, promettant à ceux qui feront la chasse
aux politiques qui trahissent la cause (quelle qu’elle soit) des lendemains qui
chantent.
Peu importe que ce soit ou non
des hooligans, nos intellectuels supermen ne sont que des lanceurs d’alerte, en
quelque sorte, ils ne vérifient pas la qualité de leurs disciples…
Mais, bon, que devons-nous faire
puisqu’ils ne sont pas d’accord entre eux.
Ainsi, d’un côté, nous sommes
priés de nous installer au confessionnal pour avouer tous nos crimes
d’Occidentaux barbares, sommés de faire repentance et d’adopter le point de vue
compassionnel et politiquement correct en tendant les deux joues à nos
accusateurs et, pire, à nos ennemis.
Nous sommes des méchants,
descendants de méchants et reproducteurs de méchants qui doivent porter le
fardeau de la domination illégitime et inacceptable de la civilisation
occidentale aux XIX° et XX° siècles.
De l’autre, nous sommes convoqués
au tribunal de l’histoire pour une inculpation de désertion afin de nous
rappeler que seul le repli identitaire, autoritaire et conservateur nous
sauvera d’une mondialisation cosmopolite qui ourdit patiemment des complots
contre la nation, le peuple, l’Etat et toutes les institutions à vénérer sans
modération.
Nous sommes les couards qui
remettent en question l’héritage de nos aïeux et qui apprenons à nos enfants à
ne pas respecter la grandeur de la nation française.
Comme on peut le constater, notre
débat politique, intellectuel et philosophique, s’il n’est peut-être pas très
enrichissant et valorisant, prend ces temps-ci des allures de batailles rangées
entre des gourous de pensées limitées souvent sans envergure autre que de
vendre leurs salades et leurs bouquins.
Bon, direz-vous, c’est la
tradition française de s’écharper pour des idées et de mettre en avant des
penseurs, souvent de pacotilles, pour alimenter la défiance face au politique,
véritable sport national.
Tout cela n’est pas nouveau et
l’on ne rappellera pas la longue liste de tous ces qui, lors de décennies
passées, faisaient les couvertures des magazines et peuplaient les plateaux
télés et qui ont disparu de la même façon qu’ils étaient apparus.
Voici donc leurs progénitures.
Entre la tyrannie de la bien
pensance compassionnelle, celle de l’identitaire donneur de leçon qui provoque
la réaction du ressentiment haineux, où se trouve le Centrisme?
Il est bon de rappeler, en ces
temps où le relativisme et les postures médiatiques prennent le pas sur la
substance même de la politique que le Centrisme est:
- un humanisme où la liberté et
l’égalité sont dans une continuelle discussion dialectique sachant que l’une ne
peut vivre sans l’autre;
- un défenseur de la démocratie républicaine;
- un combattant de la dignité
humaine et du respect;
- un soutien à la société ouverte
par la mise en place d’une mondialisation humaniste;
- un défenseur d’une société où
la tolérance refuse toute pensée et idéologie fermée et d’exclusion, même celle
qui prétend pouvoir vivre en bonne intelligence avec l’humanisme.
De même, le Centrisme est un
refus de la condamnation de la société occidentale tout autant qu’un adversaire
des théories qui prétendent que la division de l’humanité est une variable
intangible.
Le Centrisme se veut également un
rempart à un relativisme funeste mortel qui prétendrait qu’il n’y a pas de
valeurs humanistes intemporelles comme la liberté, la solidarité, la tolérance,
le respect entre êtres humains égaux où l’important est le développement et la
protection de l’individualité de chacun dans le respect de la dignité de toutes
les autres.
Mais le Centrisme est aussi une
résistance, au sens libéral du terme, c’est-à-dire qu’il dit non à toute
tentative totalitaire ou culturelle de remettre en cause les valeurs humanistes
qui fondent la démocratie républicaine.
De même, il refuse la
condamnation stupide de l’individualisme qui n’est pas la cause du délitement
du lien social et de la montée du populisme démagogique mais bien la plus
grande parade à son dévoiement qui permet des comportements d’autonomisation égocentrique,
assistée, irresponsable, insatisfaite et irrespectueuse que l’on constate dans
tous les pays, démocratique ou non et qui viennent, avant tout, d’un individu à
responsabilité limitée et irrespectueux de l’autre qui gangrène de plus en plus
toutes les sociétés à travers le monde.
Car il croit à la poursuite de l’émancipation
de la personne par la construction jamais terminée d’une démocratie
républicaine représentative, humaniste et équilibrée grâce à des réformes qui
lui permettent de s’adapter continuellement aux défis d’un monde qui n’est
jamais immobile et par la capacité d’un individu-monde culturellement métissé,
médiatiquement mondialisé et mondialement connecté qui est celui que chacun de
nous est aujourd’hui, à être cette personne libre, responsable, éclairée et
respectueuse.
De ce point de vue, le Centrisme
n’est en phase ni avec la bien-pensance compassionnelle auto-flagellante, ni
avec les pères fouettards de l’identité nationale soi-disant disparue.
Il refuse de penser que la
modernité impose un abandon de ce qu’est l’apport extraordinaire de la pensée
occidentale à l’humanité ou que cette même modernité est le diable en personne
détruisant nos différences.
Il pense qu’elle doit permettre
de continuer à progresser dans la recherche d’un humanisme qui ne peut être
relativiste mais qui également ne peut se recroqueviller sur lui-même.
La tâche n’est évidemment pas
simple mais rien n’a jamais été simple dans l’histoire de l’humanité et cette
dernière a prouvé maintes fois son courage en relevant des défis que l’on
croyait insurmontables.
Mais le Centrisme n’est pas un
angélisme.
Il ne prône aucunement le
compromis et encore moins les compromissions avec les ennemis de la démocratie
républicaine, ce qui impose une lucidité et une résistance de tous instants aux
attaques que cette dernière subit incessamment.
Surtout, il sait que c’est
l’abandon progressif des idéaux humanistes de cette démocratie républicaine
mais aussi de sa capacité de résistance, portés par le libéralisme et la
démocratie-chrétienne, qui peuvent aboutir in fine à une catastrophe.
Et il aimerait bien que nos
maitres-penseurs travaillent à l’éviter plutôt qu’à tenter de squatter les
plateaux télés avec des théories souvent fumeuses, parfois dangereuses.