Beaucoup de commentateurs sont perplexes. Qui est le gagnant
des négociations qui viennent de s’achever entre LR (Les républicains) et l’UDI
et qui ont acté la mise en place de listes communes aux régionales?
Certains croient savoir que c’est un accord gagnant-gagnant
qui a été signé entre les présidents respectifs des deux partis, Nicolas
Sarkozy et Jean-Christophe Lagarde.
D’autres, en revanche, estiment que l’UDI a obtenu bien plus
qu’elle n’aurait du avoir en regard de sa puissance électorale qui est encore
très faible.
Mais, d’autres encore, pensent que l’UDI s’est faite rouler
dans la farine car elle a du, pour obtenir «beaucoup», lâcher encore plus.
Ils ajoutent que c’est le Centre dans son ensemble qui est
une nouvelle fois le grand perdant.
En effet, dans une élection au scrutin proportionnel et dont
les résultats quels qu’ils soient ne présentaient aucun danger pour la
démocratie, les centristes avaient la possibilité, au premier tour, de se
présenter unis afin de montrer leur originalité, leur indépendance et leur capacité
politiques (d’autant que les deux partis étaient crédités, dans les sondages,
d’environ 12% des intentions de vote).
C’est donc un nouveau rendez-vous manqué pour un Centre
indépendant, ce qui est le plus grave pour nombre de militants de l’UDI dont
certains viennent de lancer une pétition contre cet accord (voir la pétition ici).
1) Cet Accord pointe
une nouvelle fois la désunion des centristes que ce soit entre MoDem et UDI ou
à l’intérieur même de l’UDI
Dès les grandes lignes de l’accord connu, François Bayrou ne
s’est pas privé sur la chaîne Public Sénat de critiquer ses «alliés» de l’UDI
pour leur inféodation à LR qui s’est encore manifestée, selon lui, par une
union où le Centre est à nouveau l’obligé de la Droite.
Et de rappeler que, dans son optique, le Centre doit être
«indépendant», en s’attribuant, comme s’est devenu une habitude, le rôle de
seul vrai défenseur de cette indépendance.
Il a évidemment «oublié» que dans nombre de régions, son
parti, le Mouvement démocrate fera alliance avec l’UDI et LR sur des listes
communes.
Sans oublier son alliance avec l’UMP lors des municipales
pour être élu maire de Pau.
Pire, Marielle de Sarnez, la fidèle adjointe de Bayrou, avait
refusé de faire liste commune en Ile-de-France avec Chantal Jouanno (UDI),
torpillant pratiquement cette dernière qui va renter dans le rang et faire
liste commune avec Valérie Pécresse (LR) et, sans doute, de Sarnez…
Quant à l’UDI, elle a montré son extrême friabilité et sa
désunion quasi-constitutive puisqu’au moment où Lagarde négociait avec Sarkozy,
Hervé Morin, Philippe Vigier et François Sauvadet, tous dirigeants de la
formation centriste, sont allés discuter directement avec le président de LR,
sans oublier les nombreuses déclarations de ce trio et d’autres responsables de
l’UDI critiquant le positionnement de leur président.
Mais ce qui est certainement le plus consternant c’est que
Jean-Christophe Lagarde et François Bayrou ne sont pas rencontrés une seule
fois pour négocier des listes communes entre l’UDI et le MoDem, voire même pour
l’envisager.
La conclusion de tout cela est bien une faiblesse désolante
et inquiétante des centristes qui oublient que ce n’est pas eux que Nicolas
Sarkozy courtisait mais leur électorat et qui en paieront peut-être le prix
fort.
Ils viennent encore une fois de démontrer leur incapacité à
être une force politique qui compte dans le paysage français, seulement une
agglomération de politiques qui ont la possibilité de négocier de par leur
capacité de nuisance et non par leur projet et leur programme.
2) Les renoncements
de l’UDI plus importants que les concessions LR
Les dirigeants de l’UDI clament haut et fort qu’ils viennent
de remporter un grand succès en obligeant LR et son chef, Nicolas Sarkozy, à
faire d’énormes concessions qui prouvent que la Droite a absolument besoin du
Centre et que ce dernier peut donc en tirer de très larges bénéfices.
Et d’introniser Jean-Christophe Lagarde comme grand
négociateur qui aurait obtenu ses galons de leader politique national qui
compte.
Voyons cela de plus près.
- Lagarde ne voulait pas de Laurent Wauquiez comme tête de
liste dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, beaucoup trop à droite selon lui, il
l’aura en ayant abandonné ses principes.
- Lagarde voulait une liste indépendante en Ile-de-France
avec Chantal Jouanno ) sa tête, il ne l’aura pas en ayant abandonné sa dignité.
- Lagarde voulait un candidat à la présidentielle, il ne
l’aura plus abandonnant son indépendance.
- Lagarde voulait se débarrasser de ses ennemis à
l’intérieur de l’UDI (Morin, Sauvadet, Leroy, etc.), ce sont eux les grands
gagnants des négociations grâce à leur court-circuitage des négociations.
- Lagarde voulait une UDI indépendante, elle n’est qu’un
appendice de LR comme l’ont montré les départementales et le prouveront une
nouvelle fois les régionales.
Pire, comme cet accord électoral n’est en rien basé sur un
programme, on n’a assisté à aucune discussion sur le fond, donc sur les
différences et les ressemblances qui existeraient entre LR et l’UDI.
En retour, Nicolas Sarkozy n’a «perdu» que trois régions et
quelques sièges de conseiller régionaux.
Si cela lui fait gagner la présidentielle, le rapport
gain-perte sera très nettement positif pour LR!
3) Cet accord engage
l’UDI au-delà des régionales
C’est sans doute là que l’UDI et les centristes ont perdu le
plus gros.
Certains chez LR, comme Copé et Raffarin, se sont offusqués
de l’accord passé par Sarkozy et Lagarde au motif que l’ancien président de la
république a trop cédé aux centristes.
En fait, Sarkozy n’a jamais été intéressé par les régionales
mais évidemment par la présidentielle, élection, on en conviendra, nettement
plus importante pour un parti politique.
D’ailleurs, qui est vraiment intéressé par les régionales?
Donner des présidences de régions et des sièges dans les
assemblées régionales n’est pas une concession de grande ampleur, loin de là.
Autrement plus dur sera les négociations pour les
présidentielles et les législatives de 2017.
Mais, surtout, Jean-Christophe Lagarde a d’ores er déjà, dès
la fin des négociations, modifié son discours sur la présence d’un candidat de
l’UDI à la présidentielle (lire ici),
préparant ses troupes à un soutien à la primaire de LR et au candidat qui en
sera issu.
Dès lors, le gain de trois présidences de région (évidemment
si les listes LR-UDI en question remportent le scrutin) et de quelques dizaines
de conseillers régionaux ressemble plus à une aumône qu’à autre chose.
D’où, sans doute, la grogne compréhensible de nombre de militants
centristes.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC