Cela devient une récurrence bien navrante: en matière
européenne, pourtant où ils sont si légitimes à parler et à être écoutés, non
seulement les centristes français sont désunis mais ils sont inaudibles.
La crise grecque l’a montré une nouvelle fois.
Les prises de position de la Droite, de la Gauche, de
l’extrême-gauche et de l’extrême-droite ont été abondamment relayées par les
médias et commentées, celles des centristes n’ont été qu’évoquées
secondairement.
D’autant que ces mêmes centristes se sont encore divisés à
propos de cette crise.
Alors que Jean-Christophe Lagarde a endossé le rôle du
contempteur et du censeur en demandant la sortie de la Grèce de la zone euro,
François Bayrou se parait de celui du conciliateur en souhaitant parvenir à un
accord entre le gouvernement d’Alexis Tsipras et l’Union européenne.
Les deux hommes, évidemment, ont affirmé que leurs positions
respectives se faisaient, à la fois, pour le bien du peuple grec, pour le bien
de l’Europe et pour le bien de la France, sauf qu’elles étaient antinomiques!
On aurait aimé que les deux présidents amènent leurs formations
respectives, l’UDI et le Mouvement démocrate, à une position commune et à un
plan de sortie de crise.
D’autant que leurs électorats se sont retrouvés sur une même
ligne comme l’a montré un sondage IFOP pour Le Figaro et RTL où, après le
référendum grec, 57% des sympathisants du MoDem et 58% de ceux de l’UDI
privilégiaient des négociations plutôt qu’une sortie de l’euro.
Mais cela n’a pas été le cas parce que les partis centristes
naviguent à vue sur l’Union européenne même s’ils se plaisent à rappeler qu’ils
sont fédéralistes en la matière.
Ainsi, ils n’ont pris aucune initiative d’importance ces
dernières années pour défendre l’intégration européenne.
Dès lors, le débat se fait entre la Droite et la Gauche et,
surtout, entre celles-ci et leurs extrêmes anti-Union européenne.
A chaque fois qu’une occasion s’est présentée d’être en
première ligne sur l’avenir de l’Europe comme dans le cas du possible «Grexit»
(sortie de la Grèce de la zone euro), on a plutôt eu l’impression que les
centristes se sont cachés à l’arrière pour ne pas trop s’exposer.
Le seul centriste qui est monté au créneau et qui a tancé le
premier ministre grec à Strasbourg lors de sa venue au Parlement européen pour
un débat sur la crise grecque, dans un discours largement repris par les médias,
a été Guy Verhofstadt, président des centristes européens (Alde).
Mais il est Belge…
Cette frilosité européenne des centristes français n’est
malheureusement guère nouvelle.
En 2005, lors du référendum sur la Constitution européenne,
l’UDF alors présidée par François Bayrou, avait fait une campagne en catimini
pour le oui pour ne pas se trouvait trop atteinte par le non qui l’a finalement
emporté.
Si ce sont là les convictions européennes des centristes –
ou tout au moins de certains d’entre eux – c’est sûr qu’il ne vaut mieux pas
s’en vanter…
Désunis et inaudibles, les centristes ne peuvent prétendre
sortir de leurs seconds rôles et de leur utilité, être une force d’appoint pour
un grand parti.
Mais, à force de constater cette faiblesse des partis
centristes, on en vient à se demander si ce n’est pas ce qu’ils souhaitent en
définitive.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC