La prochaine présidentielle américaine nous réserve-t-elle
une bataille entre les populistes et les centristes dans chaque camp lors des
primaires puis entre chaque camp lors de la confrontation finale de novembre
2016?
Les débuts de la campagne semblent accréditer cette thèse
même si tout peut être chamboulé très rapidement, surtout aux Etats-Unis où les
surprises et les retournements de situation se produisent assez souvent.
Si la situation actuelle devait perdurer, on pourrait alors
assister à un duel entre Bernie Sanders et Hillary Clinton lors des primaires
démocrates et à un possible duel entre Donald Trump et John Kasich (qui monte
dans les sondages mais demeure encore devancé par d’autres candidats) lors des
primaires républicaines.
Et s’il semble quasiment impossible à Sanders d’obtenir la
nomination comme candidat démocrate, ce sera difficile mais pas impossible à
Trump d’être le candidat républicain tellement il domine les autres prétendants
(toutefois avec des scores bien en dessous de 50% des intentions de vote).
Certains se demanderont où sont passés Jeb Bush du côté du
Parti républicain et Joe Biden, le vice-président actuel, s’il se confirme qu’il
entre dans la course du côté du Parti démocrate.
La dynamique n’est pas de leur côté actuellement mais si c’était
le cas, alors la confrontation populistes-centristes ne seraient pas terminées
puisque, selon toute vraisemblance, Bush prendrait la place de Kasich et Biden,
celle de Clinton.
Quoi de plus normal que de trouver lors des primaires un
candidat proche des extrêmes face à un candidat qui campe plus ou moins au
centre de l’échiquier politique, diront les habitués des élections américaines.
Et il est vrai que l’on a souvent assisté à ce cas de figure
lors des primaires de chaque parti.
Sauf que cette fois-ci, le populisme démagogique a largement
remplacé l’idéologie.
Quant Barry Goldwater est le candidat républicain lors de l’élection
de 1964 face à Lyndon Johnson, c’est un idéologue proche de l’extrême-droite.
Quant George McGovern est le candidat démocrate lors de l’élection
de 1972 face à Richard Nixon, c’est un idéologue proche de l’extrême-gauche.
Ce qui n’est pas le cas de Donald Trump dont beaucoup d’analystes
politiques sont encore à se demander si son programme est plus proche de celui
des républicains ou de celui des démocrates, tellement il mélange les deux pour
en faire ressortir une vision politique d’un populisme et d’une démagogie que l’on
ne pensait plus possible de la part d’un candidat d’un grand parti d’une
démocratie en 2015.
Ce n’est pas le cas non plus, à un degré moindre cependant,
de Bernie Sanders, admirateur du marxiste américain Noam Chomsky, dont la rhétorique
est plus proche du populisme d’extrême-gauche, de Syriza à Podemos en passant
par le Front de gauche en Europe.
Face à eux, en revanche, on retrouve une constante dans la
politique américaine, les centristes, de George Washington à Barack Obama en
passant par Abraham Lincoln, Theodore Roosevelt et Bill Clinton, ceux qui ont
fait, globalement, ce qu’est la démocratie américaine depuis près de 240 ans,
sauf exceptions, et encore, les candidats idéologiquement clivés se recentrant
naturellement une fois la présidentielle gagnée, devant la réalité du pouvoir
même s’ils prenaient quelques mesures plus ou moins symboliques pour donner des
gages à leurs soutiens les plus polarisés.
Dans le lot, Hillary Clinton est certainement la plus
centriste (c’est d’ailleurs une des raisons des attaques virulentes qui lui
viennent des deux bords) mais John Kasich serait certainement un président de
droite modérée à défaut d’être réellement de centre-droit.
Il faut bien comprendre que ces oppositions dans les deux
grands partis viennent de ce qu’ils sont sensés représenter tout le spectre
politique (même s’il existe une myriade de petits partis mais qui ont souvent l’allure
de groupuscules qui ne comptent pour rien électoralement parlant ou peu).
Dès lors, il est naturel de trouver une aile extrême et une
aile centriste dans chacun d’eux, plus que dans les partis européens, notamment
les partis français.
En outre, chaque aile se choisit un héraut dans le lot de
candidats qui se présentent.
Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont toujours représentatifs
de cette aile.
Ainsi, Barack Obama a été adoubé par l’aile gauche du Parti
démocrate en 2008 alors qu’il était un centriste mais plus acceptable pour
celle-ci qu’Hillary Clinton.
De même pour George W Bush face à John McCain (très
centriste à cette époque) chez les républicains en 2000, où c’est l’aile droite
qui a fait élire le premier nommé qui se présentait pourtant comme un défenseur
du «compassionate conservatism», c’est-à-dire d’un «conservatisme compatissant»
qui prend en compte l’aspect social pour améliorer la condition des populations,
notamment les plus défavorisées.
Une bataille entre populistes et centristes ne sera sans
doute pas moins agressive que celle qui oppose traditionnellement extrémistes
et centristes.
En revanche, elle pourrait bien être totalement imprévisible
dans son déroulement même si les spécialistes estiment que les populistes Trump
et Sanders ont très peu de chances de dépasser le stade des primaires.
Cependant, Donald Trump n’a pas fermé la porte à une
candidature indépendante.
Et personne ne peut dire que Bernie Sanders, grisé par des
salles remplies de milliers de jeunes fans, ne soit pas tenté également par une
candidature en solo, lui qui n’est pas membre du Parti démocrate mais affilié
au groupe démocrate au Sénat.
Du coup, on pourrait se retrouver avec une triangulaire, voire un quadriangulaire, avec les deux candidats centristes de chaque grand parti et les deux trublions cités ci-dessus.
Du coup, on pourrait se retrouver avec une triangulaire, voire un quadriangulaire, avec les deux candidats centristes de chaque grand parti et les deux trublions cités ci-dessus.
Cette campagne présidentielle pourrait, in fine, être
annonciatrice d’une nouvelle époque politique qui correspondrait au lent délitement
des valeurs de la démocratie républicaine, concurrencées par les revendications
d’une «populocratie» démagogique et médiocre qui tire vers le bas le projet
démocratique et humaniste tout en permettant à un personnage comme Donald Trump,
grâce entre autres à des médias en continue toujours en quête de sensationnel
et non d’information pour faire tourner leur boutique, d’occuper l’espace politico-médiatique.
Il y a néanmoins une version optimiste qui est la rapide
disparition de ces populistes qui gangrènent la démocratie républicaine dans
les poubelles de l’histoire.
Malheureusement, cette dernière ne la valide pas car le
populisme et la démagogie sont deux tares qui ont toujours parasité la
politique et, parfois, ont permis à des aventuriers dangereux de mener leur
pays ainsi que le monde au bord du chaos, voire dedans.
En cela, les élections présidentielles américaines de 2016
seront sans doute un moment de vérité dans l’avenir proche des systèmes
politiques des démocraties occidentales.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC