Avec son ralliement presque acté à la grande majorité des
listes LR-UDI pour les régionales, le Mouvement démocrate de François Bayrou
vient de franchir un nouveau pas décisif dans son ralliement au pôle de droite.
Créé en 2007, comme son peu illustre devancier, le Mouvement
des démocrates, fondé en 1972 par Michel Jobert (1921-2002), ancien ministre
des affaires étrangères de George Pompidou, le parti voulait se trouver
«ailleurs», en dehors des clivages gauche-droite.
Surtout, comme son prédécesseur, il avait été créé pour
soutenir l’ambition d’un homme, ici François Bayrou, là Michel Jobert.
Un François Bayrou qui sortait gonflé à bloc des
présidentielles de 2007 avec un score de 18,57% des voix et une troisième place
qui pour lui en valait la première, annonçant, dans son esprit, des lendemains
en fanfare d’autant qu’il estimait qu’il aurait du figurer au second tour.
La formation que Bayrou venait de fonder en sabordant l’UDF,
ne se voulait pas centriste car elle voulait dépasser cette étiquette et toutes
les autres étiquettes politiques.
En déclarant que le mot centriste ne faisait pas partie de
son vocabulaire, son président permettait à nombre de ses électeurs de
centre-gauche, voire de gauche, de la présidentielle d’adhérer nombreux à ce
qui devenait rapidement le MoDem dans une volonté de l’ancrer dans la modernité
de l’époque.
Cependant, dès le départ, le fondement même de l’existence
du parti était de permettre à François Bayrou de devenir président en 2012.
Dès lors, le positionnement du Mouvement démocrate navigua
sans cesse par rapport aux prises de position de son leader, ce qui faisait que
son identité politique a toujours été peu compréhensible.
Lors des premières années, le temps de se prendre des vestes
à toutes les élections, le MoDem fut dans cet ailleurs indéfinissable mais qui
permettait à Bayrou d’exister politiquement et de construire patiemment sa
stratégie, son image et sa stature d’homme d’Etat pour 2012.
La stratégie en question était, à partir de sa base de centristes
fidèles malgré ses écarts de plus en plus nombreux vers la gauche, de se
présenter comme un De Gaulle moderne le mieux à même de créer les conditions
d’une vaste union nationale, un thème déjà présent en 2007 et indispensable pour
faire de Bayrou un candidat crédible lui qui n’avait que quelques élus pour le
soutenir.
Pour la présidentielle de 2012, François Bayrou fut donc un
candidat plutôt de gauche, surtout antisarkozyste et professant une large union
de tous les partis français à l’exception du Front national.
Le résultat ne fut pas à la hauteur de ses attentes.
Ni le soutien accordé à François Hollande au second tour qui
ne se concrétisa en aucune alliance avec le nouveau pouvoir.
Et le Mouvement démocrate ne put faire élire que trois
députés aux législatives qui suivirent dont deux partirent rapidement sous
d’’autres cieux.
Sans mandat électif, avec un parti peau de chagrin au niveau
des élus et des militants de moins en moins nombreux et, surtout, déboussolés
mais tout de même fidèles au chef, l’heure fut alors à l’introspection.
Celle-ci, assez rapide et sans doute peu profonde, aboutit
au rapprochement d’abord avec l’UDI de Jean-Louis Borloo pour avoir quelques
députés européens sous l’étiquette L’Alternative puis à celui avec l’UMP
(désormais Les républicains) nonobstant la présence de Sarkozy à sa tête, pour
les municipales.
Cela s’accompagna d’une hargne vis-à-vis de François
Hollande et du Parti socialiste, semblable à celle qui avait cours au MoDem
vis-à-vis de Nicolas Sarkozy et de l’UMP entre 2007 et 2012, provoquant le
départ de l’«aile gauche» du parti.
L’élection de François Bayrou à la mairie de Pau en 2014
était un des jalons de la route qui devait mener le MoDem à droite de
l’échiquier politique, une première pour le parti mais pas pour son leader.
Et les élections régionales de décembre prochain achèveront
pratiquement ce retournement politique qui aurait sans doute était plus rapide
et sans condition si Alain Juppé avait été président de LR et non Nicolas
Sarkozy.
Nombre de personnes se demandent comment le MoDem peut
encore exister et s’il ne va pas imploser après tant de zigzags.
En réalité, ils n’ont pas compris qu’il fait partie de cette
catégorie de formation qui n’existe que par un soutien à son chef avec une
dévotion parfois religieuse à celui-ci.
Dans le paysage politique français, seul le Front national à
l’époque de Jean-Marie Le Pen est autant identifié que le Mouvement démocrate à
son chef.
Cela ne signifie pas que le virage à droite se fait sans
accros ou que les électeurs goberont en masse ce que l’on peut qualifier
d’opportunisme, en tout cas de stratégie uniquement dédiée à l’ambition d’un
homme qui ne s’embarrasse pas de logique pour construire son destin dont il
espère encore qu’il le mènera dans le fauteuil de l’Elysée.
Reste donc que le MoDem, jusqu’à la présidentielle de 2017
sera de droite.
A ce moment, sans doute, pour la campagne électorale de
Bayrou reviendra-t-il vers son idée de rassemblement national à la sauce
gaulliste.
Déjà, le président du Mouvement démocrate, persuadé que
Juppé ne peut-être le candidat de LR, teste ses nouveaux slogans, parlant de «reconstruction»
et de la France comme «une entité de rassemblement».
Quoi qu’il en soit, la seule chose sûre en la matière est
que le Mouvement démocrate n’existe que par son chef et ne se détermine
politiquement que par lui.
Vouloir comprendre son fonctionnement et son positionnement
autrement est peine perdue.
C’est pourquoi, aussi, ce virage à droite tactique n’est-il
que temporaire jusqu’à un recentrage tout aussi tactique.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC