Vivre en sécurité et protégé du danger est la base sur
laquelle toute liberté se construit.
En effet, comment profiter d’une liberté si l’on est
constamment dans l’inconnu et la crainte de son intégrité physique et
psychologique?
Il nous faut donc un cadre pour que notre liberté soit
effective.
Car, si Aristote affirmait, fort justement, dans l’Ethique à
Nicomaque que «quand les hommes sont amis il n’y a plus besoin de justice», ce
n’est malheureusement pas l’état des relations sociales dans le monde actuel.
Dans une démocratie républicaine qui prend en compte
l’imperfection humaine, la divergence d’intérêts, le manque d’amitié et qui
combat la licence, c’est le système juridique qui fait office de cadre
régulateur.
La loi sécurise et protège tout en ouvrant la voie à une
liberté réelle bornée uniquement, en théorie, par l’interdiction d’empiéter sur
la liberté de l’autre.
Mais pas en pratique.
En effet, comme pour tout système, le juridique peut être
dévoyé par ceux qui le contrôle.
C’est le cas quand l’’interdiction devient le moyen le plus
simpliste pour régler un problème (voire pour en créer un artificiellement afin
d’édicter un interdiction…).
Car la démocratie représentative n’est pas un régime
d’interdiction mais, profondément, un régime de liberté pour des individus
égaux et responsables.
Cette liberté ne s’acquiert pas principalement par
l’interdiction mais par la transmission du savoir et des valeurs.
Même si cette démocratie représentative est autre chose
qu’un simple régime où l’on échange la liberté contre la responsabilité.
Elle est également fondée sur la solidarité entre ses
membres même si celle-ci se pratique souvent par l’outil étatique qui se
substitue, par l’acceptation des citoyens, à leur devoir d’aider son prochain
pour qu’une communauté puisse fonctionner et se dire humaniste.
Dès lors, c’est souvent avant d’en arriver à édicter des
interdits qu’un problème doit être réglé et non avant tout par l’interdiction.
Car les interdits sont bien des échecs d’une société
démocratique.
Certains de ces échecs sont inscrits dans les perversions de
la nature humaine mais d’autres sont la résultante de l’incapacité des sociétés
et de leurs gouvernants à trouver des solutions à des problèmes, voire, plus
grave, de s’immiscer dans la vie privée des individus au nom d’une morale qui
n’en a que le nom.
Ainsi, l’interdiction n’est pas légitime à protéger le citoyen
qui ne le souhaite pas et le but d’une société évoluée n’est pas de se
transformer en une baby-sitter castratrice.
De ce point de vue, interdiction et principe de précaution
sont néfastes quand ils empêchent l’individu de s’épanouir, épanouissement qui
profite souvent, en plus, à toute la société.
Si elle ne met pas en danger autrui et la communauté,
l’action d’une personne ne doit pas être encadrée par l’interdit et la
précaution.
Par peur d’être accusé d’inaction, de faiblesse et
d’incompétence, le politique au lieu d’agir pour éviter la survenance d’un
problème, le règle à coups d’interdictions quand il devient trop prégnant.
De ce fait, il ne le règle absolument pas en profondeur et
restreint, dans le même temps, l’espace de liberté individuelle.
Cet artifice de l’interdiction devient un outil essentiel
pour le politique de prouver qu’il «fait quelque chose».
Souvent, le discours qui l’accompagne est non seulement
négatif mais mensonger avec la manipulation des statistiques.
Et il passe de plus en plus mal dans la population, pourtant
demandeuse de sécurité, mais pas d’un empilage d’interdits.
C’est ce que révèlent de nombreux sondages dont le dernier
réalisé par Viavoice pour l’Express et la Revue civique (*) où 67% des sondés
pensent qu’il y a «de plus en plus d’interdits, de contraintes et de
surveillances».
Surtout, 77% des personnes interrogées ne s’en accommodent
pas, estimant que ces «interdictions, contraintes ou surveillances» constituent
«des atteintes importantes à nos libertés individuelles».
45% des sondés disent même que les normes et les interdits
sont «si importants qu’ils donnent envie de faire ce qu’on ne devrait pas».
Et 96%, chiffre étonnamment élevé, affirment que ces
interdits, ces surveillances et ces contraintes sont devenus «excessifs» depuis
le début des années 2000.
Voilà qui prouve bien un rejet de la population de cette
manière de gouverner qui est devenue tristement routinière et la faillite d’une
pratique qui ne règle pas un problème – qui parfois n’en est même pas un – mais
qui ne fait que le gérer dans l’instant et l’urgence par un interdit.
D’autant que 93% des Français se disent attachés à leurs
libertés individuelles (dont 53%, très attachés).
Enfin, il ne faut pas oublier une valeur fondamentale de la
démocratie républicaine, le respect que le Centrisme humaniste du juste
équilibre met en avant comme le liant principal entre des individus libres.
Dans le sondage, il vient d’ailleurs en tête des valeurs auxquelles
sont attachées le plus les Français (57%, juste devant la liberté 49%).
Pas le respect vu comme d’un inférieur à un supérieur, de
l’individu à l’Etat mais comme le respect de l’un à l’autre et réciproquement,
le respect de l’individu à la communauté et réciproquement.
Liberté et respect ne sont pas antinomiques, bien au
contraire, ils vont de pair.
En revanche, licence et respect ne peuvent cohabiter.
Ayant dit cela, l’interdiction ne se justifie que dans la
situation suivante: impossibilité de trouver une solution meilleure où la
liberté, la sécurité et le respect de la personne qui souhaite être protégée ne
peuvent être assurées.
Aujourd’hui, on en est loin car l’interdiction est souvent
la seule solution envisagée par les gouvernants et concerne souvent des actes
qui n’ont aucune incidence sur autrui ou même la société.
(*) Sondage réalisé du 28 mai au 2 juin 2015 / échantillon
représentatif de la population de 2002 personnes / marge d’erreur de 3 points).