L’UDI est-elle en train de justifier toutes les moqueries et
les injures que déversent les adversaires du Centre depuis le Révolution
française, à savoir que les centristes ne sont que des opportunistes sans
grandes convictions, à la recherche du meilleur accord électoral, c’est-à-dire
celui qui leur donne le plus d’élus et le plus de sièges dans le gouvernement,
peu importe avec qui et sur quoi?
Au vu de ce que l’on voit et de ce que l’on entend ces dernières
semaines, beaucoup de sympathisants mais aussi de militants centristes sont en
droit d’avoir quelques craintes.
Ces derniers avaient déjà assisté, étonnés, du côté du
Mouvement démocrate, au retour à droite de François Bayrou, au moins le temps
de se faire élire maire de Pau.
Non pas que les négociations que mènent Jean-Christophe
Lagarde pour une alliance avec les Républicains soient critiquables en soi, bien au
contraire.
Les partis centristes, MoDem et UDI, sont évidemment bien
loin d’être majoritaires et même hégémoniques, ils doivent donc s’allier à
d’autres formations politiques et, malheureusement, avoir plutôt la portion
congrue au profit de plus fort qu’eux.
Et il semble que dans ce domaine, Lagarde ne soit pas un
mauvais négociateur et qu’il sache, en outre, manier le bâton et la carotte,
comme le montre son «ultimatum» aux Républicains, menaçant Nicolas Sarkozy – son maître
en la matière – de ne pas faire d’accord pour les régionales et d’y aller seul
avec ses listes UDI.
Que ce soit du bluff ou non, de l’apparence ou non et même
un ballet bien réglé pour noyer un poisson qui sera un nouvel accord d’un parti
de complément avec un grand parti, voire une stratégie suicidaire, l’avenir
nous le dira et peu importe pour notre propos ici.
Ni même de se demander si sa volonté d’avoir un candidat UDI
à la présidentielle n’est pas qu’un simple moyen de négociation supplémentaire.
Car, le fond de l’affaire est de savoir si la politique se
résume à des négociations et des alliances?
Pendant toutes les négociations avec Nicolas Sarkozy, quand
est-ce que Jean-Christophe Lagarde a mis en avant les idées et les valeurs
centristes, quand est-ce que l’on a discuté d’un programme, que ce soit au
niveau national ou au niveau régional?
Pire, il semble bien que les lignes rouges que Jean-Christophe
Lagarde ne voulait pas franchir (en s’alliant avec le droitiste radical Laurent
Wauquiez ou en faisant liste commune en Ile-de-France, par exemple) au nom,
justement, de la différence politique entre le Centre et la Droite, le seront
allègrement si le président de l’UDI obtient les trois têtes de listes qu’il
demande au président des Républicains qui lui imposera en retour un accord national.
Il suffit de lire, pour cela, sa dernière interview dans le
JDD.
In fine, la question est de savoir si le président de l’UDI
n’est-il pas un bon négociateur mais un mauvais leader?
On voit bien que ce n’est pas au nom des idées qu’il demande
des élus mais simplement de celui d’un rapport de force qui lui permet de jouer
sur les failles de la stratégie des Républicains et de sa bataille essentielle pour la
prééminence à droite face au Front national.
Parce que depuis son élection à la présidence de l’UDI, à
part dans quelques interventions au début de son mandat, on cherche en vain ses
discours et ses interviews où il développe largement un projet ou un programme
centristes.
A contrario, on l’a même vu jeter aux orties les idées et
les valeurs de son camp – à l’opposé de nombre de ses amis de l’UDI – juste
pour s’opposer au gouvernement de gauche et faire des appels du pied à ses
partenaires de droite.
Ceci n’étonne guère ceux qui connaissent Jean-Christophe
Lagarde dont la spécialité est bien la conquête du pouvoir par tous les moyens.
Le Parti communiste l’a appris à ses dépends en
Seine-Saint-Denis et ses adversaires de l’UDI (Hervé Morin, Jean-Christophe
Fromantin, Maurice Leroy, Yves Jégo et Chantal Jouanno pendant un temps),
également.
Ce n’est sans doute pas pour rien que l’UMP (avant de devenir Les Républicains) de
Seine-Saint-Denis l’avait baptisé le Sarkozy du 9-3…
Mais tout cela ne bâtit pas un parti responsable qui se bat,
avant tout, pour ses convictions.
Surtout pas un candidat à l’élection présidentielle, rêve
que caresse toujours Jean-Christophe Lagarde.
Alors oui, il pourra sans doute obtenir du rab aux élections
puis au gouvernement mais cela ne fera pas progresser d’un iota les idées et
les valeurs centristes.
Certains applaudiront le tour de force, d’autres ont le
droit de penser que la politique, c’est autre chose.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC